| GRIPPER, verbe I. − Emploi trans. A. − Vx. [En parlant du chat et des animaux à griffes] Attraper, saisir subtilement. Ce chat a grippé un morceau de viande; il a grippé la souris à la sortie du trou (Ac.). B. − P. ext. 1. Vx. Dérober (le bien d'autrui). On lui a grippé sa bourse; cette femme lui a grippé son argent (Ac.). 2. Vieilli. Attraper, surprendre quelqu'un. Synon. agripper, attraper, pincer.Ce brave Justin Lebasser, que Jacques Arribas voulait faire gripper par les gendarmes et faire mettre en prison (Fabre, Norine,1889, p. 31) : T'en baill'rai, moi ed' la Nioule! Cte ch'tite gaupe! C'te racaille! Ah, j't'ai ben grippé el' nez dans l'pot, ec'te fois, vieux coureur ed' créatures!
Martin du G., Gonfle,1928, I, 6, p. 1194. II. − Emploi trans., intrans. et pronom. A. − Vieilli. Froncer, rider. 1. Emploi trans. Les grands de la classe mettaient les gants sur le poêle, s'amusaient à les dessécher, à les gripper; puis, si les gants échappaient aux fureteurs, ils se mouillaient, se recroquevillaient faute de soin. Il n'y avait pas de gants possibles. Les gants paraissaient être un privilège, et les enfants veulent se voir égaux. (Balzac, L. Lambert,1832, p. 57).De leurs fenêtres aux carreaux cassés, volettent au dehors des lambeaux de petits rideaux, tout grippés par la pluie (Goncourt, Journal,1870, p. 674).Je n'ose pas le dire à Brague, mais je me l'avoue, en regardant dans la glace ma figure d'enterrement, avec un petit frisson de lâcheté qui me grippe la peau du dos (Colette, Vagab.,1910, p. 54). 2. Emploi intrans. et pronom. Ce tissu grippe un peu (Rob.). Une étoffe qui grippe (Lar. Lang. fr.). Ce taffetas s'est tout grippé (Ac.). 3. Au part. passé Face, visage grippé(e). Dont les traits sont contractés, crispés, dans certaines crises douloureuses. Puis, très rapidement les symptômes de la péritonite généralisée : (...) un faciès anxieux, grippé (Widal, Lemierre, Abrami dsNouv. Traité Méd., fasc. 3, 1927, p. 119). B. − Accrocher, bloquer par effet de grippage (v. ce mot B). 1. Emploi trans. Avant dix kilomètres d'ici elle aura déjà tamponné trois voitures, grippé son débrayage, crevé ses pneus (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 319). 2. Emploi intrans. et pronom. Un organe mal graissé s'échauffe, grippe, se rompt et peut occasionner des accidents très graves (Herdner, Constr. et conduite locomot.,1887, p. 303).On risque, en terme de métier, « de passer les bielles au travers du carter », car la bielle se grippe sur le maneton du vilebrequin, se tord, casse et frappe le cylindre et le carter qu'elle défonce (Chapelain, Techn. automob.,1956, p. 340). ♦ P. métaph. Ce n'est pas moi, ce sont les choses qui l'ont abandonné, il n'était plus d'accord avec elles; on aurait dit qu'ils n'étaient plus animés de la même vie et qu'ils ne s'attendaient pas, qu'ils ne s'entendaient pas. Mon devoir n'est-il pas d'enlever aussitôt le rouage qui grippe et qui grince? (Claudel, Soulier,1929, 4ejournée, 4, p. 878). − Au fig., mod. [En parlant d'un système écon., pol., soc.] Fonctionner mal. Protéger les faibles, réduire les inégalités les plus choquantes devrait être l'ambition d'une politique des transferts sociaux. La mécanique actuelle de ces transferts ne joue pas dans ce sens. Elle grippe parce que l'évolution du rapport entre population active et inactive reste peu favorable (Le Monde 11.12.63 ds Gilb.1971).On peut penser que le système suédois se gripperait (O.R.T.F. 18.10.69 ds Gilb.1971). Prononc. et Orth. : [gʀipe]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. a) 1425 « saisir violemment, agripper » (Journal d'un bourgeois de Paris, éd. A. Tuetey, p. 205); 1509 [ms.] « saisir avec les griffes » (Vincent Philippon, Traduction de la fauconnerie d'Arthelouche de Algona, B.N. fr. 2005, fo17 vods Gdf. Compl.); 2. 1585 « filouter » (Noël du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 239); 3. 1649 « prendre au collet, arrêter (un voleur) » (Scarron, Virgile travesti, livre IV ds
Œuvres complètes, éd. de 1786, t. 4). B. Intrans. 1. 1740 « se froncer (en parlant des étoffes) » (Ac.); 2. 1757 « s'arrêter par excès de frottement de ses pièces (d'une machine) » (Encyclop. t. 7, s.v. forêt, p. 133b). C. Part. passé 1. 1684 être grippé de « entiché de » (Mmede Sévigné, Lettre du 15 nov. ds Correspondance éd. R. Duchêne, t. 3, p. 157; 2. a) 1782 « qui est atteint de la grippe » (Mercier, Tabl. Paris, t. 4, p. 158); b) 1814 face grippée (Nysten). On admet gén., malgré la rareté de ses attest. à époque anc., que gripper remonte à l'a.b. frq. *gripan « empoigner, saisir »; cf. m. néerl. gripen « prendre, saisir », a.h.all. grifan; m.h.all. grifen, all. greifen « id. ». Cette hyp. s'appuie sur le fait que le mot gripper, attesté indirectement dans des dér. plus anc. (ca 1200, agripper; xiiies. gripaille ds FEW t. 16, p. 78b), semble exister av. la fin du xves., mais que son emploi est limité à l'orig. à la lang. spécialisée des escrocs et des voleurs et n'est devenu courant dans la lang. commune que beaucoup plus tard, ce qui explique la date tardive de son apparition dans la lang. littér. Au sens de « atteint de la grippe », grippé est dérivé de grippe « catarrhe » suff. -é*. D'apr. Bl.-W.2-5gripper pourraît être dér. du subst. grippe*; de même que griffer* viendrait de griffe*. Fréq. abs. littér. : 28. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 521. - Vidos 1939, p. 448. |