| GRINCEMENT, subst. masc. A. − [Correspond à grincer A] Son aigre, sec, plus ou moins strident et métallique, produit généralement par le frottement l'un contre l'autre d'éléments durs et lisses. Synon. crissement.Le grincement d'une poulie, du sable, d'une porte. Le grincement des roues non graissées du chariot (Gautier, Fracasse,1863, p. 76).Le bourdonnement paraît bien s'opposer au grincement, mais c'est peut-être parce que le bourdonnement s'accompagne souvent de sons graves et le grincement de sons aigus (Hamelin, Élém. princ. représ.,1907, p. 265).Le docteur de Chavranches entendait le léger grincement des ongles sur le verre poli (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 286) : 1. Et voici que, de tout le pressoir énorme, aux assemblages chevillés, sous les tours saccadés, irrésistibles de la roue, maniée, à grands efforts de reins, des voix sortaient et éclataient : craquements des arbres, grincements de la vis, crissements des montants et des clefs, gémissements de la plate-forme, qui serraient et s'arc-boutaient; voix sombres ou aiguës coupant de râles multipliés le bruit de flot du vin.
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 94. − Spécialement ♦ Dans le domaine musical.Son aigre, sec, dissonant. Le son filé demande beaucoup de soin dans son exécution; tirer (ou pousser) l'archet dans toute sa longueur, le plus fortement possible, sans interruption du son, sans grincement, en obtenant un timbre bien uniforme pendant toute la durée du coup d'archet (Lallement, Dyn. instrum. archet,1925, p. 36). ♦ Cri ou bruit émis par un animal. De nouveau, il n'y eut plus que les bruits des nuits de printemps : le coassement des rainettes, le grincement des grillons, le huchement d'une chouette, le chant des rossignols (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 152). − Au fig. Difficulté passagère. Synon. friction, frottement.Il sera mis bon ordre à tout cela; (...) mais force est de se rendre compte que le fonctionnement des sociétés de prévoyance permet encore certains grincements regrettables (Gide, Journal,1938, p. 1299).Mes rapports avec le Patriarche, non exempts de quelques grincements et heurts (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 117). SYNT. Faible, petit grincement; grincement aigu, dur, léger, sec. B. − [Correspond à grincer B] Grincement de dents. Action de grincer des dents, de les frotter convulsivement sous l'empire d'un affect intense. Meurs donc! dit-il à travers un grincement de dents (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 537).Lorsque l'heure arrive, rien ne doit empêcher les grincements de dents, les mains tordues : « Pitié, pitié pour ta vieille chérie!... » (H. Bataille, Maman Colibri,1904, III, 6, p. 24) : 2. ... jamais femme ne porta dans ses flancs de plus inapaisables désirs. Ses ardeurs acharnées et ses hurlantes étreintes, avec des grincements de dents, des convulsions et des morsures, étaient suivies presque aussitôt d'assoupissements profonds comme une mort.
Maupass., Contes et nouv., t. 1, Marroca, 1882, p. 789. − Expr. [P. allus. à la description de l'Enfer, dans Matthieu VIII, 12] Il y aura des pleurs et des grincements de dents. Il y aura de la douleur et de la tristesse. L'homme, (...) De l'œil intérieur de son âme éperdue Vit s'élargir un gouffre où, sur des grils ardents, Avec des bonds, des cris, des grincements de dents, Les générations se tordaient (Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 110).Vous avez vu? La catastrophe! Ah! Il y aura des pleurs et des grincements de dents, aujourd'hui, dans beaucoup de ménages (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 208). ♦ Sans pleurs ni grincements de dents. Sans douleur, très facilement. Contents d'avoir fait trembler le candidat, ils le reçurent et tout s'accomplit sans pleurs ni grincements de dents (A. France, Vie fleur,1922, p. 434). − Au fig. Clotaire : (...) je prépare un oratorio : Le Désert. Je crois qu'il y aura des grincements de dents. Jef : Oh! alors, ce sera très moderne. Clotaire : Non. Des grincements de dents chez mes confrères (Achard, J. de la Lune,1929, I, 2, p. 5). Prononc. et Orth. : [gʀ
ε
̃smɑ
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1530 grincement [de dents] (Palsgr., p. 225); 1541 grincemens de dens (Calvin, Institution de la religion chrétienne, éd. J.-D. Benoît, livre III, p. 495); 2. [1660, Oudin Fr.-Esp. (peut-être « grincement de dents »)]; 1770 « action de grincer; bruit aigre ou strident qui en résulte » (Buffon, Hist. nat. des oiseaux, t. 1, p. 364). Dér. de grincer*; suff. -ment1*. Fréq. abs. littér. : 302. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 189, b) 436; xxes. : a) 480, b) 599. |