| GRIL, subst. masc. A. − 1. Ustensile de cuisine à tiges métalliques parallèles et rapprochées (ou parfois fait d'une simple plaque de fonte à rainures) pour faire rôtir à feu vif, pour griller de la viande, du poisson. Côtelettes de mouton rôties sur le gril; mettre du boudin sur le gril; la queue du gril (Ac. 1835-1932). Elle tient un petit gril carré en fil d'argent où noircit et se boursoufle une tablette de chocolat rôtie (Colette, Cl. s'en va,1903, p. 35) : 1. ... les sardines sont étêtées et éviscérées à la main puis salées, lavées et disposées sur des grils de fil métallique étamé. Ces grils garnis de poissons sont alors séchés dans des séchoirs à air chaud, et, aussitôt après, immergés dans des bassines contenant de l'huile...
Industr. conserves,1950, p. 20. 2. HIST. Instrument servant au supplice du feu. Gril ardent. La bannière des rôtisseurs, sur laquelle un beau saint Laurent était brodé avec son gril et une palme d'or (A. France, Rôtisserie,1893, p. 8).L'archevêque d'Auch, un Mgr. Enard, ne veut pas du martyre procuré par l'huile bouillante, les tenailles ou le gril. C'était bon autrefois. Il connaît un meilleur martyre et qui frappe moins l'imagination (Bloy, Journal,1906, p. 321). ♦ P. métaph. Caroline bondit comme une lionne piquée par un taon; elle se replace d'elle-même sur le gril du soupçon, elle recommence sa lutte avec l'inconnu (Balzac, Ptes mis.,1846, p. 174).Aux premiers élans d'une joie bien naturelle, avaient promptement succédé les transes de la solitude, les alarmes de l'insomnie, le gril de la continence (Bloy, Hist. désobl.,1894, p. 153). − [P. allus. au gril de saint Laurent] Expr. fig. et fam. Être sur le gril. ,,Éprouver une vive impatience, souffrir d'une attente comme d'une brûlure`` (Ac. 1932). Cf. être sur les charbons* ardents.Être sur le gril de l'impatience : 2. ... Joseph Quesnel regarda le jeune homme anxieux, qui était assis devant lui, avec une curiosité qui dura. « Je vous ai fait venir... » dit-il, et sa main longue et fine jouait avec un coupe-papier de cornaline. Il traînait sa phrase comme si ça n'avait pas été l'autre qui était gêné, sur le gril.
Aragon, Beaux quart.,1936, p. 478. − Mettre, tenir, retourner (qqn) sur le gril. (Le) gêner très fort, (le) tourmenter. L'on t'a fait poser! dit Corentin en voyant qu'il n'y avait plus dans la chambre à coucher que Peyrade et Contenson. − Qui? s'écria Peyrade (...), j'emploie mes derniers jours à le mettre [Contenson] sur un gril et à l'y retourner (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 279).Le curé se prépara héroïquement à être tenaillé ou retourné sur le gril par la férocité d'Henriette (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 277). B. − [P. anal. de forme] 1. SPECTACLE (théâtre) a) ,,Quadrillage métallique fixe suspendu au-dessus du plateau à 2 m du plafond sur lequel circulent les machinistes et qui sert à fixer les projecteurs`` (Giteau 1970). b) ,,Plancher à claire-voie situé dans la partie supérieure des cintres et équipé pour la suspension des décors. Dans les grands théâtres il y a parfois deux grils superposés, le grand gril et le petit gril`` (Giteau 1970). Il levait les yeux vers le cintre [du théâtre], où d'autres herses (...) mettaient des constellations de petites étoiles bleuâtres, dans le chaos du gril (...) des ponts volants, des toiles de fond (Zola, Nana,1880, p. 1205).Au sous-sol de l'Opéra (...) les herses, les grils, les poutres boulonnées, tout un arsenal de torture et de crime qui, la nuit, se met en marche pour le plaisir des spectateurs (Morand, Rococo,1933, p. 83). 2. TECHNOLOGIE a) CH. DE FER. Disposition des voies de triage. On disposait les voies de triage en forme de gril c'est-à-dire qu'elles étaient réunies par des aiguilles à une extrémité seulement et terminées en cul-de-sac à l'extrémité opposée (Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, 1894, p. 301). b) HYDRAULIQUE. ,,Claire-voie en amont d'une vanne afin d'arrêter les détritus que peuvent charrier les eaux`` (Mots rares 1965). c) IMPR. Machine sur laquelle l'imprimeur en taille douce fait chauffer la planche de cuivre avant de l'encrer (d'apr. DG). ,,Treillis de fer sur lequel les doreurs exposent les pièces au feu`` (DG). d) MAR. ,,Plate-forme formée par une série de pièces de bois parallèles et non jointives, sur lesquelles on échoue un navire de façon à pouvoir en réparer ou en nettoyer les fonds entre deux marées`` (Soé-Dup. 1906). Gril de carénage. − Dans les ports à marée, on installe, en un point de l'avant-port, une plateforme d'ordinaire en bois sur laquelle le navire est échoué en basse mer (Bourde, Trav. publ.,1929, p. 289). Rem. La docum. enregistre le sens de gril comme synon. de grille : Il regardait pensivement un groupe de clochards qui dormaient sur le gril d'un puits de métro (Queneau, Zazie, 1959, p. 216). Prononc. et Orth. : [gʀil]. Cette forme ds Dub., Pt Rob., Warn. 1968, Lar. Lang. fr. Formes correspondantes en [-λ], ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Gattel 1841, Littré, avec la précision ,,devant une voyelle`` (Fér. 1768, Littré), ou en [-j], dans Passy 1914. Forme sans consonne finale, [gri], dans tous les dict. consultés, seule (ds Land. 1834, Besch. 1835, DG, Barbeau Rodhe 1930), ou associée à une forme avec consonne finale, et dans ce cas, pour autant que les indications à cet égard soient claires, comme la forme de base. Seuls Warn. 1968 et Lar. Lang. fr. préfèrent leur forme avec consonne finale, [gʀil]; v. aussi Martinet-Walter 1973, [-l] (14), [-j] (2), [gʀi] (1). Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. [xies. judéo-fr. gradil (Raschi, Talm. 1929, gl. 557)] xiiies. craticula : grëil (Anc. Gl. fr. Ms. Bibl. Nat. lat. 8246, 16 ds T.-L.); xives. cratis : clee, grëil (Gloss. Ms. Bibl. Nat. lat. 7692, 338, ibid.); 1393 gril « instrument de cuisine servant à poser les aliments à rôtir par exposition directe au feu » (Ménagier, II, 127 ds T.-L.); 2. a) graïl utilisé comme instrument de supplice (M. de France, Purgatoire, éd. Th. A. Jenkins, 1096); b) 1740 au fig. être sur le gril (Ac.); 3. xiiies. « assemblage à claire voie fermant un passage » (Constant du Hamel, éd. Ch. Rostaing, 293) − 1605, O. de Serres, Théâtre d'Agriculture, VIII, 2 et VIII, 4 ds Hug. Forme masc., correspondant à grille*, sans spécialisation de sens avant la fin du moyen âge. Il s'agit vraisemblablement d'une forme remontant à craticulum (parallèle à craticula mais plus rare), propre à l'aire gallo-rom. et probl. originaire du domaine d'oïl, alors que le type fém., auquel l'oppose sa répartition géographique, existe également dans le domaine sarde (cf. FEW t. 2, p. 1291). Fréq. abs. littér. : 81. |