| GREC, GRECQUE, adj. et subst. I. − Adjectif. A. − 1. Qui est originaire de Grèce, qui se rapporte à la Grèce, à ses habitants, à sa civilisation. Langue, nation, péninsule grecque; dialectes grecs; îles grecques. Les côtes de la Laconie, ravagées par mer comme par terre par le brigandage grec (Lamart., Corresp.,1832, p. 294).Le papas grec en longue barbe (Flaub., Corresp.,1850, p. 148) : 1. ... toutes les formes simples de groupes humains ont pour symbole une lettre de l'alphabet grec. Omicron majuscule, la place publique; oméga majuscule, l'auditoire du théâtre; khi majuscule, le carrefour; êta minuscule, la queue du concert Colonne, etc. Vous relevez, dis-je, de l'epsilon minuscule.
Romains, Copains,1913, p. 55. − B.-A. Croix grecque. Croix à quatre branches égales. L'édifice est moderne, et construit en forme de croix grecque : il est surmonté d'un petit dôme (Dusaulx, Voy. Barège, t. 2, 1976, p. 41).Le sanctuaire [de Saint-Laurent hors les murs] était élevé de trois marches dont on voit les traces sur les socles des deux premières colonnes (...). Ces socles sont décorés de croix grecques, de l'alpha et de l'oméga (Lenoir, Archit. monast.,1852, p. 108). − MAR. Vent grec. Vent du nord-est sur la Méditerranée. Cf. Lamart., Cours litt., 1859, p. 268. − Calendrier grec. ,,Calendrier dont se servent les Grecs et les Russes et qui est en arrière de douze jours sur le calendrier grégorien. On l'appelle aussi Vieux calendrier`` (Ac. 1932). Les religieux s'étaient querellés sur la date à laquelle il convenait de célébrer la fête de Pâques. Les uns tenaient pour le calendrier romain, les autres pour le calendrier grec, et les horreurs d'un schisme chronologique déchiraient le monastère (A. France, Île ping.,1908, p. 24). ♦ Calendes* grecques. − [P. réf. à la civilisation de la Grèce antique] Âge, art, empire, génie, temple, théâtre grec; architecture, mythologie, philosophie, tragédie grecque. On s'explique la sobriété, voire la gracilité musculaire de la statuaire athlétique grecque à la belle époque : c'est que l'idéal grec était le corps de jeunesse (Montherl., Olymp.,1924, p. 255).La haute antiquité grecque ignorait la représentation de l'immortalité, et l'idée de résurrection, si proche pourtant du génie hébreu, apparut assez tardivement dans son histoire (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 256).Son attention s'était ensuite portée sur Platon et sur la sagesse grecque (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1180) : 2. Or voici qu'à côté du miracle juif venait se placer pour moi le miracle grec, une chose qui n'a existé qu'une fois (...) mais dont l'effet durera éternellement, je veux dire un type de beauté éternelle, sans nulle tache locale ou nationale.
Renan, Souv. enfance,1883, p. 59. − [P. réf. à la relig. orthodoxe pratiquée en Grèce] Église grecque. L'Église orthodoxe d'Orient. Déjà à Constantinople, en 1213, il [Pélage] avait, par son intransigeance, fait échouer le programme que lui avait confié le pape Innocent III pour la réconciliation de l'Église grecque et de l'Église romaine (Grousset, Croisades,1939, p. 298).Rit, rite grec. Rite de l'Église grecque. Le rit grec permet aux prêtres de se marier, d'où l'on peut conclure que les curés en ont de meilleures mœurs (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 152). 2. Qui est écrit en langue grecque. Traduire un livre grec. J'entends M. de Blacas vanter l'agrément de tes propos et la sûreté de tes citations grecques (Adam, Enfant Aust.,1902, p. 407).Mouron fut premier en thème grec (A. France, Vie fleur,1922, p. 366).Il faut lire cela dans le texte grec (Jacob, Cornet dés,1923, p. 38). − Qui a rapport à la langue grecque : 3. Plus extraordinaire encore est la statue chryséléphantine (association d'or ou d'argent avec l'ivoire, selon l'étymologie grecque) supposée reproduire celle, célèbre, de Minerve au Parthénon.
Grandjean, Orfèvr. xixes., 1962, p. 63. − P. méton. Son frère continue à être le premier thème grec de l'université (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 452). B. − Qui a certaines caractéristiques de la Grèce ou des Grecs, ou certains traits physiques ou moraux qu'on leur attribue. 1. [Le subst. qualifié est un inanimé] .
− Nez grec. Nez droit qui forme une ligne continue avec le front. Le nez grec se nouait par une ligne presque sans inflexion à un front élevé et rétréci comme le front pressé par une forte pensée (Lamart., Raphaël,1849, p. 142).Profil, visage grec. La voix des grands pâtres bronzés, qui ont un profil grec (Sand, Lélia,1833, p. 88). − Débauche grecque, vice grec. Façon de vivre conforme aux mœurs grecques (cf. pédérastie). Le vice grec se heurte à un interdit, et plus qu'à un interdit, à une exécration (Mauriac, Journal 2,1937, p. 193). − I grec. L'avant-dernière lettre de l'alphabet français (l'upsilon majuscule de l'alphabet grec). L'i grec du mystère (Renard, Journal,1897, p. 397). 2. Au fig., arg., vx et péj. [En parlant d'un animé; p. allus. à une ancienne réputation de ruse et de finesse des Grecs, en partic. dans le comm.] Être grec. Être trop habile à tromper. Synon. escroc, filou, rusé.Emploi subst. De tout temps, en effet, la fille, héroïne de tant de vieux romans, fut la protectrice, la compagne, la consolation du grec, du voleur, du tire-laine, du filou, de l'escroc (Balzac, Splend. et mis.,1847, p. 527). ♦ Être grec en (dans) qqc. Être habile dans quelque chose. Emploi subst. Je ne suis pas un grand grec dans ce que ces gens-ci appellent la politesse (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 239). 3. Loc. adv. À la grecque. À la manière des Grecs. Chignon, décoration, robe à la grecque; champignons à la grecque. Leurs cheveux sont bien tirés, bien lisses et tortillés sur le haut de leurs têtes, absolument comme ce que nous appelons aujourd'hui coiffure à la grecque, à l'exception qu'au lieu de se servir comme nous d'huile antique, ils font usage de graisse d'ours (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 208).En toilette, on porte une robe d'organdi ou de crêpe de la Chine, avec corsage drapé à la grecque (Obs. modes,t. 1, 1818, p. 17) : 4. − C'est plutôt maigre aujourd'hui. Des fricandeaux... − Peuh, fis-je. Je n'aime pas ça. Si encore vous me le faisiez à la grecque, nageant dans l'huile d'olive et la farce pimentée, grains de poivre alternant avec des raisins de Corinthe et des câpres.
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 274. ♦ Vivre à la grecque (vx). ,,Vivre dans le luxe et la mollesse`` (Littré). ♦ Vol à la grecque (arg.). ,,Il consiste à offrir un gros bénéfice pour change de monnaie, de l'or contre de l'argent, par exemple. Au cours de l'opération, on substitue du plomb au rouleau d'or`` (La Rue 1954). ♦ Reliure à la grecque (v. grecque B). ,,Reliure dont les nervures ne sont pas apparentes sur le dos`` (Nouv. Lar. ill.). V. aussi grecquage ex. (s.v. grecque rem. 2). II. − Substantif A. − 1. Personne qui habite en Grèce ou qui en est originaire. Ces nations poëtes, comme les Égyptiens, les Juifs, les Indous, les Grecs, qui ont idéalisé la politique et fait prédominer dans leur vie de peuples le principe divin, l'âme, sur le principe humain, l'utile (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 66).Tous les Grecs, sans exception, sont aptes à discuter les affaires publiques, tous en parlent, sinon savamment, au moins sciemment; tous prennent un intérêt passionné aux moindres débats des assemblées (About, Grèce,1854, p. 217).En forçant un peu les choses, les Grecs avaient la morale de leurs loisirs comme nous avons celle de nos journées de huit heures (Camus, Sisyphe,1942, p. 85). 2. P. ext. fam. et vieilli. ,,Un homme habile dans la connaissance du grec`` (Littré). Synon. helléniste. − P. ext. ,,Qui est très savant en qqch.`` (DG). ♦ Ce n'est pas un grand grec. ,,C'est un ignorant, un homme peu industrieux`` (Hautel t. 2 1808). − Arg. Homme qui filoute au jeu. Les Grecs. ,,Les tricheurs professionnels`` (Sandry-Carr. Joueurs 1963) : 5. ... (ah! si tu le connaissais!) j'en suis bien revenu sur Mazarakis. C'est un rastaquouère comme tous les autres, un fumiste, un Grec de tripot qui a toujours dans sa manche un double jeu, comme autrefois.
Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 236. 3. Expr. arg. [P. euphém. de se faire foutre, se faire toucher; p. réf. à la réputation de pédérastie des Grecs de l'antiquité] Aller se faire voir chez (par) les Grecs. Se faire éconduire brutalement. Va t'faire, homme incorrec', Voir par les Grecs (G. Brassens, Poèmes et Chansons,p. 156 ds Rey-Chantr. Expr. 1979, p. 489). B. − Langue grecque. Grec ancien (ou byzantin); grec moderne (ou néo-grec); classe de grec. Lire Aristophane en grec (Flaub., Corresp.,1847, p. 40).Il suffira d'entretenir les jeunes enfants au latin, qu'ils apprendront plus tard à écrire et à parler; mais c'est le moment ou jamais de les rompre au grec, qu'ils n'ont besoin que de bien entendre (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 448).Le grec moderne est tellement mêlé de slave, de turc et d'italien, que l'ancien s'y noie (Flaub., Corresp.,1850, p. 265) : 6. Le grec, vraisemblablement formé de l'hébreu, (comme on le peut soupçonner par ses racines et son ancien alphabet), montre dans ses conjugaisons perplexes, dans ses inflexions sans fin, dans sa diffuse éloquence, une nation d'un génie imitatif et sociable; une nation gracieuse et vaine, mélodieuse et prodigue de paroles.
Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 544. − P. ext. et au fig., loc. C'est du grec pour moi. Je n'y entends rien. Synon. c'est du chinois, c'est de l'hébreu pour moi.Nous venons, monsieur, dit le juge de paix avec douceur à Schmucke, apposer les scellés ici... Schmucke, pour qui ces paroles étaient du grec, regarda d'un air effaré les trois hommes (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 304). REM. 1. Grécaille, subst. fém.,péj. Peuple grec. Cependant les Ioniens font bon visage aux Anglais. Ils retrouvent à l'occasion ces sourires gracieux et ces flatteries ingénieuses que la grécaille du temps d'Auguste prodiguait aux Romains, ses maîtres (About, Grèce,1854, p. 78). 2. Grécaillerie, subst. fém.,péj. Mots, habitudes... grecs. Elle [ma mère] parle charabia tout le temps, elle appelle les gens mouchu et monchieu. Mon père à la fin lui interdit formellement l'auvergnat. Elle répond avec amertume : « (...) Mon pauvre ami, avec ta latinasserie et ta grécaillerie, tu en es réduit à défendre à ta femme, qui est de la campagne, de t'éclipser! » (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 269). 3. Grécisme, subst. masc.,,Tournure, locution propre à la langue grecque`` (Ac. Compl. 1842). Synon. hellénisme (Littré, Guérin 1892).Chapelain, parmi les oracles d'alors, est le plus remarquable exemple de cet abus du grécisme et du latinisme en français (Sainte-Beuve, Nouv. Lundis, t. 6, 1863, p. 378). 4. Sous la forme gréco-, le mot est utilisé comme élém. de compos. pour la formation de certains termes exprimant un rapport entre la Grèce et un autre pays ou une autre civilisation.Sciences gréco-arabe; guerre gréco-turque. Le besoin gréco-chrétien de vérité (Faure, Espr. formes,1927, p. 224).Gréco-bouddhique , adj.[En parlant d'un art né en Inde bouddhique] . Qui a subi l'influence de l'art grec, à la suite des conquêtes d'Alexandre le Grand. (Dict. xixeet xxes.). Gréco-français, -aise , adj.Mot, vocabulaire gréco-français. Mot, vocabulaire, élém. formateur de mots savants emprunté directement au grec. Dès qu'on touche aux abstractions, il faut écrire en gréco-français (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 16).Le vocabulaire gréco-français est fort abondant. Les lexiques spéciaux contiennent environ trois mille cinq cents mots français tirés du grec, mais ils sont tous incomplets (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899p. 40). 5. Grécomanie, subst. fém.Admiration excessive pour tout ce qui est grec. Flaubert et Saint-Victor nous portent insupportablement sur les nerfs, avec ce redoublement de grécomanie. Enfin, ils en arrivent à admirer le Parthénon jusqu'à la couleur de cet admirable blanc, qui est, dit Flaubert avec enthousiasme, « noir comme de l'ébène! » (Goncourt, Journal,1863, p. 1362). Prononc. et Orth. : [gʀ
εk]. Ds Ac. 1694-1932 au masc. La termin. -que du fém. sauvegarde le son guttural. Le c devant -que est la trace d'une anc. graph. (cf. Grev. 1964, § 345). Homon. grecque (technol.). Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1165 adj. « relatif à la Grèce, propre aux Grecs » ici en parlant de la langue grecque langue (B. de Ste-Maure, Troie, 82 ds T.-L.); 1512 subst. (J. Lemaire de Belges, Illustrations, III, 349 [Genève, 1969] ds Quem. DDL t. 3); b) ca 1208 subst. « habitant de la Grèce » li Franc et li Grec (G. de Villehardouin, Conquète Constantinople, éd. E. Faral, § 205); 1584 à la grecque (Guill. Bouchet, 1reSeree [I, 52] ds Hug.); c) 1265 subst. « nom d'un vent qui vient de Grèce » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 106, 96); d) 1833 profil grec (Sand, loc. cit. [1611 Beauté Grecque Cotgr.]); 2. a) 1527 subst. « qui connaît le grec, helléniste » (Laurent Valle, Prologue de la trad. de Thucydide de Seyssel ds Hug.); d'où 1640 adj. « savant » il est grec (Oudin Curiositez); en partic. 1651 « habile, qui s'y entend » être grec en qqc. (Th. Corn., Amour à la mode, IV, 1 ds Littré); b) 1578 « habile, rusé » (H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., II, 180 ds Hug.); en partic. 1721 « filou » (Trév. : Ils appelent Grecs, ceux qui sçavent leurs tours infames, qui les pratiquent); c) 1808 « avare » (Hautel). Empr. au lat. class.Graecus « grec », lui-même du gr. Γ
ρ
α
ι
κ
ο
́
ς tardivement attesté, les formes Ε
λ
λ
η
ν
ε
ς, Ε
λ
λ
η
ν, ε
̔
λ
λ
η
ν
ι
κ
ο
́
ς, v. hellène/hellénique, étant plus usuelles; grec a supplanté les formes pop. griu (v. grive), griois, grezois, griesche (v. grégeois). Fréq. abs littér. : 5 606. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 908, b) 10 717; xxes. : a) 5 746, b) 5 334. Bbg. Arveiller (R.). Doc. lexicogr. tirés des dict. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, p. 266. - Cohen 1946, p. 49. - Delb. Matér. 1880, p. 158 (s.v. grécisme). - Hope 1971, p. 149, 200. - Quem. DDL t. 1 (s.v. grécaillerie), 2, 3. - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 114, 285. - Vidos 1939, pp. 445-447. |