| GRAVITÉ, subst. fém. A. − Sens concr. [Correspond à grave1A] .
1. ACOUSTIQUE, MUS., CHANT. Caractère d'un son grave. Malgré l'extrême gravité des sons [du trombone-contrebasse], Wagner les écrit à leur hauteur réelle (Gevaert, Instrument.,1885, p. 257). − P. ext. Gravité(s) de la voix. Timbre, inflexion grave. Madame Jenkins (...) déchiffre (...) un lied mélancolique (...) qui semble écrit pour les tendres gravités de sa voix (A. Daudet, Nabab,1877, p. 180).La voix du Basque avait une profondeur, une gravité sacrées (Arnoux, Solde,1958, p. 44). 2. PHYSIQUE a) Vieilli. Phénomène d'attraction d'un corps vers le centre de la terre. Synon. attraction, gravitation, pesanteur.Ces masses épouvantables, dont l'incalculable vitesse, accélérée par la gravité, produisait sans doute les plus terribles explosions (Dusaulx, Voy. Barège, t. 2, 1796, p. 121).Il en est des corps politiques comme des corps célestes; ils agissent et réagissent les uns sur les autres, en raison de leur distance et de leur gravité (Chateaubr., Essai littér. angl., t. 2, 1836, p. 50). ♦ Loi de la gravité. Loi de la chute des corps, de la gravitation. (Dict. xixeet xxes.). b) Centre de gravité (d'un corps). Point d'application de la résultante des forces de pesanteur s'exerçant sur tous les points d'un corps, point où le corps se tient en équilibre. Cf. barycentre, s.v. bar(o)- A. Centre de gravité du corps (humain), d'un solide, d'une masse.En mécanique, Léonard [de Vinci] connaissait (...) l'influence du centre de gravité sur les corps en repos ou en mouvement (Stendhal, Hist. peint. Ital., t. 1, 1817, p. 250).Ce nez en porte-à-faux semble entraîner le corps en avant, déplacer son centre de gravité, et causer à Plattner une sensation constante de déséquilibre (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 704) : 1. Pour que l'équilibre soit maintenu dans la station debout il faut qu'à chaque instant la verticale abaissée du centre de gravité du corps (point situé près de l'articulation sacro-vertébrale) tombe dans le quadrilatère formé par les pieds et les deux lignes qui réunissent respectivement les talons et les deux pointes.
Bourgat, Techn. danse,1959, p. 81. − P. métaph. V. centre ex. 9 : 2. Il lui semblait avoir trouvé son vrai centre de gravité, occuper maintenant le cœur de lui-même, être enfin au siège de son identité. Il en résultait un bien-être tel qu'il n'en avait jamais connu.
Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1265. − Au fig. Point, lieu particulièrement important, vital. Centre de gravité économique. Par ces agrandissements, le centre de gravité de l'Autriche fut brusquement déplacé vers l'Italie et l'Orient (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 259).Sur dix-huit corps prévus pour le front du nord-est, quinze d'entre eux étaient groupés au sud de cette ligne avec leur centre de gravité dans la région de Neufchâteau (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 18) : 3. Le centre de gravité chez Bergson réside toujours dans l'acte par lequel il se ramasse, se retire au plus profond de soi-même, y donne, pour employer une de ses expressions favorites, le coup de sonde...
Du Bos, Journal,1922, p. 58. 3. CH. DE FER. Déplacement de wagons (par poussée ou sur un plan incliné) sous l'effet de la pesanteur. Avec le triage par la gravité (...) le débranchement d'un train n'exige pas plus de vingt minutes à une demi-heure (Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, 1894, p. 301). B. − Sens abstr. [Correspond à grave1B] 1. Caractère d'une personne grave, d'apparence très sérieuse; air, maintien grave. Gravité d'un juge, d'un magistrat, d'un notaire; gravité comique, douce, douloureuse, exceptionnelle, mélancolique, soudaine, triste; gravité et respect; sérieux et gravité; empreint de gravité; air, caractère, degré, expression de gravité; répondre avec gravité. J'ai entrevu votre père, qui jouait avec une superbe gravité. Je me demande comment on peut se distraire si sérieusement (Chardonne, Épithal.,1921, p. 77).Les soucis du jour l'ont ennobli d'une gravité austère (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 362) : 4. L'élevage, le « gavage » des oies, la cuisson des confits et des pâtés, préoccupent grandement les ménagères et demandent les soins, les gestes et la gravité d'un rite. C'est comme une initiation rustique, à laquelle chaque mère fait peu à peu participer sa fille...
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 42. − P. méton. Gravité du visage, du regard, du ton, des paroles, de la démarche. Un sourire d'une espièglerie toute enfantine, que tempérait l'extraordinaire gravité de son front (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1009).« Taisez-vous une minute mes enfants, que je voie clair ». Nous faisions silence, frappés par la gravité de son accent, de son geste (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 61) : 5. Debout elle n'était pas plus haute que moi. Sa maigre petite figure n'était guère moins rusée que d'habitude, mais ce que j'y remarquai d'abord était un air de gravité douce, un peu solennelle, presque comique.
Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1199. − P. ext. [En parlant de choses] Aspect sérieux, solennel, un peu austère. [Des deux clochers de Chartres] Le vieux (...) est d'une gravité sombre et austère, quoique orné. L'autre est un gigantesque bijou de quatre cents pieds de haut (Hugo, Fr. et Belg.,1885, p. 36).Un canapé-lit tout neuf, qui, replié dans le jour, donnait à la pièce la gravité d'un cabinet de travail (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 749). 2. Caractère de ce qui est très important, d'une grande portée, qui peut avoir de graves, de lourdes conséquences. Gravité d'un cas, des circonstances, des événements, de l'heure, d'une question, de la situation; comprendre, minimiser la gravité d'une chose; se rendre compte, avoir conscience de la gravité d'une chose; d'une extrême, haute gravité; de la dernière gravité. Ne soyons pas nerveux. La punition doit être proportionnée à la gravité de la faute (H. Bazin, Vipère,1948, p. 179).Il sera (...) impossible de vous en tenir au silence, parce que ce silence constituerait (...) un mensonge d'une gravité extrême (Butor, Modif.,1957, p. 200) : 6. Ces enfants ne se rendent certainement pas compte de la gravité de leurs actes, car c'est à peine s'ils cherchent à se cacher. Cela se passe à la sortie des classes. On goûte, on cause, on s'amuse avec ces dames; et les jeux vont se poursuivre dans des chambres attenantes aux salons.
Gide, Faux-monn.,1925, p. 1119. − En partic. Caractère dangereux. Gravité d'un accident, d'une blessure, d'une brûlure, d'un cas, d'une maladie; incident sans gravité. Nous n'avons pas le droit de laisser ignorer à Éveline la gravité de son état. L'idée qu'Éveline pourrait mourir sans les secours de la religion m'est intolérable (Gide, Robert,1930, p. 1338).Une main de fer a gouverné un équipage vers l'amerrissage sans gravité ou l'écrasement (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 156) : 7. Et les marques d'intérêt données par les personnes qui venaient sans cesse prendre des nouvelles nous révélaient la gravité d'un mal que jusque-là nous n'avions pas assez isolé, séparé des mille impressions douloureuses ressenties auprès de ma grand'mère.
Proust, Guermantes 2,1921, p. 325. Prononc. et Orth. : [gʀavite]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 graviteit « caractère de ce qui est sérieux, réfléchi » (Dialogue Grégoire, 269, 9 ds T.-L.); 2. 1377 gravité « pesanteur » (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. A. D. Menut, 9a, 64, p. 66) − xvies., Malherbe d'apr. FEW t. 4, p. 266b; 1672 centre de gravité (Molière, Femmes savantes, III, 2); 3. [ca 1520 d'apr. FEW, loc. cit.] 1554 « chose grave » (Tahur., Poés., De Denise, a un poete presumptueux ds Gdf. Compl.); 1611 « qualité de ce qui est important » (Cotgr.); 4. 1636 mus. (Mersenne ds Rich. 1680). Empr. au lat.gravitas « pesanteur », dér. de gravis « grave »; a éliminé les subst. grieté, griéveté. Fréq. abs. littér. : 1 709. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 147, b) 2 095; xxes. : a) 2 346, b) 2 901. Bbg. Quem. DDL t. 5. |