| GRAND, GRANDE, adj. I. − [Avec valeur de qualification externe] A. − [En parlant d'un objet concr., notamment du corps ou des parties du corps] Qui, en raison de ses dimensions, de sa hauteur, de sa longueur, de sa surface, de son volume, dépasse la norme ou la mesure ordinaire. 1. Degré absolu a) [En parlant de pers., de certains animaux, de certaines parties du corps] Avoir un grand front, un grand nez, de grands pieds, de grands yeux. Il parlait très bien, ouvrant sa grande bouche jusqu'aux oreilles, fermant les yeux à demi d'un air malin, la tête un peu en arrière, et levant ses grands bras comme ceux qui parlent d'abondance (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 175).Cette reine déchue, avec ses grands cheveux en crinière (Loti, Mariage,1882, p. 104) : 1. Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
À des neiges d'avril qui croulent au soleil;
Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
Sully Prudh., Solitudes,1869, p. 17. ANAT. Grand bassin, grand nerf, grand os (cf. Méd. Biol. t. 2 1971). [P. oppos. aux petites lèvres] Les grandes lèvres. Mais bientôt une tuméfaction notable survient du côté des grandes lèvres (Trousseau, Hôtel-Dieu,1895, p. 213).
α) Dont la taille est élevée. Homme grand (cf. infra II A 2 a grand homme), grand gaillard, grande bringue, grand beau jeune homme; grande belle femme; grand bouc, grand échassier, grand chien danois; grand gibier, grands animaux. Vous êtes grand pour votre âge, car vous êtes encore très jeune (H. Bazin, Vipère,1948, p. 210) : 2. ... du côté de l'écran arrivaient des sons en désordre, puis cela prit forme, devint de la musique : la voix d'Édith Piaff chanta comme toujours : ... Il était grand (it. ds le texte), il était beau, Il sentait bon le sable chaud...
Triolet, Prem. accroc,1945, p. 70. ZOOL. Grand corbeau, grand duc, grand fourmilier, grand kangourou, grande salamandre (cf. Zool., t. 4, 1974 [Encyclop. de la Pléiade]). Expr. fig. Monter sur ses grands chevaux*.
β) [En parlant d'enfants; à l'idée de « taille élevée » peut s'ajouter ou se substituer celle de « avancé en âge »] Cette femme a des enfants déjà grands; elle est déjà grande fille (Ac.). Cet enfant se fait grand (Ac.). Dire que, quand nous serons grands, nous serons peut-être aussi bêtes qu'eux! (Pergaud, Guerre boutons, Paris, Gallimard, 1977, p. 110).P. anal. [En parlant d'animaux ou de végétaux] Ce jeune chien est déjà grand; ce bois commence à devenir grand (Ac.). Les sarcleuses que Fonteneilles envoyait dans les blés déjà grands (R. Bazin, Blé,1907, p. 207). ♦ Emploi subst. [Dans les écoles; p. oppos. aux petits] Les grands. Les écoliers les plus âgés. La cour des grands. Voici un élève que je vous recommande (...). Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l'appelle son âge (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 1).Au réfectoire, facilement dégoûtée, elle mangeait peu, regardant vers les tables où les grandes avaient déjà des airs importants (Chardonne, Dest. sent.,1936, p. 187). La grande école. V. école ex. 4.La grande classe. La classe des grands. Une file d'enfants sortait indéfiniment par la porte de la grande classe et, vue du préau, faisait penser à une mèche noirâtre tirée par une maîtresse le long du mur de la cour (Frapié, Maternelle,1904, p. 26).− En partic. Qui est au terme de sa croissance, de son développement; qui a atteint l'âge adulte. Que veux-tu faire quand tu seras grand? Quand le petit oiseau devient grand, il faut qu'il cherche sa nourriture (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 194).Il n'aspirait qu'à devenir grand, pour pouvoir faire tout ce qu'il voulait (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 33).Emploi subst. hypocoristique. Mon grand, ma grande. Tu as raison, ma grande, tu as raison. Le mieux, si on pouvait, ce serait de tuer la guerre, comme tu dis (Péguy, Myst. charité,1910, p. 31). Expr. fam. Être assez grand pour + inf.Être capable de, être de taille à. Si la fille tourne mal, elle en aura tout le reproche. Elle est assez grande pour fauter, elle peut bien aussi se défendre... (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 65).♦ [P. oppos. aux enfants; surtout en parlant aux enfants ou dans la bouche des enfants] Une grande personne. Une personne adulte. Les grandes personnes. Les adultes. J'avais peu d'estime, autrefois, pour les grandes personnes. J'avais tort. On ne vieillit jamais (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 361) : 3. Pendant quelque temps, la conversation des grandes personnes (...) bourdonnait à mes oreilles : puis ma mère me prenait dans ses bras, et je sentais qu'elle me déposait dans mon lit.
Dumas fils, Fils natur.,1858, I, 1, p. 71. b) [En parlant de végétaux] Grand arbre, grande fleur, grande forêt. Le vent agitait la rivière; au fond, de grandes herbes s'y penchaient (Flaub., Cœur simple,1877, p. 39).Le chemin des plaines est presque bouché par une grande clématite qui s'est écroulée (Giono, Colline,1929, p. 135). − BOT. [Pour désigner des espèces] Grand basilic, grand plantain, grand soleil; grande capucine, grande ciguë, grande gentiane, grande mauve, grande ortie (cf. Bot., 1960 [Encyclop. de la Pléiade]); grande éclaire*. c) [En parlant de choses] Synon. étendu, haut, long, spacieux, vaste.Grand appartement, grand édifice, grand escalier, grande bâtisse; grand canapé, grand lit, grande armoire, grande table; grande affiche, grande enveloppe; grand vase, grande bouteille; grand fleuve, grande prairie; grande échelle; grandes orgues*. Le jardin était grand, profond, mystérieux, fermé par de hauts murs aux regards curieux (Hugo, Rayons et ombres,1840, p. 1064).Deux inspecteurs, dans un grand bureau, étaient assis sur les tables et fumaient (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 28). ♦ Arg., pop. Grand format. Billet de banque de la plus forte valeur (d'apr. Sandry-Carrère, 1957). ♦ Emploi subst., loc. Du petit au grand. ,,Par comparaison des petites choses aux grandes`` (Ac.) : 4. En ce moment, vous me donnez le noble spectacle d'un homme qui, ayant cédé à une impatience trop explicable, s'en punit par une générosité. J'ai toujours vu, dans ma vie, que ces retournements vers en haut, après une faiblesse, sont, du petit au grand, le propre des belles âmes.
Bourget, Sens mort,1915, p. 211. ♦ PAPET. Grand aigle. V. aigle II B 9.Grand raisin*. − [S'y ajoute une idée d'importance] Grand bazar, grand café, grand chemin, grande route, grande ville; les grands boulevards, les grandes lignes (de chemin de fer). Georgette, quand elle trouve le moment de faire un tour dans une grande épicerie, s'approvisionne de boîtes de conserves diverses (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 244).Une lande déserte où nous avons l'intention d'édifier une de nos grandes usines de guerre (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 297).En partic. Grand séminaire*. Grande école*. ♦ Grand ensemble. ,,Groupe important d'habitations collectives, présentant un caractère d'unité architecturale, réalisé en opération concertée, généralement situé dans une agglomération urbaine et doté d'un minimum d'équipements collectifs`` (Envir. 1976). Grand magasin. Magasin à grande surface, ou p. ell., grande surface. ,,Magasin de détail de grandes dimensions (...) installé généralement à la périphérie des villes, doté d'un parc-auto et présentant ses produits en libre service`` (Public. 1976). − MAR. Grand mât. Mât le plus élevé (d'un navire). Notre grand mât avait été brisé la nuit par la foudre, et le mât de misaine, notre unique voile, avait été emporté le matin par le vent (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 140). Rem. ,,Dans la marine à voile, grand s'applique particulièrement à des objets qui appartiennent au grand mât ou qui en dépendent`` (Bonn.-Paris 1859). Grand cacatois, grand hunier, grand perroquet, grands haubans. − TYPOGR. Grandes capitales. Grand titre. Le grand titre ou frontispice est par excellence la page annonciatrice de l'ouvrage (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p. 259). 2. Degré rel. Il est aussi grand que son père; sa maison est plus grande que la vôtre; le sequoia est le plus grand des arbres. Le berceau était grand et solide; trop grand pour la taille de Louis (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 175).Un frigidaire grand comme une armoire (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 200).V. aussi asperge ex. 7. − Loc. adj. Plus grand que nature. [En parlant d'une statue, d'un tableau] Dont les proportions naturelles sont exagérées, dont la taille ordinaire est dépassée (d'apr. Ac.). Au fig. Les héros de l'épopée sont plus grands que nature (Ac.). − Expr. Avoir les yeux plus grands que le ventre (parfois avoir plus grands yeux que grand ventre). Convoiter plus de nourriture qu'on en peut manger. Au fig. J'ai entrepris une chose bien difficile, mais il n'y a plus à reculer, il faut la continuer! J'ai peur d'avoir eu les yeux plus grands que le ventre! (Flaub., Corresp.,1858, p. 250). B. − P. ext. [Avec valeur de quantification; le plus souvent antéposé] 1. Élevé, important, considérable. a) [En parlant de nombres, de dimensions, de mesures] Grand poids, grande hauteur, grande largeur, grande profondeur, grande épaisseur; grande distance; grand nombre de gens; des perles de grand prix. Mmela Comtesse Du Long (...) qui (...) a eu une grande part dans ma vie (Stendhal, Souv. égotisme,1832, p. 8).Il fallait changer le diamètre des cellules, rendre plus grand celui de la partie convexe, plus petit celui de la partie concave (Michelet, Insecte,1857, p. 336) : 5. ... il y a un grand écart entre la généralité relative des prescriptions juridiques et la diversité des fonctions particulières dont elles règlent les rapports, comme le prouve la place importante faite à la coutume dans le droit commercial.
Durkheim, Division trav.,1893, p. 95. MATH., GÉOM. Grand cercle*, grands nombres*. ♦ De grande taille. Animaux de grande taille. Les chefs fidjiens sont de grande taille (Durkheim, Division trav.,1893p. 324). − Loc. subst. L'infiniment grand. L'infini, l'univers. V. creusement ex. de Goncourt, Journal, 1865, p. 138 : 6. ... l'homme est encombré de doutes. Il en sait trop et trop peu. L'infiniment grand le flatte. Il l'envisage. L'infiniment petit le gêne. Il s'y bute.
Cocteau, Fin du Potomak,1940, p. 189. b) [En parlant d'une chose sous l'aspect du nombre, du poids, du prix, etc.] Grande foule, grand orchestre, pièce à grand spectacle; produit de grande consommation; des perles de grand prix; porter de grands fardeaux, faire une grande dépense, avoir une grande fortune, disposer de grands capitaux, faire de grands bénéfices. Il y avait grand monde dans l'antichambre (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 177).Une femme du monde (...) qui faisait de grandes aumônes par l'entremise de son curé (Mérimée, A. Guillot,1847, p. 85).Ils aperçurent une grande affluence dans la boutique d'un charcutier marchand de comestibles (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 283). ♦ En partic. Grand public*. − Loc. adv. Au grand complet, au grand jamais. Si l'économique suivait ici ses voies, nous n'irions pas fabriquer à grands frais ce que nous trouvons ailleurs à meilleur compte (Alain, Propos,1931, p. 1027). c) [En parlant d'une zone géographique] Considéré dans sa plus large extension. Ce document vise à donner quelques-uns des éléments essentiels de la situation du Grand Sud-Ouest français, de la dynamique qui l'anime et des perspectives qui s'offrent à lui (Travaux et recherches de prospective,1979, no76). d) [En parlant d'un espace de temps] ♦ Grande vieillesse. Extrême vieillesse. Grand âge. Âge très avancé. Tu grandis tous les jours, dit la grand'mère à Fanchon (...). Qu'importe mon grand âge, puisque j'ai retrouvé les roses de ma jeunesse sur tes joues (A. France, Nos enfants,1886, p. 2). ♦ Les grandes vacances. Les vacances scolaires d'été. Ils espéraient seulement l'arrivée des grandes vacances et la fin des examens (Nizan, Conspir.,1938, p. 10). 2. [En parlant d'une durée, d'une distance, d'une quantité] Qui atteint largement la mesure indiquée. Synon. bon, long.Il y a deux grandes lieues d'ici là (Ac.). Il vous en faut deux grands mètres (Rob.). Faire deux grands kilomètres à pied (Lar. Lang. fr.). En 1793 le courrier mettait cinq grandes journées, et peut-être six, de Paris à Grenoble (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 129).J'ai pour deux grands mois de travail d'arrache-pied aux Misérables. Après quoi, je me reposerai dans un autre ouvrage (Hugo, Corresp.,1861, p. 361).Emploi subjectif. Qui semble plus long que la mesure indiquée. Neuf heures! (...) Dix heures! Dieu! que c'est long d'attendre! Les heures sont grandes la nuit (Richepin, Morts biz.,1876, p. 55).Nous gardâmes pour nous seuls notre inquiétude qui dura trois grands jours (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 36). ♦ Loc. adv., au fig. Sur un grand pied. En dépensant beaucoup. Vivre sur un grand pied. Je me mis aux gages d'un célèbre agioteur qui montait sa maison sur un plus grand pied (Jouy, Hermite, t. 3, 1813, p. 174).Il est si nécessaire, recommença Henriette, d'être établi sur un grand pied et d'employer largement ses revenus! (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 216). 3. En partic. Éloigné, reculé. − [Dans l'espace] Le grand Nord. Les pépiniéristes de la grande banlieue parisienne (Goncourt, Journal,1872, p. 920). − [Dans le temps] L'Église a conservé les fiançailles, qui remontent à une grande antiquité. Aulu-Gèle nous apprend qu'elles furent connues des peuples du Latium; les Romains les adoptèrent (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 72). II. − [Avec valeur de qualification interne; le plus souvent antéposé] Qui présente à un degré élevé les qualités ou les propriétés caractéristiques. Rem. Selon l'être ou l'objet qualifié, l'idée superlative s'accompagne ou non de valeur méliorative (un grand savant / un grand criminel). Avec les substantifs d'action ou de qualité, la valeur est celle d'intensité (un grand coup, un grand courage). A. − [En parlant d'un animé hum.] Qui surpasse les autres hommes 1. en raison de sa naissance, son rang social, son influence, son pouvoir. Synon. éminent, illustre, noble.Grand dignitaire, grand seigneur, grand personnage, grand bourgeois, grande dame, grande famille, grands ancêtres. En 1215 la coalition des grands barons arracha au roi Jean la grande charte (Guizot, Hist. civilisation, leçon 13, 1828, p. 10).Les demeures des grands banquiers du Second Empire (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 477) : 7. Les Choiseul sont tout ce qu'il y a de plus grand, ils sortent d'une sœur du roi Louis-le-Gros, ils étaient de vrais souverains en Bassigny.
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 254. Le grand monde. La haute société. Aller dans le grand monde. Je ne l'aime pas, moi, cette plage de Nauplie. Elle a été adoptée par le grand monde, mais on y est très mal pour se baigner (Meilhac, Halévy, Belle Hélène,1865, III, 2, p. 254).♦ Emploi subst. Haut personnage, personne qui occupe une position, un rang social élevés, qui joue un rôle important dans la société. Les grands sont tellement habitués à voir les gens à genoux (Taine, Notes Anglet.,1872, p. 263).Grand d'Espagne. Titre des plus hauts seigneurs de la noblesse espagnole. Couvrez-vous don César. Vous êtes grand d'Espagne (Hugo, Ruy Blas,1838, III, 5).Je comprends ce grand d'Espagne, qui, après avoir soulevé le suaire d'une belle reine, se jeta dans un cloître et devint un grand saint (E. de Guérin, Journal,1840, p. 401). − [Avec un subst. désignant une dignité, une charge, un grade] Grand chambellan, grand écuyer, grand prêtre, grand veneur, grand maître de l'Université, grand maître de l'ordre de Malte, grand prieur de Cluny, grand aumônier de France; grand officier de la Légion d'honneur, grand chancelier de l'ordre de la Libération. Ce soir [à Brunswick], soirée chez le grand-maréchal; j'y arrive tard. Tristesse de Mmela grand-juge, air d'épuisement du mari (Stendhal, Journal, t. 2, 1801-18, p. 387). − HIST. Titre de certains princes : 8. ... la première de ces figures extraordinaires, la plus rapprochée et la mieux éclairée, c'était le grand-duc de Lithuanie; la deuxième, distincte encore, c'était le grand knez de Moscovie; la troisième, déjà confuse, c'était le grand khan de Tartarie; et, au delà de ces trois visions, le grand shérif sur son trône d'argent, le grand sophi sur son trône d'or, le grand zamorin sur son trône d'airain, le grand mogol entouré d'éléphants et de canons de bronze, le sceptre étendu sur quarante-sept royaumes, le grand lama, le grand cathay, le grand daïr, de plus en plus vagues, de plus en plus étranges, de plus en plus énormes, allaient se perdant les uns derrière les autres dans les brumes profondes de l'Asie.
Hugo, Rhin,1842, p. 424. 2. en raison de ses qualités supérieures. a) [Relativement au mérite, au talent, à l'habileté, etc.] Synon. brillant, célèbre, fameux, génial.Grand homme, grand ministre, grand roi; grand artiste, grand clerc, grand écrivain, grand orateur, grand poète; grand champion, grand journaliste, grand médecin; grande actrice, grande cantatrice; grand esprit. Je levai mon verre en l'honneur de ce grand chef [Catroux] (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 114) : 9. C'était [Christophe Colomb] un grand marin, un homme très averti de la cosmographie de son temps, rapace comme tous ceux de sa patrie ligure, mais un médiocre organisateur.
T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 163. Grand couturier. Créateur de modèles de haute couture; directeur ou animateur d'une maison de haute couture. Un parfum de grand couturier. Je me suis acheté un manteau gris, délicat, chic − oh! chic − dont on dirait qu'il sort de chez un grand couturier (Montherl., J. filles,1936, p. 938).♦ [Relativement à la connaissance, au goût, etc.] Grand amateur de musique, grand connaisseur de vins. L'abbé Dangeau, de l'Académie française, grand puriste, travaillait à une grammaire et ne parlait d'autre chose (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p. 164). − [Avec un nom propre] ♦ [Précédé de l'art. déf., avec valeur de superl. abs.] Le grand Alexandre, le grand Molière. C'est beaucoup de leurs âmes confondues [Johann Michael, Johann Christophe, Johann Heinrich] que s'est formé le génie du grand Bach (Pirro, J.-S. Bach,1919, p. 11). ♦ [En parlant de certains personnages illustres; précédé de l'art. défini et placé après le nom, grand équivaut à un surnom et prend une majuscule] Alexandre le Grand, Henri le Grand, Louis le Grand. Rem. Cf. infra III A 2. b) [Relativement aux qualités mor.] Synon. courageux, élevé, généreux, magnanime, noble.Un grand et noble cœur, il fut grand dans l'adversité, se montrer grand et généreux. Ce front élevé où brille la noblesse d'une grande ame (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 2).Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur (Musset, Nuit mai,1835).Les êtres que j'ai aimés ont toujours été meilleurs et plus grands que moi (Camus, Env. et endr.,1937, p. 20) : 10. ... le prince qui m'abaisse je le méprise. Je suis de sa maison et il se doit de me grandir. Et si je suis grand je grandis mon prince.
Saint-Exup., Citad.,1944, p. 919. − Loc. adv. De grand cœur. Avec empressement, volontiers. Faire qqc. de grand cœur. Avant de nous quitter, Pedro tient à nous faire manger dans une venta [petite auberge] (...). Nous acceptons de grand cœur (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 300). c) [Avec valeur uniquement superl.] Grand criminel, grand imbécile, grand fripon, grand menteur, grand sot. Vous êtes grand railleur, milord; mais je parie que vous ne rirez pas de ma plaisanterie (Delavigne, Enf. d'Édouard,1833, II, 1, p. 54).Une grande cocotte, comme elle avait été, vit beaucoup pour ses amants, c'est-à-dire chez elle, ce qui peut la conduire à vivre pour elle (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 593) : 11. ... comme donc il lui est difficile d'être grand par le travail ou la vertu, (...) il se berce encore de l'illusion qu'il pourrait être une grande canaille, ou, comme il dit, « un grand salaud. »
Duhamel, Maîtres,1937, p. 213. ♦ La grande muette. L'armée. La « grande muette » parle tout le temps, comme on voit, et elle dit vraiment d'excellentes choses (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 199). − En partic. Qui est gravement atteint. Grand brûlé, grand infirme, grand malade, grand invalide de guerre. Cet aquarium communiquait avec la chambre des grands blessés, d'où venaient les cris (Malraux, Espoir,1937, p. 509).Sont qualifiés grands mutilés de guerre les pensionnés titulaires de la carte des combattants, ayant une invalidité due exclusivement à une blessure de guerre ou contractée en service commandé (Guide pratique d'aide soc.,1957, p. 163). 3. en raison de l'importance, de la fréquence de l'exercice de certaines activités. Grand fumeur, grand joueur, grand voyageur. Il (...) mangea très vite, au mécontentement de son hôte, grand mangeur et grand parleur (A. France, Mannequin,1897, p. 50).Il était grand diseur de patenôtres et surveillait mes lectures avec une pieuse sollicitude (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 91) : 12. Si vous avez un vieux gentilhomme possédé de la manie des inventions et qui passe sa vie dans son laboratoire, quel fils lui donnerez-vous? un hobereau, grand chasseur, grand buveur et grand coureur de filles, cela ne fait pas un pli...
Lemaitre, Contemp.,1885, p. 347. B. − [En parlant d'inanimés concr. ou abstr.] 1. Qui, en raison de ses qualités supérieures, surpasse les autres choses de même genre, de même nature. Grand restaurant, grande cuisine. L'amour des grands vins (...) est un amour presque noble (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 93). ♦ En partic. Grande musique*. − Péj. Grands mots. Mots emphatiques, exagérés. Toujours des grands mots! toujours la prétention, toujours la grosse caisse mise sur l'estomac! (Flaub., Corresp.,1853, p. 174).J'ai toujours eu peur de payer les autres de grands mots, comme de m'en payer moi-même (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 206). 2. [En parlant d'entités soc. ou pol.] Qui est considérable par son influence, son pouvoir. La grande banque, la grande bourgeoisie, la grande industrie, la grande presse, les grands partis politiques : 13. Ce souverain [de l'île Amsterdam], qui n'est pas encore reconnu par les grandes puissances européennes, se fait là une liste civile de soixante-quinze à quatre-vingt mille francs, en pêchant, salant et expédiant un « cheilodactylus », connu moins savamment sous le nom de morue de mer.
Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 30. 3. [En parlant d'une œuvre, d'un produit du génie humain] Qui atteint un haut degré de qualité et / ou d'importance. Grand concert, grand discours, grand roman; grande civilisation. Il s'était mis en tête de créer un grand hebdomadaire de gauche (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 544). ♦ ALCHIM. Le grand œuvre. La pierre philosophale. J'étais comme un sorcier qui cherche le grand œuvre qui laisse de côté ses fourneaux et son alambic un instant, qui se pare de sa plus belle veste et qui va se promener aussi simplement que s'il n'était pas à la veille d'avoir des millions (Janin, Âne mort,1829, p. 93). − En partic. Fondamental, capital. Les grands principes de la philosophie. La propriété est la grande cause du privilège et du despotisme (Proudhon, Propriété,1840, p. 286).Son grand argument contre le jeu était que, mathématiquement, le joueur devait toujours perdre (Zola, Argent,1891, p. 199).Il est écrit que les grandes vérités ne se communiquent que par le silence (Claudel, Soulier,1929, 4ejournée, 2, p. 856). 4. a) Qui a ou qui annonce un haut degré d'élévation morale ou intellectuelle. Synon. beau, généreux, noble, sublime.Grand caractère, grands sentiments; grand dessein, grande cause, grande pensée, grandes et belles actions; faire de grandes choses. Je suis bien aise que Max t'ait plu. C'est une bonne, belle et grande nature (Flaub., Corresp.,1846, p. 373) : 14. Les ténesmes, la rage de dents, l'anxiété, l'abattement du désespéré n'ont rien de grand, rien d'auguste. Le sens de ce beau vers [« J'aime la majesté des souffrances humaines »] est impossible. Un non-sens peut donc avoir une résonance magnifique.
Valéry, Tel quel I,1941, p. 160. b) Glorieux, illustre. Pourquoi croyez-vous que je cherche à m'entourer des grands noms de l'ancienne monarchie? − Sire, mais peut-être pour la splendeur de votre trône, et pour ménager certaines apparences aux regards de l'Europe (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 957). C. − [Qualifiant un subst. désignant une action, une qualité, une caractéristique, un sentiment, un état, etc., avec valeur intensive] 1. Qui, par son importance, dépasse la mesure ordinaire. Grand silence, grande animation, grande cohue, grande confusion; grande erreur; grand carnage, grande tuerie; grand sang-froid; commettre un grand crime; courir un grand danger, faire un grand voyage; faire grand cas d'une chose; il est grand temps de partir; grand cabotage*, grand prix*, grands nombres*. Il retourna à la datcha. Le désordre y était grand (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 125) : 15. Le vieillard avait les yeux pleins de larmes; il parlait si humblement, d'un ton si convaincu. Durtal qui l'admirait et l'aimait pour sa grande science et sa grande bonté ne put s'empêcher de l'embrasser...
Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 214. En grand + subst.C'est un livre [La nouvelle Héloïse] lu en grande cachette et malgré mes parents qui m'a fait un honnête homme (Stendhal, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 218).Gavard lui dit une fois, en grande confidence, que MmeQuenu était certainement une belle femme, mais qu'il les aimait « moins blindées que cela » (Zola, Ventre Paris,1873, p. 744).♦ Loc. prép. Au grand dam1*. ♦ Expr. C'est grand dommage. C'est vraiment dommage. C'est grand dommage que vous n'ayez pas huit ou dix ans de plus (Abellio, Pacifiques,1946, p. 45). ♦ Proverbe. Aux grands maux les grands remèdes. Au fig. Quand nous nous récriions contre une telle perfidie et une telle ingratitude, ils nous répondaient : Aux grands maux, les grands remèdes (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 949). − [Importance de l'énergie ou de l'activité déployée] Grande colère, grand éclat de rire, frapper un grand coup; pousser un grand soupir; jeter, pousser un grand cri; faire de grands gestes; mettre grand soin à + inf. Mille grands baisers sur ton beau front et sur tes yeux si doux (Flaub., Corresp.,1846, p. 377).Rien de tel pour remettre le feu au ventre que la perspective d'un grand chambardement à perpétrer (Martin du G., Souv. autobiogr.,1946-47, p. cxxxi) : 16. M. Déroulède, qui s'était distingué, l'autre semaine, dans une réunion privée, annonce à grand fla-fla qu'il assistera à cette réunion, comme il aurait pu assister aux autres.
Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 263. ♦ [Élém. d'une loc. adv. modifiant un verbe d'action] Boire à grands traits, marcher à grands pas, courir à grande allure. La carriole allait grand train, le paysan claquant de la langue pour exciter son cheval (Maupass., Une vie,1883, p. 264).Un berger allemand accouru à grands bonds (Peyré, Matterhorn,1939, p. 20).À grandes guides (vx). À toute vitesse. Une voiture que tiraient quatre chevaux fringants, conduits à grandes guides (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 279).À grandes journées. En parcourant chaque jour une distance supérieure à celle qu'on peut ordinairement parcourir en une journée. Marcher à grandes journées. Vers la mi-octobre, je reçus de Copenhague l'ordre de me rendre à grandes journées en Saxe, où mon frère le plénipotentiaire m'attendait depuis deux mois (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 248). ♦ Loc. verb. Ouvrir de grands yeux. S'étonner. On a mis plus de deux heures pour aller au cimetière ce qui vous fera tous ouvrir de grands yeux dans votre village car on nan feras [sic] certainement pas autant pour la mère Michu (Proust, Guermantes 2,1921, p. 566). ♦ Interj. Grand Dieu, grands dieux. [Pour renforcer l'expr., pour marquer l'étonnement, la surprise, la colère, etc.] Grands dieux! combien elle est jolie Celle que j'aimerai toujours (Béranger, Chans., t. 2, 1829, p. 117).Il faut que je vous pose une question; est-ce qu'il y a une autre femme? − Oh! grands dieux non! dit-il avec élan. Je ne serai plus jamais amoureux! (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 515). ♦ Expr. Jurer ses grands dieux. Affirmer, protester avec force. Vous avez dû boire tous comme des soupes. Mais l'autre de jurer ses grands dieux (Pourrat, Gaspard,1922, p. 72).Bernard éprouvait beaucoup de dédain pour ces Azévédo : « Ils jurent leurs grands dieux qu'ils ne sont pas d'origine juive » (Mauriac, T. Desqueyroux,1927, p. 193). − [Importance soc.] Grand dîner, grand mariage, grande fête; donner un grand bal; être en grand uniforme, en grande tenue; en grande pompe; en grand apparat. La reine était aussi en grand appareil (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 1, 1821-24, p. 409).Il voyageait dans une limousine automobile de grand luxe (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 167) : 17. Une jeune femme, petite, svelte, jolie, mise avec une grande élégance, exhalant un parfum choisi, passait entre la voiture et la muraille pour entrer aussi dans la maison.
Balzac, Cous. Bette,1846, p. 50. ♦ Loc. verb. Avoir grand air2*, avoir grande allure*, faire grand accueil*. ♦ Expr. Mener la grande vie, une grande existence. Mener une vie somptueuse, vivre dans le luxe. Il y a des Laïs et des Aspasies qui mènent (au Caire) une grande existence, et qui se sont enrichies particulièrement aux dépens de l'Angleterre (Nerval, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 245). − [Importance physiol., psychol., affective] Grand amour, grand bonheur, grand émoi, grand enthousiasme, grand étonnement, grand chagrin, grand trouble; grande admiration, grande amitié, grande anxiété, grande déception, grande douleur, grande fatigue, grande indifférence, grande inquiétude, grande joie; éprouver un grand soulagement, ressentir une grande amertume, avoir de grands ennuis; avoir une grande peur du feu. Vous qui avez un si grand ascendant sur ce jeune homme, tâchez de lui mettre un peu de plomb dans la tête (Claudel, Corresp. [avec Gide], 1910, p. 118).Je vous demande de croire à mon remords, à ma grande confusion! (Bernstein, Secret,1913, I, 8, p. 13). ♦ Loc. verb. Avoir grand besoin (de qqn, de qqc., de faire qqc.); avoir grand tort; avoir, prendre, trouver grand plaisir (à faire qqc.); avoir grand mal (à la tête). Il mettait donc grand soin à dissimuler sa surdité aux yeux de tous (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 232).Il [Rousseau] avait grand souci de préserver sa solitude (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 97). Rem. Cf. aussi infra III A 3. 2. Qui a, qui revêt un caractère exceptionnel, marquant. Grand événement, grande date; le grand soir*. Le fatal 21 de janvier 1793 se leva pour le deuil éternel de la France. Le monarque, averti qu'il falloit mourir, se prépara avec sérénité à ce grand acte de la vie (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 197).Marcel Proust, sous ses édredons et ses plaids, évoquait les grandes heures de sa vie (Blanche, Modèles,1928, p. 114) : 18. Pour moi, il y a deux grands moments dans la jeunesse. 1. La découverte de la mort, le jour où l'on se dit, pour la première fois, et avec une conviction absolue, profonde : « moi aussi, je mourrai. » 2. La découverte de la fragilité de tout.
Green, Journal,1934, p. 221. ♦ DR. FÉOD. Grands jours. ,,Réunions judiciaires qui se tenaient en certaines provinces et qui prononçaient souverainement`` (Gloss. de l'anc. dr. fr., Paris, 1846). La Convention a voulu avoir, comme la royauté, ses Grands Jours, sa Chambre ardente (...). Mais que les Grands Jours de la Convention sont inférieurs aux Grands Jours de la Monarchie (...)! (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 145). − [En parlant d'une civilisation, d'une culture] Qui est à son apogée : 19. Bien des églises gothiques sont admirables de face qui, vues de côté, présentent un barbare enchevêtrement de lignes. Un Grec de la grande époque n'eût pas compris la splendeur des arcs-boutants de Notre-Dame et n'y eût vu sans doute qu'un assez pauvre expédient destiné à sauver un édifice malade.
Green, Journal,1939, p. 194. 3. [En parlant de certains phénomènes naturels ou de certaines impressions perçues par les sens] Qui se manifeste, qui agit avec une forte intensité. Synon. fort, impétueux, violent.Grand vent, grande averse, grande pluie, grande marée; grand froid, grande chaleur; grand bruit, grande clameur; grand choc; grande lumière; les grandes eaux*; il fait déjà grand jour*; le grand air* de la campagne. Il y avait dans ce temps-là de grands hivers, de brûlants étés (Colette, Sido,1929, p. 23).Un des volets, fermé contre le grand soleil, faisait tain derrière la vitre (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1481).Proverbe. Petite pluie abat grand vent. Au fig. ,,Peu de chose suffit quelquefois pour calmer une grande querelle`` (Ac.). ♦ Loc. adv. De grand matin*. À grande eau. Avec beaucoup d'eau. Rincer à grande eau. Le plancher fut lavé à grande eau (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 626).MAR. [En parlant de la force du vent] Grand frais. D'une manière forte et régulière. Le ciel s'obscurcit à quatre heures du matin, il venta grand frais; l'horizon ne nous permit plus de distinguer la terre (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 373). ♦ Emploi subst. Le grand de l'eau. Le plus haut point où monte la marée. (Dict. xixeet xxes.). D. − Emploi subst. neutre. Ce qu'il y a d'élevé, de noble, de sublime (dans les sentiments, dans les actions, dans les pensées, dans le style). Il y a du grand dans cette pensée (Ac. 1835-1878) : 20. Le sublime n'est donc que le suprême degré du beau (...). Une série de gradations, le noble, le grand, le pompeux, le majestueux, le magnifique, le grandiose, etc., marquent l'intensité croissante de l'émotion et les rattachent l'un à l'autre.
Bray, Du Beau,1902, p. 268. − Faire du grand. Quoi qu'il en soit, pour revenir à la place de la Bastille, l'architecte de l'éléphant avec du plâtre était parvenu à faire du grand; l'architecte du tuyau de poêle a réussi à faire du petit avec du bronze (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 158). III. − [Grand élém. de loc. ou dans un syntagme figé; invar. devant un subst. fém. dans certaines loc. anc.] A. − Avec valeur adj. 1. [Exprime certaines relations de parenté] Grand-papa, grand-père, grand-oncle; grand-maman, grand-mère, grande-tante; grands-parents. − Emploi subst., région. (Sud-Est). Le grand, la grand. Le grand-père, la grand-mère. Ma grand'mère, ma grand, comme on disait alors (Arène, Calanque,1896, p. 69) : 21. ... le vieux s'enferma dans son moulin (...). Il ne voulut pas même garder près de lui sa petite-fille Vivette, une enfant de quinze ans, qui, depuis la mort de ses parents, n'avait plus que son grand au monde.
A. Daudet, Lettres moulin,1869, p. 23. 2. [Exprime une idée d'importance] a) [A valeur de superl.] Le Grand Siècle, la Grande Armée, la Grande Guerre; la Grande Charte. ♦ Les cinq grandes puissances ou, subst., les cinq Grands. Les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies : U.S.A., U.R.S.S., Chine, Grande-Bretagne et France. Les quatre Grands. Les mêmes moins la Chine. L'entente des quatre Grands à Genève (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 187).Les deux Grands (ou les super-Grands). Les U.S.A et l'U.R.S.S. : 22. Dans le concert des cinq grandes puissances où, malgré d'injustes retards, notre pays prend sa place et auquel il va appartenir de réorganiser, pour la paix, le monde bouleversé par la guerre, faudra-t-il que la France soit, encore une fois, la seule dont les représentants se trouvent constamment à la merci d'un mouvement d'une assemblée?
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 592. − GÉOGR., vx. Les grandes Indes. Les Indes orientales (p. oppos. à l'Amérique). Le grand(-)océan. L'océan Atlantique. Le navire lui-même avait les allures et la tenue d'un bandit. Tout léché, éraillé par la mer, depuis trois ans qu'il errait dans les houles du Grand-Océan sans avoir touché aucune terre civilisée (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 346). b) Loc. subst. Grand-messe, grand-poste, grand-route, grand-rue, grand-ville. L'ennemi venait d'attaquer nos grand' gardes, et l'on s'armait en hâte (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 112) : 23. Jusqu'au moment, répliqua Ned Land, où quelque frégate (...) s'emparera de ce nid de forbans, en enverra son équipage et nous respirer une dernière fois au bout de sa grand'vergue.
Verne, Vingt mille lieues, t. 1, 1870, p. 85. ♦ Grand-chambre. [Sous l'Ancien Régime] Principale chambre du parlement. Paul Scarron fut reçu en 1698 au parlement de Paris, où il siégea comme conseiller à la grand'chambre (A. France, Génie lat.,1909, p. 31). − Fam. Grand-chose (toujours dans une phrase négative, avec valeur de pronom indéfini). Ne ... pas grand-chose.Peu de chose, presque rien. N'avoir pas grand-chose à dire. On dit que la liquidation ne laissera pas grand'chose (Chardonne, Épithal.,1921, p. 26).Mais tout l'effort de la société (...) tend à montrer, à rendre intéressantes les femmes qui ne valent pas grand-chose (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1120).Pas grand-chose. Je me suis beaucoup agité pour pas grand-chose (Gide, École femmes,1929, p. 1293). ♦ Un, une pas grand-chose. Personne de peu de valeur. Ce mari (...) était un assez vilain coco (...) un pas grand'chose (...) qui ne craignit pas de tromper sa femme (Labiche, Si jamais je te pince!1856, III, 16, p. 394).La belle Lisa se sentait furieuse contre cette pas grand-chose qui finirait par les compromettre (Zola, Ventre Paris,1873, p. 740). 3. [Exprime une idée de forte intensité] a) Loc. verb. Avoir grand-faim, avoir grand-soif, avoir grand-peur, avoir grand-raison; avoir grand-foi; aller grand-erre. Il eut grand-honte devant la vieille Marie qui venait ouvrir les persiennes (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 133).Avec une dignité un peu rouge, qui avait grand'peine à ne pas crever en jubilation, il nous a alors offert des cigares (Gracq, Beau tén.,1945, p. 29). b) Loc. adv. En grand-hâte, à grand-peine. Tous les jeunes gens pénètrèrent en grand'hâte dans la salle commune (Duhamel, Suzanne,1941, p. 166).Nous avons racolé à grand'peine une centaine de malheureux idéalistes et nous leur débitons des bobards sur l'avenir de l'Europe (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 264).V. grand-peine (à). − En grand ♦ Dans des proportions considérables, sur un vaste plan. Travailler en grand. Il fit l'usure en grand (Balzac, E. Grandet,1834, p. 232).On a fait, il y a quelques années, du népotisme en grand (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 387).En quantité considérable. Fabriquer en grand. Celle-ci [la tourbe] ne se forme en grand que dans la zone tempérée froide (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 201).Largement. La porte de la chambre s'entrebâilla, puis s'ouvrit en grand (Roy, Bonheur d'occas.,1945, p. 452). ♦ Vieilli En dimension naturelle. Ensuite, j'ai dessiné en grand tout l'avant du navire qui est sous la fenêtre (Delacroix, Journal,1854, p. 239) : 24. On voit de Masaccio aux Uffizi un vieillard en bonnet et robe grise, tête ridée, un peu moqueuse; c'est un portrait mais non pas un portrait ordinaire; il copie le réel, mais il le copie en grand [it. ds le texte].
Taine, Voy. Ital., t. 2, 1866, p. 143. Vx. D'une façon moralement élevée. Penser, agir en grand (Ac. 1835-78). Je ne connais pas de plus mauvais pays que les États-Unis pour y vivre honnêtement. On n'y peut traiter en grand aucune affaire (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 54).♦ MAR. [En matière de manœuvre] Complètement. Venir en grand sur bâbord (Le Clère 1960). − Vx. À la grande. À la manière des grands. Sa bourse s'ouvrait facilement, il vivait à la grande (Balzac, Mmede La Chanterie,1844, p. 272).Ah, ils auront fait les choses à la grande, sûrement; des gens qui ne se privent de rien (Butor, Passage Milan,1954, p. 67). c) Expr. C'est grand-pitié. C'est grand'pitié que souvent cet enseignement divin et cette tout humaine prudence [de l'Église] aient été mêlés, confondus (Gide, Feuillets,1937, p. 1286).C'est grand-pitié de voir M. le comte, le dimanche à la messe avec des chausses toutes rapiécées (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 3etabl., 6, p. 1623). Rem. Dans les composés ou grand entre en composition avec un nom fém., on a longtemps écrit cet adjectif avec une apostrophe (cf. infra prononc. et orth.). B. − Avec valeur adv. 1. a) Ouvrir grand. Ouvrir largement. Ouvrir grand la bouche. Il courut vers la porte, l'ouvrit grande (Dierx, Poèmes,1864, p. 64).J'ouvre grands mes bras à cette jeunesse ardente et recueillie (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 24). − Loc. adj. Grand ouvert. Largement ouvert. Des fleurs du Paradis grandes ouvertes tournaient rapidement devant moi leurs pétales éblouissantes (Flaub., Tentation,1849, p. 275).Le reporter ne peut supporter la vue de ce cadavre encore chaud, aux yeux grand ouverts qui semblent le regarder (G. Leroux, Roul.,1912, p. 109).Les fenêtres étaient grand ouvertes (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 493). Rem. ,,Dans l'usage contemporain, l'accord est à peu près constant. Cependant, il est possible aussi de suivre la règle de tout (accord au féminin, mais non au masculin pluriel)`` (Dupré 1972). b) Voir grand. Avoir de larges vues, concevoir de vastes projets, des visées ambitieuses. Du moment qu'il s'agit de la France et quelle que soit temporairement sa situation, c'est la sagesse et la raison de voir grand et de viser haut (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 454) : 25. Mon goût pour l'histoire naturelle trouvait son compte avec ce prince de l'analogie [Carrière]. Il voyait grand, trop grand sans doute, mais quel pionnier de la nature dont il découvrait, en botanique par exemple, des lois qu'il adaptait à ses dessins!
Jammes, Mém.,1922, p. 221. c) Faire grand. Réaliser quelque chose de considérable, de remarquable. Les marchands qui illuminent à la saison des jouets, non pas pour vendre plus, mais pour faire grand, neuf, inouï (Alain, Propos,1933, p. 1125). 2. [Équivaut à un adv. d'intensité] Région. (Suisse romande). Ils habitaient un grand beau chalet, avec un large toit à deux pans (Ramuz,
Œuvres compl., t. 6, La Guerre dans le Haut-Pays, Lausanne, éd. Rencontre, 1967, p. 83).Le temps va changer (...). Il fait grand beau aujourd'hui, mais attention à demain! (J. Follonier, La Sommelière, Neuchâtel, Victor Attinger, 1971, p. 23). Prononc. et Orth. : [gʀ
ɑ
̃], fém. [gʀ
ɑ
̃:d]. Devant voyelle ou h non aspiré, le masc. se lie (avec assourdissement de [d] en [t]) : un grand âge, un grand homme : [gʀ
ɑ
̃tɑ:ʒ], [gʀ
ɑ
̃tɔm]. Dans certaines loc. consacrées par l'usage, grand présente au fém. la forme du masc. selon l'anc. manière justifiée par l'étymol. (grandis > grant au masc. et au fém., d mod. étant une réfection savante) : grand-chose, grand-faim, grand-mère, grand-peine, grand-soif, grand-tante. Ces loc. étaient écrites, à tort, avec une apostrophe comme s'il s'agissait d'une élision. Littré souhaitait la suppression de l'apostrophe. Ac. n'adoptera le trait d'union qu'en 1932. L'introduction de celui-ci entraîne une réforme du plur. fém. en faveur de l'accord des 2 termes. L'habitude veut encore des grands-pères mais des grand-mères (Gak, L'Orth. du fr., SELAF, Paris, 1976, p. 269). Gramm. Ac. 1932, p. 84 préconise l'accord des 2 termes et il est le fait de nombreux auteurs (Grev. 1965 § 293). Rem. L'absence de trait d'union ds grand officier, grand prêtre, grand prix, grand vizir s'explique par le sens, du 1erélément : haut placé dans une hiérarchie. Mais grand-duc, grande-duchesse? (fém. mod. parce que de formation récente). Ds les autres cas (grand-mère, grand-soif) cet élément traduit un éloignement dans la généalogie ou une intensité. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 881 grand honestet « grande honorabilité, grand honneur » (Eulalie ds Henry Chrestomathie t. 2, 18); 2. 1130-40 « qui occupe un rang élevé, une situation prééminente » (Wace, Conception N. D., éd. W. R. Ashford, 900). B. a) 1remoitié xes. e faciebat grant iholt (Jonas, ds Bartsch Chrestomathie, 4, 15); b) ca 1100 « qui est d'une taille dépassant la moyenne » (Roland, éd. J. Bédier, 3177); c) id. « qui est considérable par l'extension ou le nombre » grant eschech [= butin] (ibid., 99). C. 1. a) ca 1050 emploi subst. li grant « adulte » (Alexis, éd. Chr. Storey, 184); b) 1825 fém. plur. « élèves les plus âgées » (Mérimée, Théâtre C. Gazul, p. 346); 2. a) ca 1500 ces grands « personnages d'un rang social élevé » (Commynes, Conclusion ds Littré); b) av. 1633 Grands, titre porté par certains nobles espagnols qui jouissaient à la Cour de privilèges exceptionnels (G. Du Faing, Voyage de l'archiduc Albert en Espagne en 1598, éd. 1882, p. 483 ds Reinh., p. 203); av. 1646 Grands d'Espagne (F. de Bassompierre, Mém., éd. 1870-77, t. 1, p. 554, ibid.); 3. a) 1155 subst. masc. « grandeur, taille » (Wace, Brut, 6984 ds T.-L.); b) av. 1679 Un prince qui n'avait rien du grand de ces prédécesseurs « ce qui est noble, élevé » (Retz,
Œuvres, éd. Feillet, II, 147); c) 1866 donner dans le grand « avoir un train de vie luxueux » (Littré). D. 1671 adv. en grand (Pomey). Du lat. grandis « grand », « avancé en âge », « imposant, sublime (en parlant du style) »; C 2 b empr. à l'esp. Grande (de España) « id. ». Fréq. abs. littér. : 134 064. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 197 695, b) 220 024; xxes. : a) 189 528, b) 169 586. Bbg. Benveniste (É.). Mécanismes de transpos. In : [Mél. Frei (H.)]. Cah. F. Sauss. 1969, no25, pp. 55-56. - Cohen 1946, p. 40 - Foulet (L.). Sur François Villon, notes et discussions. Romania. 1944, t. 68, pp. 43-151. - Gohin 1903, p. 336. - Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen..., 1972, passim. - Hasselrot 20es. 1972, p. 88. - Lew. 1968, pp. 100-102. - Matoré (G.). Proust ling. In : [Mél. Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, p. 291. |