| GRAMMAIRE, subst. fém. A. − [La notion de grammaire évoque l'exercice d'une langue et est associée à celle de normes caractérisant diverses manières de parler et d'écrire] ,,Art de parler et d'écrire correctement`` (Ac. 1932); ensemble de règles conventionnelles (variables suivant les époques) qui déterminent un emploi correct (ou bon usage) de la langue parlée et de la langue écrite. Grammaire normative, traditionnelle; discuter un point de grammaire; faute, leçon, règle de grammaire; apprendre, faire de la grammaire. Il n'y avait dans ces lettres ni commencement, ni fin, ni milieu, ni grammaire, ni rien de ce qu'on entend ordinairement par style (Lamart., Raphaël,1849, p. 239).Eh bien, mon cher, le seul tort que j'ai eu, ç'a été de donner à ma femme un professeur de français. Tant qu'elle a martyrisé le dictionnaire et supplicié la grammaire, je l'ai chérie (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Découverte, 1884, p. 960) : 1. Grâce aux leçons de ton institutrice (...) tu sais assez de grammaire française pour être mis tout de suite au latin. Je suis bien reconnaissante à cette charmante demoiselle de t'avoir appris les règles des participes...
A. France, Pt Pierre,1918, p. 234. ♦ Classes de grammaire. Dans l'enseignement secondaire, autrefois, classes (de 6e, 5e, 4e) dont l'apprentissage de la grammaire des langues classiques ou modernes était la matière principale. Les élèves de l'université de France, mis en demeure, au sortir des classes de grammaire, d'opter (...) pour les lettres ou les sciences (A. France, Vie fleur,1922, p. 346). ♦ Savoir sa grammaire. Posséder les règles de l'art de parler et d'écrire correctement. C'est assez singulier qu'aucun de nous ne sache sa grammaire et, pour être écrivain, ne veuille apprendre à écrire (Renard, Journal,1897, p. 429). Rem. Au Moy. Âge, l'un des sept arts libéraux enseignés dans les facultés. Les sept arts libéraux étaient : la Grammaire, la Rhétorique, la Dialectique, l'Arithmétique, la Géométrie, l'Astronomie et la Musique. Dans les écoles du moyen âge, les trois premiers arts libéraux formaient le Trivium, les quatre derniers, le Quadrivium (Ac. 1878, 1932, s.v. art). B. − [La notion de grammaire évoque une langue considérée en tant qu'objet d'une étude sc.] .
1. LING. DESCRIPTIVE CLASS. Étude objective et systématique des éléments (phonèmes, morphèmes, mots) et des procédés (de formation, de construction, d'expression) qui constituent et caractérisent le système d'une langue naturelle; en partic., étude de la morphologie et de la syntaxe d'une langue (à l'exclusion de la phonologie, de la lexicologie et de la stylistique). En théorie, il faudrait faire la part égale à la phonologie, au vocabulaire et à la grammaire (Bally, Lang. et vie,1952, p. 62).Indépendamment du dictionnaire et de la grammaire, on peut faire des conventions plus ou moins libérales sur la structure de la phrase par laquelle on définit un nombre au moyen de dix mots (E. Borel, Paradoxes infini,1946, p. 155) : 2. D'autre part, est-il logique d'exclure la lexicologie de la grammaire? À première vue les mots, tels qu'ils sont enregistrés dans le dictionnaire, ne semblent pas donner prise à l'étude grammaticale, qu'on limite généralement aux rapports existants entre les unités.
Saussure, Ling. gén.,1916, p. 186. ♦ Grammaire comparée. Comparaison des systèmes grammaticaux de deux ou de plusieurs langues en vue de faire ressortir la parenté ou les affinités de celles-ci. Pour nous faire connaître, pour étudier cette langue [le grec], l'auteur va-t-il s'appuyer sur la grammaire comparée des langues indo-européennes? (L. Febvre, Combats pour hist., Grèce, 1913, p. 166) : 3. Enfin ce qu'il me reste c'est un peu d'allemand, avec lequel je dois à Pâques commencer l'étude d'une grammaire comparée (non traduite) des langues indo-germaniques, je veux dire du sanscrit, du grec et du latin...
Mallarmé, Corresp.,1870, p. 318. ♦ Grammaire générale. Étude d'inspiration philosophique, logique en particulier, qui s'est développée en France au xviiesiècle sous l'influence de Port-Royal, et qui vise à dégager les éléments et les procédés communs à toutes les langues. Les grammaires particulières ne vivent que par la grammaire générale, et la grammaire générale suppose la comparaison des idiomes (Renan, Avenir sc.,1890, p. 142). ♦ Grammaire historique. Étude des variations successives du système grammatical d'une langue au cours de son histoire. Grammaire historique de la langue française. La grammaire traditionnelle du français moderne enseigne que, dans certains cas, le participe présent est variable (...) et que dans d'autres il est invariable (...). Mais la grammaire historique nous montre qu'il ne s'agit pas d'une seule et même forme (Saussure, Ling. gén.,1916p. 136). ♦ Agrégation de grammaire. Dans l'enseignement secondaire, concours de recrutement qui requiert une connaissance approfondie des grammaires grecque, latine et française. Les élèves de la section des lettres [de l'École Normale Supérieure] se préparent aux agrégations des lettres, d'histoire (...), de grammaire et de langues vivantes (Encyclop. éduc.,1960, p. 378). 2. LING. MOD. a) Grammaire générative, transformationnelle. Mécanisme, constitué par un ensemble de règles, qui permet de produire et de décrire toutes et rien que les phrases grammaticales d'une langue. De même qu'on peut écrire plusieurs grammaires traditionnelles pour une même langue, de même il est facile de voir que les grammaires transformationnelles sont elles aussi probabilistes (Coyaud, Introd. ét. lang. docum.,1966, p. 76).Le mérite essentiel de la grammaire générative a été, au contraire, de montrer les insuffisances de la linguistique distributionnelle et d'offrir une méthode où il fût beaucoup plus facile de détecter les erreurs (J. Stéfanini, Sur la grammaire historique du français ds Lang. fr., no10, 1971, p. 24). ♦ Grammaire formelle. Le but que se propose la linguistique moderne est de construire des grammaires pour des langues naturelles, qui soient entièrement explicitées sous forme d'automate, ou de construction algébrique (M. Gross, A. Lentin, Notions sur les gramm. formelles, Paris, Gauthier-Villars, 1967, p. 185). ♦ Grammaire en chaîne. ,,Une grammaire en chaîne est un exemple de programme d'analyse de toutes les phrases d'une langue donnée; elle fournit une analyse exprimée dans une métalangue abstraite par rapport à la langue objet`` (M. Salkoff, Mathématiques et Sciences humaines, 1971 ds Terminol. ling.). b) Grammaire des fautes. ,,Méthode dont le but est de décrire sur un corpus, pour une population déterminée, les anomalies de fonctionnement d'un système linguistique`` (Mounin 1974, p. 158). C. − P. méton. Ouvrage didactique qui décrit les éléments, les procédés d'une langue et qui formule les règles d'un usage correct de celle-ci. Grammaire scolaire. Peux-tu m'écrire le titre de la meilleure grammaire italienne que tu connaisses, dont le texte soit en français? (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1893, p. 187).Le dentiste de Salt Lake City, celui qui fit rayer des grammaires américaines l'ignoble expression française : menteur comme un arracheur de dents (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 189) : 4. Je tiens pour un malheur public qu'il y ait des grammaires françaises. Apprendre dans un livre aux écoliers leur langue natale est quelque chose de monstrueux...
A. France, P. Nozière,1899, p. 146. D. − P. anal. Ensemble des principes et des règles qui président à l'exercice d'un art. Grammaire des sons, de la musique. Comme à la tragédie formelle du xviiesiècle, il faudra (...) assigner au film de l'avenir des règles strictes, une grammaire internationale (A. Gance, La Beauté à travers le cinéma,1926, p. 5 ds Giraud 1956).L'art du tapissier a influencé le décor du meuble Louis XVI : des draperies simulées (...), des franges concurrencent curieusement la grammaire ornementale de l'Antiquité (Viaux, Meuble Fr.,1962, p. 108).V. coupe ex. 4 : 5. Les couleurs, le peintre le sait bien, obéissent à une grammaire : elles s'appellent ou se repoussent; leur équilibre exige que les dominantes ne restent pas isolées et trouvent des rappels...
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 208. REM. 1. Grammairerie, subst. fém.Endroit où l'on fait de la grammaire, où l'on s'occupe de grammaire. Maintenant, chère Madame, je puis à peine répondre, du milieu de cette grammairerie, à tout ce que votre dernière contient d'aimable et de vivant (Sainte-Beuve, Corresp.,1818-69, p. 91). 2. Grammatique, adj.Grammatical. Entre la musique du musicien vivant en train de jouer pour nous et la musique enregistrée (...) il n'y a aucune différence grammatique ou morphologique − si on n'est pas trop exigeant en matière de je-ne-sais-quoi (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 150).Emploi subst. Ce qui est grammatical. Il n'y a que l'expression musicale qui ne soit pas tenue de choisir entre la littéralité du verbe et l'esprit du verbe (...) entre la grammatique et le pneumatique (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957p. 159). 3. Grammatiquement, adv.Grammaticalement. Ceux qui nient ont pneumatiquement tort d'avoir grammatiquement raison (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 67). 4. Grammatiser, verbe intrans.a) Faire de la grammaire. Notez que si je fusse entré dans le bar où grammatisaient mes confrères, et si j'eusse dit : « Ah! voilà un clubmen! » (...) Denis n'eût évité l'évanouissement qu'au prix d'un nouveau Martini (Thibaudet, Réfl. crit.,1936, p. 166).b) Rendre grammatical. Grammatiser un mot, une phrase (Besch. 1845). Prononc. et Orth. : [gʀa(m)mε:ʀ]; [mm] ds Land. 1834, Nod. 1844, DG, Passy 1914, Dub. et Lar. Lang. fr.; [m] ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 2 1787, Gattel 1841, Littré; [m] ou [mm] ds Barbeau-Rodhe 1930, Pt Rob. et Warn. 1968. Si l'on rencontre souvent la gémination dans des mots sav., elle paraît prétentieuse dans grammaire (cf. Grammont Prononc. 1958, p. 90 et Mart. Comment prononce 1913, p. 131 qui note qu'on prononce plus volontiers avec [mm] les dérivés grammairien et surtout grammatical). Littré et DG rappellent la prononc. [gʀ
ɑ
̃me:ʀ] et invoquent le calembour involontaire de Martine dans Les Femmes savantes (II, 6 vers 489 à 492) de Molière : Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire? Qui parle d'offenser grand-père ni grand-mère. Le redoublement graph. de la consonne est en effet le signe d'une anc. nasalisation de l'initiale, dénasalisée à partir du xviies. L'anc. prononc. est encore conservée dans le Midi. Le calembour de Martine est aussi fondé sur la mauvaise prononc. de -aire dans lequel elle prononce [e] (prononc. paysanne conservatrice) au lieu de [ε] et confond avec grand-mère qui avait [e] à la finale (cf. Buben 1935, § 136). Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 « premier des arts libéraux qui au Moyen Âge comprenait l'étude du langage correct et de la littérature » ici livre de grammaire « livre destiné à l'enseignement scolaire » (Ph. Thaon, Bestiaire, 4 ds T.-L.); 2. ca 1200 « science des règles du langage » (Aiol, 274 ds T.-L.); 3. 1550 « livre contenant les règles d'une langue » (L. Meigret, Le Tretté de la grammère francoeze); 4. 1823 « livre qui contient les règles d'un art » grammaire musicale (Stendhal, Rossini, p. 165). Du lat. class. grammatica (gr. γ
ρ
α
μ
μ
α
τ
ι
κ
η
́) « grammaire, science grammaticale » (pour l'évolution phonét. d'-atica > -aire, cf. Fouché, p. 460, Pope, § 645 et Z. rom. Philol. t. 55, p. 126 sqq.). Fréq. abs. littér. : 546. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 026, b) 516; xxes. : a) 706, b) 744. Bbg. Antoine (G.) La Gramm. et la ling. vues à travers les dict. all., angl. et fr. du xixes. In : [Wandruszka (M.)]. Tübingen, 1971, pp. 371-383. - Nique (Ch.). Notes et déf. pour une approche des ouvrages de ling. Fr. auj. 1972, no19, p. 59, 61. - Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 230. |