| GRAIN, subst. masc. I. − Fruit et semence de certains végétaux. A. − Fruit comestible contenu dans les épis des céréales et constituant également sa semence. Grain de mil. Le laboureur, en semant un grain de blé, en fait germer vingt autres (Say, Écon. pol.,1832, p. 60).Il leur donnait [aux fourmis] pêle-mêle des grains de diverses espèces, froment, orge, seigle, qu'elles employaient dans leurs constructions (Michelet, Insecte,1857, p. 388).V. granivore ex. − Absol. Le grain; les grains. Les céréales. Commerce, marchand de grains. Dès que les grains sont coupés et les fruits détachés, quoique non enlevés, ils sont meubles (Code civil,1804, art. 520, p. 95).Ils se plaisaient à traverser la rotonde de la Halle au blé (...). Ils aimaient (...) la rue de Viarmes, (...) où grouille à quatre heures la bourse aux grains (Zola, Ventre Paris,1873, p. 27) : 1. ... La valeur d'une même quantité de blé a dû être à peu près la même chez les Anciens, dans le Moyen Âge, et de notre temps. Mais comme l'abondance des récoltes a toujours prodigieusement varié d'une année à l'autre, qu'il y a eu des famines dans un temps, et que les grains ont été donnés à vil prix dans un autre, il ne faut évaluer le grain que sur sa valeur moyenne, toutes les fois qu'on la prend pour base d'un calcul quelconque.
Say, Écon. pol.,1832p. 285. ♦ Poulet de grain. Petit poulet que l'on nourrit exclusivement de grain. Un hérisson bouilli est tendre et savoureux autant qu'un poulet de grain (Genevoix, Raboliot,1925, p. 289). ♦ ,,Gros grains`` (Ac. 1835-1932). ,,Le froment, le méteil et le seigle`` (Ac. 1835-1932). ♦ Menus grains. Les céréales qu'on sème en mars (avoine, mil, orge). (Ds Ac. 1798-1878). − Expr. et proverbes ♦ Jeter le grain. Tu veux qu'ils s'aiment? Ne leur jette point le grain du pouvoir à partager. Mais que l'un serve l'autre. Et que l'autre serve l'empire (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 563). ♦ Être dans le grain (pop., vx). Être dans une situation florissante; être en voie de faire fortune. Il est intéressé dans telle entreprise, le voilà dans le grain. (Ac. 1835, 1878). ♦ [P. allus. à l'Évangile (Jean, XII, 24) : Si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit] Gide lui-même, (...) n'a écrit Si le grain ne meurt que pour la confession pédérastique (Du Bos, Journal,1928, p. 61). ♦ [P. allus. à l'Évangile (Matthieu, XIII, 24-30), parabole du bon grain et de l'ivraie, les bons par rapport aux méchants, le bien par rapport au mal] [Jésus] disoit aux siens : laissez croître ensemble jusqu'à la moisson le bon et le mauvais grain : le père de famille en fera la séparation sur l'aire (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 206). ♦ [P. allus. à Leibnitz, la paille des mots, le grain des choses et aussi plus simplement la paille et le grain : l'essentiel par opposition aux détails] Point de journal ni de gazette qui n'invite son lecteur, une fois la semaine, à séparer la « paille des mots » d'avec « le grain des choses » (Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 62).Chez nous, les gens ne laissent pas le grain de la médisance dans la paille de l'oubli (La Varende, Troisième jour,1947, p. 182).Il était allé tout droit et tout seul au grain des choses et avait laissé la paille des mots (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 140).V. grange ex. 2. B. − P. ext. 1. Fruit et semence des légumineuses. Ce genre produit les grains légumineux et présente des espèces très nombreuses (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 53) : 2. Car on le sème [le maïs] grain par grain, à la main, en marchant, dans des sillons creusés à soixante-dix centimètres d'écartement, côte à côte avec un grain de haricot, et en les laissant tomber un par un à chaque pas.
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 190. 2. Fruit de certaines plantes ou d'arbrisseaux; petit fruit à pépins appartenant à un ensemble, à une grappe. Grain de genièvre, de poivre, de raisin. Égrapper des grains de cassis (Goncourt, Journal,1860, p. 773) : 3. ... devant une baie de soleil, les raisins sont pendus à des ficelles; chaque grain médite et mûrit, rumine en secret la lumière; il élabore un sucre parfumé.
Gide, Nourr. terr.,1897, p. 213. 3. Expr. et proverbes − (Subst. +) en grain.Qui n'est plus dans sa cosse; qui se présente sous sa forme originelle de grain; qui n'est pas encore moulu, écrasé, réduit en poudre. N'allez pas surtout éternuer à cause du poivre en grain (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 124). − [P. allus. à l'Évangile, Marc, XI, 23] :
4. À ce signe merveilleux de l'amour divin, Élisabeth reconnut la puissance et l'éternelle véracité de Celui qui avait dit à ses disciples : si vous aviez seulement de la foi comme un grain [it. ds le texte] de sénevé, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et va te planter au milieu de la mer, et il vous obéirait.
Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 258. − [P. allus. à la parabole de l'Évangile (Matthieu, XIII, 31-32; Luc, XIII, 18-19; Marc, IV, 30-32) dans laquelle le royaume de Dieu est comparé au grain de sénevé, le plus petit de tous les grains, qui après avoir été mis en terre devient le plus grand de tous les arbres dans lequel peuvent nicher les oiseaux] :
5. ... il existe un Grain prodigieux, rien qu'un seul grain, le plus petit de tous, dit l'Évangile, qui est la similitude impénétrable du Royaume des Cieux, et la mesure infiniment exacte de la foi. (...) cette semence est un grain vulgaire de sénevé. Vulgaire, mais non pas quelconque, puisque la Parabole n'en désigne qu'Un qui doit devenir le colosse excessivement unique où s'abriteront tous les oiseaux.
Bloy, Journal,1900, p. 19. − [P. allus. à la fable de La Fontaine, I, 20, Le Coq et la perle : le moindre grain de mil serait mieux mon affaire] V. affaire ex. 56. C. − [P. anal de forme ou de quantité] 1. Corps petit, de forme ronde ou allongée. Grain de chapelet, de plomb. [Emma] s'habilla, mit sa robe noire avec sa capote à grains de jais (Flaub., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 154).Je te donnerai Du musc et des grains d'ambre (Moréas, Cantil.,1886, p. 155). 6. De sa poche, elle tira son chapelet, le fit couler au creux de sa jupe, et se mit à le dévider grain par grain. Un avé, un autre avé, un autre...
Pourrat, Gaspard,1931, p. 216. ♦ Grain de verre. Synon. vieilli de verroterie.Les Indiens exigeaient un grain de verre pour chaque plante que M. de La Martinière ramassait (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 235).On va chez des sauvages troquer des grains de verre et autres bagatelles contre de la poudre d'or, de l'ivoire, des fourrures, et autres choses précieuses (Destutt de Tr., Comment. sur Esprit des lois,1807, p. 343). − ,,En pharmacie, préparations qui ne diffèrent des pastilles que par leur forme globuleuse`` (Littré-Robin 1865). Grains de Vals. On emploie (...) avec avantage des petites pilules dans lesquelles on fait entrer l'opium et le camphre dans des proportions convenables, et souvent nous prescrivons avec le plus grand succès nos grains calmants, composés par parties égales d'extrait résineux d'opium, de camphre et d'encens, préparés selon l'art (Journ. de méd. et de chir. pratiques,1841, XII, 316 ds Quem. DDL t. 8). − Au fig., vieilli. Catholique à gros grains. ,,Un catholique qui se permet beaucoup de choses défendues par sa religion`` (Ac. 1798-1878). 2. Partie infime de quelque chose; très petite quantité de quelque chose. a) Grain de (+ subst. désignant quelque chose de concret).Parcelle de quelque chose; très petite quantité d'un tas, d'un amas; particule d'un corps, si petite qu'on n'en distingue pas la forme. Grains de pollen, de sable. Elle s'était levée (...) enlevant du doigt les grains de poussière qu'elle apercevait sur l'acajou luisant de l'armoire à glace (Zola, Ventre Paris,1873, p. 756).[L'atome] est constitué d'un nuage de grains d'électricité négative ou électrons, gravitant autour d'un noyau central (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 15) : 7. ... Je voyais cinq ou six gros grains de poudre sur une de ses joues, lesquels étaient entrés bien loin dans la peau, et qu'il m'expliqua provenir d'un coup de fusil qu'un Russe lui avait lâché presque sous le nez.
Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 60. ♦ Grains d'or. ,,Morceaux d'or très purs qui se trouvent dans les rivières, ou sur la surface de la terre`` (Ac. 1798-1932). Nos naturalistes n'ont trouvé (...) ni pyrites, ni morceaux de mine roulés, ni grains d'or disséminés dans le sable, rien enfin qui annonce un pays où il y ait des métaux (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 106). ♦ Grain de poudre. Drap de laine dont l'aspect évoque des grains de poudre disséminés sur sa surface. Les grains de poudre dans toutes les nuances, ensuite les traditionnels cachemires (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 781). ♦ [P. allus. à Pascal, Pensées, II, 176, éd. Brunschvicg, p. 410] Tout le monde connaît la célèbre phrase de Pascal sur le grain de sable qui changea les destinées de l'univers en arrêtant la fortune de Cromwell (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Page hist. inéd., 1880, p. 1207).P. métaph. La vie d'un homme n'était qu'une goutte d'eau dans la mer, un grain de sable dans le désert, et ne valait pas la peine d'être comptée. (Lamart., Voy. en Orient, t. 1, 1835, p. 391). ♦ Mettre un grain de sel sur (ou sous) la queue d'un oiseau (d'un moineau, etc.). [En parlant d'une chose impossible à réaliser] Que peuvent contre un tel homme policiers ou gendarmes? (...) autant mettre un grain de sel sous la queue d'un marteau-pêcheur! (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1429). − Au fig. ♦ Grain de sel. [P. réf. au sel qui donne saveur aux mets] Pointe d'esprit que l'on met dans le langage. Il n'y a pas le moindre grain de sel dans cet ouvrage (Ac.1798-1932).Je ne cherche pas (...) à m'assaisonner d'un grain de sel, d'originalité truquée, d'une pointe de piment (Arnoux, Écoute,1923, p. 109) : 8. Une soubrette est à vrai dire le grain de sel (...) et le piment des comédies. Sa gaieté étincelante illumine la scène; elle ravive les endroits languissants, et force le rire qui ne veut point se décider...
Gautier, Fracasse,1863, p. 188. ♦ (Mettre, mêler, ajouter) son grain de sel (fam.). Donner son avis sur une chose; se mêler à une conversation sans y être invité. Son rôle dans la maison (...) consistait à compliquer les choses, en voulant y fourrer son grain de sel, pour montrer qu'il était le patron (Montherl., Célibataires,1934, p. 794). ♦ Grain d'encens. Synon. vieilli de louange, flatterie.Si M. d'Argout avait été importé aux finances, j'aurais peut-être un grain d'encens à lui offrir; mais je le crois déplacé singulièrement dans sa moitié de ministère (Balzac,
Œuvres div., t. 2, 1831, p. 138).Si l'on avait le malheur d'allumer en sa présence le plus faible grain d'encens sur l'autel de l'art, elle l'éteignait d'un revers de main (Feuillet, Rom. homme pauvre,1858, p. 200). b) Grain de + subst. désignant qqc. d'abstr.Petite quantité, non mesurable, de quelque chose. Un faux amour de gloire, un grain d'ambition m'avoit seul égarée (Laya, Ami loix,1793, V, p. 118).Sa figure révèle l'imagination et l'énergie, avec un grain de tendance au fantasque (Nerval, Filles feu, Angélique, 1854, p. 523). − Avoir un grain (de folie) (dans la tête). Être un peu fou. De grâce, ne faites jamais d'allusion indirecte, et de moi seul comprise, à ce grain de folie (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 409).Il n'avait plus sa raison; il avait un grain, il folichonnait (Perec, La Disparition, Paris, Denoël, 1969, p. 36). c) MÉTROL. (Ancien) petit poids représentant un soixante-douzième d'un gros et équivalant, dans le système décimal, à 0,05 gr. Le grain équivaut à cinq centigrammes et trois milligrammes (Ac.1878, 1932).Pour trouver la valeur d'une perle, on multiplie le carré de son poids par le prix de base du grain ou du carat (Metta, Pierres préc.,1960, p. 120) : 8. Les poids dont on s'est servi jusqu'à l'introduction du système métrique en France, c'est-à-dire, les onces, gros, grains, avaient l'avantage de présenter des quantités pondérantes, fixes depuis plusieurs siècles, et applicables à toutes les marchandises; ...
Say, Écon. pol.,1832, p. 293. ♦ Ne pas peser un grain. [En parlant d'une pers.] Être svelte. (Ds Littré, DG, Guérin 1892). [En parlant de qqc.] Être de peu de valeur, de peu d'importance. Mais l'existence d'Amélie est parfaitement favorable à mon désir d'être marié pour le monde et pourtant libre de mes projets. Elle n'a pas une idée et ne pèsera jamais un grain dans mes résolutions ni dans ma vie (Constant, Journaux,1803, p. 43). ♦ Ne ... grain (vx). Synon. de ne ... goutte. Renforce la négation. (Dict. xixeet xxes.). d) MINÉR. ,,Fragment de matériau ayant habituellement une dimension de quelques millimètres (jusqu'à 15 mm environ ou beaucoup plus dans le cas du charbon)`` (Minéral. 1972; ds Lar. encyclop., Lar. Lang. fr., Lexis 1975). 3. Irrégularité d'une surface qui n'est pas complètement lisse. a) Petite aspérité apparaissant à la surface de l'étoffe, du cuir. Il examina, jusque dans les grains du papier, la caricature du Charivari (Flaub., Éduc. sent., t. 1, 1869, p. 134). ♦ Grain de beauté. Petite tache noire ou brune, légèrement en relief, apparaissant sur la peau dont elle rehausse l'éclat en faisant ressortir sa blancheur. Juste au coin de la bouche Cydalise autrefois possédait une mouche! Ah! ce grain de beauté, quel appel au baiser! (Lorrain, Griseries,1887, p. 76). ♦ Grains de petite vérole. ,,Pustules et marques de la petite vérole`` (Ac. 1878). La carrure de tête de la race lorraine se retrouvait dans ses pommettes larges, fortes, accusées, semées d'une volée de grains de petite vérole (Goncourt, G. Lacerteux,1864, p. 52). b) Qualité générale que présente une surface qui n'est pas absolument lisse. Ce maroquin est d'un beau grain (Ac.1798-1932).Ses joues aux contours polis, d'un grain aussi doux que celui de l'albâtre oriental (Gautier, Rom. momie,1858, p. 204).Il eut, sous les lèvres, le grain de ses épaules lisses, la fraîche élasticité de son buste, la pulpe vivante de sa bouche (Martin du G., Devenir,1909, p. 118) : 10. ... le grain des murs scintillait aux lueurs des lanternes, comme des micas d'acier, pétillaient comme des points de sucre.
Huysmans, Là-bas, t. 1, 1891, p. 180. c) Structure apparente d'une matière solide; ensemble des parties formant la masse d'une matière solide, telle qu'on la distingue à l'œil. Le grain de l'ardoise (Littré). Modèles, qu'il avoit fondus avec un potin nouvellement découvert dans ces montagnes, dont le grain, après deux fusions, acquiert la finesse et presque la couleur de l'étain (Crèvecœur, Voyage, t. 1, 1801, p. 283).L'ingénieur observa ce granit noir. Il n'y vit pas une strate, pas une faille. La masse était compacte et d'un grain extrêmement serré (Verne, Île myst.,1874, p. 164) : 11. [Les pierres] (...) dont la cassure présente des aspérités et des points brillants se travaillent plus difficilement que celles dont la cassure est lisse et le grain uniforme. Les pierres qui ont le grain fin et la texture uniforme produisent un son plein quand on les frappe, tandis que celles qui renferment des poches ou des fentes intérieures rendent un son très sourd.
Bourde, Trav. publ.,1928, p. 93. − P. anal. Une femme vigoureuse le remue [le sirop] en rond, sans discontinuer, avec un bâton de cèdre, jusqu'à ce qu'il ait pris le grain du sucre (Chateaubr., Voy. Amér. et Ital.,1827, t. 1, p. 175).La courbe qui suspend à l'épaule ton sein Emprunte aux purs coteaux nocturnes leur dessin. Ta peau ferme a le grain du marbre et de la rose (Ch. Guérin, Cœur solit.,1904, p. 77). − Au fig. À gros grain. Une apologétique populaire à gros grain (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 95).Amable se mit à ricaner : − Tu dois en être un beau charpentier à gros grain. Où c'est que t'as tant appris ton métier? C'est-il sur les routes? (Guèvremont, Survenant,1945, p. 84) : 12. Vieux ou jeunes, ils étaient tous du même grain, et leurs mains (...) portaient le cal du piolet, du rocher, de la corde, les stigmates de leur métier : la charge d'âmes à assurer vers les sommets.
Peyré, Matterhorn,1939, p. 16. − Spécialement ♦ BOUCH. ,,Taille des faisceaux constituant la viande`` (Lexis 1975); (ds Rob. et Lar. encyclop.). ♦ TEXT. Gros-grain*. II. A. − MAR. Coup de vent fort, survenant brusquement, de peu de durée, et qui peut être accompagné de pluie, grêle ou neige. Le 26, le temps resta fort embrumé; les vents varièrent par grains du nord-est au sud-est (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 236) : 13. Comme nous étions au milieu de l'étang, il est survenu un grain assez violent! Le vent soufflait grand frais, la vague brisait avec force : la voile était fortement tendue. La barque n'a pas du tout penché, il faudrait une bourrasque terrible pour la faire chavirer ou sombrer.
Chênedollé, Journal,1832, p. 145. ♦ Grain noir. Celui qui est annoncé par l'apparition rapide d'un gros nuage noir. [L'ouragan] se précipitait en hurlant sur ma calèche, comme un grain noir sur la voile d'un vaisseau (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 327). ♦ Grain blanc. Celui qui se produit sans présence de nuage et qui est prévisible seulement par le moutonnement de la mer. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Veille au grain. Ordre donné de se disposer à manœuvrer à l'approche d'un grain. (Ds Littré, DG, Rob., Lar. Lang. fr.). ♦ Au fig., fam. Veiller au grain. Surveiller ses intérêts; parer à une éventualité menaçante ou dangereuse; se méfier de quelque chose. Ça va se décider très prochainement. Vous absent, qui veillera au grain? (Flaub., Corresp.,1879, p. 164).« Si je ne veillais au grain, le premier venu te roulerait... » Mais elle ne marchait plus devant lui en écartant les branches. Il ne pressentit aucun péril (Mauriac, Génitrix,1923, p. 392). ♦ Être chargé par un grain. Le recevoir avec trop de voiles dehors. Je fus chargé, sous cette île, d'un grain qui me força de porter vers les îles Kao et Toofoa (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 249). B. − P. ext., cour. Averse soudaine, de courte durée, souvent accompagnée de vent. [Ils] faisaient des conjectures sur la grande pluie menaçante, disant : − Ce n'est qu'un grain; entrons boire, tandis que ça passera (Loti, Pêch. Isl.,1886, p. 129).Le coup de fouet d'un grain fit résonner les tôles, cingla soudain la passerelle et nous aveugla (Gracq, Syrtes,1951, p. 235) : 14. ... un grain furieux l'assaillit. Aucune maison en vue, partout la côte nue que l'averse criblait de flèches d'eau. La mer houleuse roulait ses écumes; et les gros nuages sombres accouraient de l'horizon avec des redoublements de pluie. Le vent sifflait, soufflait, couchait les jeunes récoltes,...
Maupass., Contes et nouv., t. 2, Saut, 1882, p. 11. REM. 1. Granification, subst. fém.,rare. Fait de devenir grain. Mais la granification, la germination et la floraison de nos idées est peu de chose (Balzac, Séraphita,1835, p. 219). 2. Grénelis, subst. masc.Grénelis de chapelet (rare). Fait d'égréner un chapelet, d'en passer les grains un à un. Ah! les pauvres petits châles noirs, les misérables bonnets à ruches, les tristes pèlerines et le dolent grénelis des chapelets qu'elles égouttaient dans l'ombre! (Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 149). Prononc. et Orth. : [gʀ
ε
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Cf. égrener. Étymol. et Hist. I. 1. a) Ca 1160 grain de blé (Enéas, 362 ds T.-L.); ca 1225 p. ext. grein de reisin (Péan Gatineau, St Martin, 2133, ibid.); b) ca 1245 « semence (ici au fig. : origine) » (Ph. Mousket, Chron., 786, ibid.); 1538 au propre (Est.); 2. ca 1170 « ce qui constitue la texture d'un corps solide » (Rois, éd. E. R. Curtius, III, p. 122, 17); ca 1188 « aspérité (ici sur la peau, prob. grain de beauté) » (Partonopeu de Blois, éd. J. Gildea, 4884 variantes; v. aussi note vol. II, p. 52); 3. ca 1200 « objet de forme arrondie » (Aye d'Avignon, 75 ds T.-L.); 1660 grain d'orge « orgelet » (Oudin Fr.-Esp.); 4. ca 1200 dans une phrase négative « très petite quantité » (Aliscans, éd. Wienbeck, Hartnacke, Rasch, 5707 : Onque n'i ot un seul grain de forment); xiiies. (ici d'eau) (Chevalier au Barisel, éd. F. Lecoy, 453 : Por le mor beu, chou que sera? Fait-il, n'en i enterra grains); 5. 1640 grain de folie (Oudin, Curiositez); 1663 grain de sel fig. (Molière, Critique de l'école des femmes, scène 3). II. 1552 « orage » (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, XVIII, 21); 1831 mar. veiller au grain, veiller le grain (Will., s. v. grain, veiller); 1834 lang. commune (Balzac, E. Grandet, p. 136 [ici transposition à la récolte céréalière]). I du lat. granum « grain, graine ». II prob. de I p. réf. aux grêlons qui accompagnent souvent un orage violent et subit. Fréq. abs. littér. : 2 729. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 692, b) 4 143; xxes. : a) 3 837, b) 3 926. DÉR. Grainasse, grenasse, subst. fém.,marine Petit grain de pluie ou de vent peu violent. Les vents régnants pendant cette époque sont les brises fraîches et régulières de n.n.e. variables au n.n.o., souvent même du n.e. au n.o. Il est bien rare alors que le temps devienne pluvieux; à peine trois ou quatre grainasses obscurcissent-elles par saison la sérénité du ciel [sur la côte de Sénégambie] (E. Bouët-Villaumez, Description nautique des côtes de l'Afrique occidentale ds Annales maritimes et coloniales, t. 91 bis, 1845, p. 17).− [gʀ
ε-], [gʀanas] − 1reattest. 1803 (Boiste); de grain « bourrasque inopinée »; suff. -asse*. BBG. − Chautard (É). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 356. - Dauzat ling. fr. 1946, p. 50. - Interphotothèque. Paris 1973, p. 11. - Quem. DDL t. 2, 8, 16. - Rothwell (W.) Medical and botanical terminology... Z. fr. Spr. Lit. 1976, t. 86, p. 244. - Sain. Arg. 1972 [1907] pp. 60-61, 91; Sources t. 3 1972 [1930] p. 207. - Walt. 1885, p. 101. |