| GOUJAT, subst. masc. A. − 1. Vx. Valet d'armée : 1. ... j'essuierai cette longue tyrannie comme l'officier sans épée d'une garnison prisonnière, devant qui l'insolent vainqueur fait défiler jusqu'au dernier goujat de son armée.
Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 57. − P. ext. et péj. Personne qui est ou se met au service d'une personne ou d'une chose (fonction, cause, etc.). Mes maîtres m'avaient (...) inculqué cette idée que l'homme qui n'a pas une mission noble est le goujat de la création (Renan, Souv. enf.,1883, p. 148). 2. Vieilli ou région. (Centre). Apprenti maçon. Une demi-douzaine de goujats sans échafaudage redressent le colosse [le Colisée] sur les épaules duquel mourut une nation changée en ouvriers esclaves (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 547).Les goujats lui jetteront du plâtre, les commissionnaires lui donneront « une roulée » (Vallès, Réfract.,1865, p. 18). B. − Au fig. Homme grossier dont les propos ou les manières sont volontairement ou involontairement offensantes. Ils savaient que j'étais là et ils sont repartis comme ça? Quels goujats! (Queneau, Enf. du limon,1938, p. 75).Vraiment? Eh bien, moi, je vous tiens pour un mufle et un goujat! (Aymé, Clérambard,1950, II, 6, p. 107). ♦ Au fém. [Langue parlée] Triple Dieu! Goujate, apprends-moi ça (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 321). − Emploi adj. loin de ces très goujates gents (Laforgue, Imit. Lune,1886, p. 243);je suis forcé d'endurer, jusque dans ma maison, de goujates injures (Bloy, Journal,1900, p. 399) : 2. − Ah! je suis forcé de subir ton voisinage, se dit-il, je suis condamné à entendre ta voix goujate, l'expression ridicule de tes idées basses, tes maximes d'avare et l'ignominie sententieuse de ta vomitive sagesse!
Bloy, Femme pauvre,1897, p. 144. REM. 1. Goujatement, adv.À la manière d'un goujat. L'article est goujatement méchant (Goncourt, Journal,1896, p. 991).Trahie, vendue, outragée et goujatement lapidée d'ordures par celui même à qui elle avait sacrifié son unique fleur, quel châtiment rigoureux pour la folie d'un seul jour! (Bloy, Femme pauvre,1897p. 36). 2. Goujatisme, subst. masc.Goujaterie érigée en système de vie. Aucun d'eux ne m'avait parlé et le bavardage ne s'était pas ralenti une seconde à mon entrée, le goujatisme contemporain ne comportant pas la déférence pour l'étranger (Bloy, Femme pauvre,1897p. 81). Prononc. et Orth. : [guʒa]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xves. gougeas « valet d'armée » (O. de La Marche, Mémoires, 1. II, chap. 5, éd. H. Beaune et J. d'Arbaumont, t. 3, p. 205 : les gougeas de l'hostel du duc); 2. 1676 goujat « apprenti maçon » (Félibien, p. 71); 3. av. 1729 « homme grossier » (Mmede Caylus, Souvenirs, p. 106 ds Pougens ds Littré). Empr. à l'a. prov.gojat « jeune homme » (1339 ds L. Constans, Le Livre de l'Epervier, Montpellier-Paris, 1882, p. 133), dér. de goya, goja (gouge1*); suff. dimin. -at (cf. Nyrop t. 3, § 185; L. Alibèrt, Gramatica occitana, 1976, p. 365). Fréq. abs. littér. : 201. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 129, b) 333; xxes. : a) 678, b) 157. DÉR. Goujaterie, subst. fém.Caractère ou conduite d'un goujat. Synon. muflerie, indélicatesse.Être de la dernière goujaterie. La singulière apologie, qui est une insulte, et que penser des femmes qui applaudissent à cette goujaterie emmiellée! Comment n'être pas frappé par le manque de confiance en soi dont témoigne leur rage millénaire de se contrefaire! (Montherl., Olymp.,1924, p. 283).− [guʒatʀi]. Ds Ac. 1932. − 1resattest. a) 1611 « ensemble des valets d'armée » (Cotgr.), b) 1853 « impolitesse » (Flaub., Corresp., p. 274); de goujat, suff. -erie*. − Fréq. abs. littér. : 27. BBG. − Quem. DDL t. 7. |