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GOUDRON, subst. masc.
Substance huileuse, visqueuse et noirâtre, à odeur forte et âcre, obtenue par la distillation de diverses matières végétales ou minérales. Goudron animal, minéral; goudron de bois, de pin. L'un des produits importants du pin est le goudron que l'on tire de son tronc et des ses racines (Baudrillart, Nouv. manuel forest., t. 1, 1808, p. 403).On empêche les fourmis de monter sur les arbres en plein air en fixant vers la base de la tige un bourrelet de coton enduit de goudron végétal (Du Breuil, Cult. arbres,1876, p. 246).Le port, les voiles étalées, l'odeur de goudron et de mazout, les bateaux, qui glissaient dans le chenal et s'amarraient devant le marché au poisson (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 59) :
1. Pour calfater les coutures, on fit de l'étoupe avec du zostère sec (...); puis, ces coutures furent recouvertes de goudron bouillant, que les pins de la forêt fournirent avec abondance. Verne, Île myst.,1874, p. 331.
PHARM. Eau de goudron. Eau dans laquelle on a fait macérer du goudron végétal et que l'on emploie en thérapeutique comme stimulant des muqueuses dans certaines affections des voies respiratoires ou de l'estomac (d'apr. Ac. 1932). Le seul événement a été (avant-hier) l'arrivée de Mamzelle Julie. Elle a une laryngite. Fortin lui a ordonné de l'eau de goudron (Flaub., Corresp.,1876, p. 266).
En partic.
Goudron de houille. Goudron provenant de la distillation de la houille, utilisé notamment pour prévenir la pourriture du bois et, en thérapeutique, comme désinfectant. Synon. coaltar.Une fois que du goudron de houille on fut certain d'extraire d'une façon pratique et en quantité considérable la benzine et l'aniline, l'industrie de la teinture prit de plus en plus un caractère scientifique (Jolly, Blanchiment, teint., text.,1900, p. 15).
Goudron (de pétrole). Goudron employé dans les travaux publics pour le revêtement des routes. Synon. asphalte, bitume.Je me promenais dans les rues, seule et sans beaucoup de conviction : il faisait trop chaud, le goudron fondait sous mes pieds (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 440) :
2. L'incorporation du goudron et du brai dans la masse des matériaux d'une chaussée en vue de leur agglomération s'opère de deux manières : soit en mélangeant les matériaux avec le goudron ou le brai de manière à les enrober et à en faire un béton, soit en faisant du liant, un coulis qu'on verse sur les matériaux répandus... Bourde, Trav. publ.,1929, p. 121.
Expr., fam., au fig. Être en plein goudron. Être en difficulté. Je suis en plein goudron. Qu'est-ce que je vais devenir? Avec la femme? Et les gosses! (Queneau, Pierrot,1942, p. 127).
Emploi subst. apposé avec valeur adj. La petite Perdicion, chorégraphe espagnole, dont les cheveux couleur goudron ondulent sur un front bas, a promis un intermède (Toulet, Tendres mén.,1904, p. 97).
Prononc. et Orth. : [gudʀ ɔ ̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1195 catran « produit visqueux obtenu par distillation » (Ambroise, Guerre sainte, 3865 ds T.-L.); 1309 goutren (E. de Freville, Mém. sur le comm. mar. de Rouen, t. 2, p. 98 cité par R. Arveiller ds Fr. mod. t. 25, p. 307, s.v. brai); 1611 gouderon (Du Bartas, 2esemaine, Jonas, p. 398 ds Hug.); 1647 goudron (P. Parfouru, Dépenses de P. Botherel, p. 33 : goudron pour recalfeutrer le basteau); 2. 1745 méd. eau de goudron (D.R. Boullier, Recherches sur les vertus de l'eau de goudron [...] trad. de l'angl. du Dr G. Berkeley, Amsterdam ds Cioranescu 18e, no13471), v. eau goudronnée, s.v. goudronner; 3. 1801 « goudron de houille » (Crèvecœur, Voyage, t. 3, p. 54 : goudron de charbon de terre); 1803 goudron minéral (Boiste); 4. 1832 goudron minéral « sorte de bitume ou d'asphalte » (Raymond). Empr. à l'ar.qaṭrān, qiṭrān « goudron ». Cf. lat. médiév. catarannus (ca 1040, Eugesippe ds Du Cange), catranum (1160-70, Jean de Wurtzbourg ds Mittellat. W.). La forme avec gou- initial s'explique difficilement, peut-être par l'infl. de goutte (cf. Sain. Autour Sources, p. 290); pour les diverses formes prises par le mot, v. FEW t. 19, pp. 90-91. V. aussi S. Sguaitamatti-Bassi, Les empr. dir. faits par le fr. à l'ar. jusqu'à la fin du xiiies., Zurich 1974, pp. 84-90. Fréq. abs. littér. : 132.