| GOSSE, subst. Familier A. − Enfant. 1. Jeune enfant en général, garçon ou fille. Synon. fam. gamin, loupiot, mioche, môme (pop.).Gosses de l'école, du quartier; bon, petit, pauvre gosse; regard, bêtises de gosse(s); se faire câliner, rire, s'amuser comme un gosse. Les gosses criaient très fort, prenant part aux scènes, interpellant Guignol et ses créanciers, etc. (Larbaud, Journal,1934, p. 294).Je serais inquiet pour un gosse qui ne serait pas un peu insupportable (Montherl., Fils personne,1943, III, 3, p. 320) : 1. D'où vient que le temps de notre petite enfance nous apparaît si doux, si rayonnant? Un gosse a des peines comme tout le monde, et il est, en somme, si désarmé contre la douleur, la maladie! L'enfance et l'extrême vieillesse devraient être les deux grandes épreuves de l'homme. Mais c'est du sentiment de sa propre impuissance que l'enfant tire humblement le principe même de sa joie...
Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1045. − Emploi adj. Un air gosse. Quant à extraire de moi des pleurs... non, je ne suis plus assez gosse pour cela (Gide, Faux-monn.,1925, p. 964).− Il n'a pas l'air de savoir ce qu'il veut. − Il est très gosse et Paris lui a un peu tourné la tête (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 35). a) Expressions ♦ Sale gosse. Enfant difficile, insupportable. Le sale gosse qui pousse ses petits camarades à mettre des hannetons dans le tiroir du maître et qui regarde en ricanant la réaction produite... (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 154).Un sale gosse affolé, incapable de supporter les conséquences de ses sottises (Sartre, Morts ds âme,1949, p. 118). ♦ [En parlant d'un adulte] (Un) grand, (un) vrai gosse. Personne qui a gardé des réactions d'enfant, qui commet des enfantillages. Il était d'une gaieté, d'une jeunesse!... Un gamin! Oui, un vrai gosse (Blanche, Modèles,1928, p. 4).− Grand nigaud, dit Léonie en s'écroulant dans les bras de Pradonet. Elle lui faisait des mignardises. − Grand gosse, va (Queneau, Pierrot,1942, p. 35). b) Loc. Quand j'étais (tout) gosse. Quand j'étais petit, dans mon (ma tendre) enfance. Quand j'étais gosse, je regardais par le trou de la serrure mes parents s'embrasser (Proust, Temps retr.,1922, p. 827).Quand vous étiez gosse, votre papa vous a-t-il giflé, fessé, rossé? (Bourget, Actes suivent,1926, p. 11) : 2. Bien la peine, quand j'étais gosse, de me farcir la cervelle de belles fadaises héroïques, comme mes parents n'ont eu garde d'y manquer! À douze ans, j'avais pour camarades de récréations les héros de Plutarque et le Bussy d'Amboise de Dumas père.
Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 18. 2. Pop. Fils, fille, enfant jeune (par rapport à la filiation). Sa femme et ses gosses, nichée de gosses; avoir des gosses (à nourrir, à élever); faire, foutre un gosse (à une femme). L'un vous parle de sa gosse malade, l'autre (...) d'un bouquin qu'il lit (Abellio, Pacifiques,1946, p. 145).« Tu es marié? » « J'ai même deux gosses. » « Tu ne t'entends pas avec ta femme? » « Moi? On s'adore » (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 218) : 3. Eh bien, Laurent, figure-toi que Severini martyrisait ses gosses. Il a divorcé trois fois. Il débauche toutes ses bonnes. Il a quatre ou cinq enfants naturels. Il est avare. Enfin, odieux.
Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 205. − Péj. Gosse de riche(s). Enfant, jeune homme privilégié par sa situation familiale. Synon. fils à papa.Un taxi! m'écriai-je d'un ton indigné. Ah, gosse de riche, j'ai eu plus chaud dans le métro... (Abellio, Pacifiques,1946, p. 87) : 4. Je suis un gosse de riche, un intellectuel, un type qui ne travaille pas de ses mains. Eh bien qu'ils pensent ce qu'ils veulent. Ils ont raison, c'est une question de peau.
Sartre, Mains sales,1948, p. 100. − Mes, tes, ses, etc. gosses. Les enfants dont on s'occupe maternellement. Elle gorge ses gosses de devoirs écrits, pour pouvoir, pendant qu'elles noircissent du papier, causer tranquillement avec sa chère directrice (Colette, Cl. école,1900, p. 153).Va, tu l'envieras plus d'une fois, la petite sœur qui le matin part contente vers ses gosses pouilleux (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1077). B. − Adolescent(e); adulte jeune. Une gosse de quinze ans. Elle a à repasser ses examens, elle va potasser, la pauvre gosse (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 889).Une gosse de dix-huit ans qui a essayé de se suicider avec une lame de rasoir de sûreté (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 211) : 5. Lorsque je vois ce gosse de dix-sept ans, ce petit frère Blanche, avec sa bonne grosse figure, si franche, ses yeux si limpides, son rire si frais, je m'imagine quelle est l'innocence de cette âme, imprégnée jusque dans ses plus secrètes fibres de la joie de Dieu...
Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 89. − Pop. Beau, belle gosse. Beau garçon, belle fille. « Tu viens? », « Joli garçon! », « Tu veux qu'on s'amuse? », « Oh! le joli gosse. J'ai le béguin pour lui » (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 269).Du coin de l'œil il admira Yvonne. Quelle belle gosse. Et il n'avait pas l'air de la dégoûter (Queneau, Pierrot,1942, p. 106) : 6. Ils parcouraient la foule, et elle puisait dans l'un des sacs ce qu'elle jetait aux passants, à ceux qu'elle trouvait beaux gosses, des grands paysans éberlués, ou des messieurs de sa connaissance qu'elle aguichait.
Aragon, Beaux quart.,1936, p. 164. − Emploi adj. Quand j'étais tout gosse, quinze, seize ans, je tombais faible, le matin, à la leçon de danse, parce que je ne mangeais pas assez (Colette, Music-hall,1913, p. 25). − Arg. (La/ma/sa) gosse. Femme; maîtresse. [Bec-d'Amour, à sa maîtresse :] La gosse, à toi l'honneur! (Méténier, Lutte pour amour,1891, p. 11).Plumons-nous, la gosse (Bruant1901, p. 290). REM. 1. Gossaille, subst. fém.Jeunesse, ensemble de gosses. Le réduit était tenu par de la gossaille. En secteur pour la première fois depuis cinq jours, cela se battit comme des diables (Montherl., Songe,1922, p. 78). 2. Gosserie, subst. fém.État, caractère de gosse; p. méton. comportement de gosse. Synon. gaminerie.Cette gosserie lui valut [à Poirier] plusieurs histoires ennuyeuses (L. Daudet, Dev. douleur,1931, p. 78).Son frère, à quinze ans, avait jeté avec impatience tout ce qui lui rappelait sa gosserie, ne vivant plus que dans l'avenir (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1090). 3. Gosse, subst. fém.,le plus souvent au plur., région. (Canada). Testicule. C'est un cœur d'or. Il donnerait ses gosses à un impuissant si ça pouvait lui rendre service (Y. Beauchemin, L'Enfirouapé, Montréal, La Presse, 1974, p. 57). Prononc. et Orth. : [gɔs]. Bosse, rosse, gosse, etc., [-ɔ-], mais fosse, grosse, il adosse, [-o:-]. Étymol. et Hist. [1796 (?) d'apr. Esn.]; [1798 (?) d'apr. Fr. mod. t. 17, p. 221]. 1808 gousse (Hautel); 1846 gosse (L'Intérieur des prisons, p. 243). Orig. inc.; les rapprochements avec l'a. prov. gous, gousset, gousso (cf. Mistral) « sorte de chien » (ds Sainéan, La Création métaphorique, Le chien et le porc, p. 48), avec la famille de gausser* (Spitzer ds Z. rom. Philol. t. 42, p. 840), avec le suédois gosse (Richthofen, ibid., t. 67, p. 105), avec le mot gonce, gonze* (ds Chautard, Dupré), ne sont pas convaincants, les deux premiers pour des raisons sém., le troisième en raison des difficultés d'un empr. du fr. au suédois et pour des raisons chronol. (cf. FEW t. 21, p. 448a), le dernier du fait de difficultés phonét. et sém. L'attest. de 1808 rapproche le mot de gouspin*. Fréq. abs. littér. : 859. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4, b) 150; xxes. : a) 1 229, b) 2 829. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 85 - Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1915/16, t. 29, p. 271. - Pauli 1921, p. 47. - Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 64, 186, 191, 235; t. 2 1972 [1925], p. 29; t. 3 1972 [1930], p. 527. |