| GLORIEUX,-EUSE, adj. A. − [Correspond à gloire I] 1. [En parlant d'une action, d'un événement] Qui procure la gloire, qui est empreint de gloire. Action, mort, vie glorieuse; exploits, travaux glorieux. Depuis la glorieuse révolution (Marat, Pamphlets, Nouv. dénonciation contre Necker, 1790, p. 93).La glorieuse carrière de Napoléon (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 3).J'estimais son sort magnifique et sa destinée glorieuse (A. France, Pt Pierre,1918, p. 50) : 1. Les Grecs utilisent la mort. Toute leur vie est une belle tragédie, dont la mort est un acte glorieux.
Barrès, Cahiers, t. 1, 1897, p. 132. − HIST. [Souvent avec une majuscule] Journées glorieuses; emploi subst. et abs. les (Trois) Glorieuses. Journées révolutionnaires des 27, 28, 29 juillet 1830. Ce n'était plus de journées glorieuses qu'il s'agissait comme aux 27, 28, 29 juillet 1830 (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 150).Croisset, vendredi 27 juillet 1877. (Anniversaire des Glorieuses!) (Flaub., Corresp.,1877, p. 11) : 2. La Révolution de 1830 avait relevé les trois couleurs qui signifiaient les frontières naturelles, l'affranchissement des peuples, la revanche, la gloire : d'où le nom de « trois glorieuses » donné aux journées de Juillet.
Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 166. 2. [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] Qui est couvert de gloire. Synon. célèbre, fameux, illustre.Nom glorieux; glorieux ancêtres. Cette voix des dieux qui conduisit jadis nos héros glorieux (Banville, Cariat.,1842, p. 86).Une de ces femmes (...) nées dans une maison glorieuse, entrées par leur mariage dans une autre qui ne l'était pas moins (Proust, Guermantes 1,1920, p. 183) : 3. Après s'être ainsi meurtri, s'inquiétant d'avoir battu le glorieux vieillard [un philosophe connu] qui fait partout autorité, il cherchait une justification raisonnable à cet excès injurieux de sensibilité. Et il disait : « Si la gloire (académie, tribune française, notoriété, Panama) n'est que cette combinaison qu'il m'indiqua, pourquoi la respecterais-je?... »
Barrès, Barbares,1888, p. 193. − Emploi subst. Personne célèbre. Synon. célébrité, gloire.Les noms les plus célèbres de la littérature du dix-huitième siècle se retrouvent aussi dans les archives de la Bohême, qui, parmi les glorieux de cette époque, peut citer Jean-Jacques et d'Alembert (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 5). B. − [Correspond à gloire II] 1. Qui procure une satisfaction d'amour-propre, qui est digne de considération. Synon. estimable, honorable, méritoire.Quand l'article est glorieux pour le signataire, la gloire se paye à part (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 95).Il [un sculpteur] poussait le manque de sens critique jusqu'à ne pas faire de distinction, entre les fils les plus glorieux de ses mains, et les détestables magots qu'il lui arrivait de bâcler parfois (Zola,
Œuvre,1886, p. 143). − Loc. verb., en emploi impers. Il est glorieux de + inf.Il est honorable. Il peut être légitime et même glorieux de faire un faux (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 178). 2. [En parlant d'une pers.; p. méton., de son comportement, suivi éventuellement d'un subst. ou d'un inf. introduit par de précisant le motif de la gloire] Vx. Qui éprouve une légitime satisfaction d'amour-propre, qui tire fierté (de quelque chose, de quelqu'un). Synon. content, fier (de).Émile ne savait donc trop comment s'expliquer, et il n'était pas très glorieux de lui-même (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 56).Tous les œufs étaient bons! et Toine affolé de joie, délivré, glorieux, baisa sur le dos le frêle animal (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Toine, 1885, p. 185) : 4. Je suis glorieuse de vous comme une mère de ses enfants, comme je suis glorieuse de ce hêtre, de ce sapin ou de ce châtaignier qu'on vient admirer sur mes pentes...
Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 441. − P. ext., péj. Qui est plein de suffisance; qui tire vanité (de quelque chose, de quelqu'un). Synon. imbu, infatué (de), orgueilleux, prétentieux, suffisant, vaniteux.Air glorieux; glorieux comme un paon. Le père Margaillan, glorieux de son gendre médaillé, l'avait promené, présenté en tous lieux, à titre d'associé et de successeur (Zola,
Œuvre,1886, p. 341).Et ils se gaudiront, ils lèveront les épaules, ces ânes assermentés, ces glorieux cuistres (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 230).Successivement arrivent Labori, Millevoye. Labori vantard, bon garçon. Tous glorieux, vantards (Barrès, Cahiers, t. 5, 1906, p. 9). ♦ Emploi subst. Ces glorieux qui souvent se jettent par vanité et par étourderie dans des entreprises téméraires (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 149).Supposons en effet que M. Émile Loubet n'eût pas été sournoisement, profondément, un glorieux, épris d'ostentation et de pompe vaine (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 112). C. − [Correspond à gloire III] 1. [En parlant d'un inanimé abstr.] Qui est plein d'éclat. Mon intelligence se maintenait vivace et glorieuse (Gide, Journal,1891, p. 19).Elle connut, en une minute d'éblouissement, cette glorieuse joie de la maternité (Rolland, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1205). 2. [En parlant d'une réalité concr.] Qui est d'une beauté éclatante. Synon. éclatant, magnifique, splendide.Le glorieux papillon du Brésil, d'un bleu riche à reflets changeants (Michelet, Insecte,1857, p. 161).Ta peau était une robe glorieuse que tu ne voulais pas voiler (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 234).Mer glorieuse, empanachée (...). Impression dominante de gloire (Gide, Nourr. terr.,1897, p. 228). − En partic. [En parlant d'une source lumineuse; p. méton. de la lumière elle-même] Qui est d'une extrême luminosité, qui est éblouissant. Le soleil couchant les enveloppait d'une glorieuse lumière (Schwob, Monelle,1894, p. 39).Le soleil est splendide, glorieux, insoutenable (Gracq, Beau tén.,1945, p. 93). D. − RELIG. [Correspond à gloire IV A] 1. [En parlant d'une réalité du monde divin] Qui participe de la splendeur de Dieu. [Le Paradis] Patrie mystique! Séjour des Justes! Glorieux foyer de lumière et d'amour! (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 95).Je vous remets entre les mains de celui dont vous êtes la créature. Que la troupe glorieuse des anges... (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 363). 2. [En parlant d'un élu] Qui jouit de la gloire éternelle. La glorieuse Sainte qu'il allait honorer (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 312).Par la glorieuse Marie! (Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 181). − THÉOL. Corps glorieux (cf. corps II E). REM. Glorieuseté, subst. fém. vx. péj.[Correspond à supra B 2] Comportement, défaut d'une personne glorieuse. Beaucoup de glorieuseté et peu d'usage (Arnoux, Algorithme,1948, p. 221). Prononc. et Orth. : [glɔ
ʀjø], fém. [-ø:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « qui jouit de la gloire céleste » (Roland, éd. J. Bédier, 124 : Deu, le Glorius); 2. ca 1155 « qui s'est acquis de la gloire » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3741); 3. ca 1220 « vaniteux » (G. de Coinci, éd. F. Koenig, I Mir 10, 1828); 4. 1836 subst. les trois Glorieuses (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, p. 51). Empr. au lat.gloriosus « plein de gloire; qui aime la gloire (péj.); fanfaron, vantard », spéc. « resplendissant, plein de gloire » en lat. chrétien. Fréq. abs. littér. : 1 814. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 478, b) 2 318; xxes. : a) 2 622, b) 1 927. |