| GLACER, verbe trans. I. A. − Convertir un liquide en glace, le solidifier; rendre dur sous l'effet d'un froid très vif. Le gel a glacé le sol. Le grand froid glace les rivières (Ac.). Depuis deux jours, la neige tombait; elle avait cessé le matin, une gelée intense glaçait l'immense nappe (Zola, Germinal,1885, p. 1467). − En partic. Refroidir ou congeler artificiellement. Glacer le champagne. Le porter à une température fraîche. Emploi à valeur pronom. Un froid artificiel fait glacer à la fois le madère, le suc de la fraise et de l'ananas (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 184). − P. ext. Causer une sensation de froid, de grand froid. Ce vent glace le visage. Cette eau glace les mains (Ac.). Une sueur froide glaça le front du jeune homme et fit claquer ses dents (Dumas père, Monte-Cristo,1846, p. 191). ♦ Emploi pronom. Sa respiration s'arrêta et (...) sa main se glaça dans les miennes (Sand, Meunier Angib.,1845, p. 133). B. − Au fig. 1. Frapper d'une émotion si violente que le sang paraît brusquement se refroidir, se figer. Être glacé par une mauvaise nouvelle; être glacé jusqu'au fond de l'âme, jusqu'aux moelles; glacer les os, le(s) sang(s), les sens, les veines. Au sortir d'une telle scène comme celle qu'elle m'avait encore faite, j'étais glacé, insensible (Léautaud, Journal littér.,1906, p. 263).Il [le duc d'Orléans] connut un mot de Marat qui lui glaça le sang (L. Daudet, Lys sangl.,1938, p. 237) : 1. L'idée qu'il suffisait d'un regard, entre les planches de cette porte disjointe, pour qu'on les massacrât, la glaçait.
Zola, Germinal,1885, p. 1436. − Littér. Priver de la chaleur, de l'ardeur (au temps de la vieillesse). La vieillesse glace le sang (Ac.). La vieillesse a glacé nos jarrets (Stendhal, Hist. peint. Ital., t. 2, 1817, p. 190). 2. Faire impression sur quelqu'un, le paralyser, le pétrifier en le rebutant, en l'effrayant. Glacer la confiance, l'enthousiasme, la sympathie de qqn. Charles et sa cousine jetèrent ensemble un cri terrible, et la peur les glaça tellement qu'ils restèrent immobiles (Balzac, Annette, t. 3, 1824, p. 165).Soldats, le voilà ce clairon Qui des Perses jadis a glacé le courage! (Delavigne, Messéniennes,1824, p. 79).Il la regarda avec une dureté dont elle fut glacée. Elle n'osait pas parler, sentant que tout ce qu'elle pourrait dire l'offenserait et l'irriterait (A. France, Lys rouge,1894, p. 384).J'appartenais à cette race d'êtres dont on m'a dit qu'ils n'ont pas de jeunesse : un adolescent morne, sans fraîcheur. Je glaçais les gens, par mon seul aspect. Plus j'en prenais conscience, plus je me raidissais (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 32) : 2. Toutes les espèces de serpens à sonnettes, répandent au loin la terreur, par le seul frémissement des écailles de leur queue et par l'odeur empestée qu'ils exhalent; ils glacent et stupéfient les animaux faibles, qui n'entreprennent seulement pas, le plus souvent, de fuir devant eux...
Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 330. − Emploi pronom. Le personnage le plus intéressant de l'hôtel est le pianiste Milkow. Une névrose l'empêche de jouer; ses doigts se glacent quand il touche un clavier (Chardonne, Dest. sent. II,1934, p. 71). II. − Donner une apparence lisse, polie, brillante comme celle de la glace. La lune glaçait les pelouses et les cimes des arbres (Martin du G., Devenir,1909, p. 138).Glacer de qqc. Recouvrir de quelque chose qui donne cette apparence : 3. ... on apporte à Des Esseintes une tortue dont il a fait glacer d'or et garnir de pierreries toute la carapace.
Lemaitre, Contemp.,1885, p. 327. − Emploi pronom. Leurs ailes moirées se glaçaient de rose au reflet du matin (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 461). − Spécialement ♦ ART CULIN. Couvrir (une pièce de viande) d'une gelée, (des gâteaux) de sucre glace, (une pâtisserie) de blanc d'œuf, etc. Glacer des viandes, des confitures, des massepains (Ac.). ♦ CÉRAM. Glacer une pièce, une poterie. Surtout, ne glacez jamais avec de la capucine rose, de la laque Robert, de la laque de Smyrne! (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 422). ♦ PEINT. Glacer une toile. La méthode de glacer les chairs, si bonne pour imiter la transparence de la peau (Delacroix, Journal, Suppl., ca 1835, p. 384). ♦ TECHNOL. Donner de l'apprêt, du brillant. Glacer le linge, du papier, des peaux. Un fer à glacer est indispensable pour donner un beau brillant aux chemises, faux cols, etc. (Lar. mén.1926, p. 1044).Emploi pronom. passif. Les papiers se lissent, se glacent et se satinent à l'aide de feuilles de carton ou de feuilles métalliques (acier, zinc ou cuivre) et de presses et de cylindres appelés, selon leur forme, laminoirs ou calandres (A. Cim, Pt manuel de l'amateur de livres, Paris, Flammarion, s.d., p. 27). REM. Glacement, subst. masc.,hapax. Refroidissement. Encore une crise avec un glacement de l'être que rien ne peut réchauffer (Goncourt, Journal,1893, p. 365). Prononc. et Orth. : [glase], (il) glace [glas]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. : prend une cédille devant a et o : glaçai(s), glaçons. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 intrans. « (du sang) se figer » (B. de Ste-Maure, Troie, 10229 ds T.-L.); ca 1175 « (de l'eau) se transformer en glace » (Id., Chron., éd. C. Fahlin, 3896); 2. id. trans. fig. (Id., op. cit., 16061 : la rien qui plus el quor me glace...); 3. a) 1549 « revêtir de manière à donner un aspect poli » (Entr. de Henri II à Paris, fol. 11 vods Gdf. Compl. : colonnes glacees de toutes les pierres... que la nature peult produire); b) 1551 cout. laneures glacees (Lespinasse, Métiers de Paris, II, 175 ds Barb. Misc. XII, no23); c) 1680 tafetas glacé (Rich.); d) id. pâtiss. (ibid.). Du lat. glaciare « changer en glace; glacer d'effroi; durcir, solidifier ». Fréq. abs. littér. : 810. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 091, b) 1 174; xxes. : a) 1 632, b) 906. Bbg. Gir. 1834, p. 48. - Gohin 1903, p. 376. |