| GLACE, subst. fém. I. A. − Eau congelée, solidifiée par le froid. Un bloc, une couche de glace. Des dragons (...) en train de casser la glace d'une auge pour abreuver leurs chevaux (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 69).Quand, le long des canaux, les péniches sont bloquées par la glace (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 425) : 1. Des cristaux de glace, en forme de feuilles de fougère, fleurissaient les vitres des fenêtres et me cachaient la Seine...
A. France, Bonnard,1881, p. 267. SYNT. Glace artificielle, fondante, polaire; banc, champ, mer, pain, piton de glace; seau à glace; stalactites de glace; glace à rafraîchir; glisser, patiner sur la glace; faire du hockey sur glace; l'eau s'est prise en glace. − En partic. ♦ Cube de glace (v. glaçon). Vessie* de glace. ♦ Vin blanc frappé de glace. Vin blanc rafraîchi dans la glace. Le docteur Corvisart (...) ne buvait que du vin de Champagne frappé de glace (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 156). ♦ Ferrer un cheval à glace. Le ferrer avec des crampons qui l'empêchent de glisser. V. ferrer, Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 143.Au fig. Être ferré à glace sur une affaire, sur une question. Être compétent, habile, imbattable sur quelque sujet. Le jeune homme est un crâne qui pourrait me tuer et je dois être ferré à glace, être de sa force à l'épée et au pistolet (Balzac, U. Mirouët,1841, p. 172). − Au plur. Les glaces. Synon. banquise, glaciers.Fonte, débâcle des glaces; pris dans les glaces. L'Afrique se fissure un peu plus. Ailleurs, les glaces avancent et reculent (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 218).Dans les contrées polaires, les glaciers (...) forment de vastes inlandsis, qui arrivent jusqu'à la mer et donnent, en se fracturant, des glaces flottantes ou icebergs (Boule, Conf. géol.,1907, p. 12). − Expr. Par les neiges et par les glaces. Avec tout ce que suppose un hiver rigoureux. Nous avons suivi son cercueil (...) par les neiges et les glaces (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 451). − Au fig. Les glaces de l'âge. La diminution ou la perte de l'ardeur, de la vitalité. J'ai fini par admirer ce regard si vif, si profond, si hardi, malgré les glaces de l'âge (Balzac, Confid. Ruggieri,1837, p. 315). − P. compar. Un homme pur comme de la glace. Celle dont il a pu ainsi garder intacte une image paisible, immobile et pure comme le marbre ou la glace (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 448).Fondre comme (de la) glace au soleil. Fondre très rapidement. Les jours me fondent entre les mains comme de la glace au soleil (Balzac, Corresp.,1830, p. 445). B. − Basse ou très basse température. Un vent de glace; des mains de glace. Elle sentait un froid de glace qui lui montait des pieds jusqu'au cœur (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 171). 1. MÉTÉOR., vieilli. Le thermomètre est à glace (Ac.). Au degré zéro centigrade. Une température au-dessus, au-dessous de la glace, de glace. Au-dessus, au-dessous du degré zéro, de zéro. L'eau de notre aiguade n'avait qu'un degré et demi de chaleur au-dessus de la glace (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 77).Le froid redevint très-vif, et la colonne thermométrique tomba à huit degrés Fahrenheit au-dessous de zéro (22 degrés centigrades au-dessous de glace) (Verne, Île myst.,1874, p. 320). − Expr. À la glace. Gelé, très froid. J'ai les mollets à la glace (Labiche, Cagnotte,1864, V, 3, p. 157).Au fig. On ne m'accusera pas de le choisir parmi les royalistes à la glace (J. de Maistre, Consid. sur Fr.,1796, p. 140).Nous aurions aimé que M. de Lamartine désignât moins brutalement la Bible où il se nourrit, évitant de tomber dans un didactisme à la glace heureusement assez rare en son recueil (Fontaine, no62, oct. 1947, p. 692). − P. méton. Les saints de glace. Certains saints du calendrier (Mamert, Pancrace). Les 4 cavaliers ou cavaliers du froid (...) sont les Saints de Glace (...). Ils détruisent les fleurs, les fruits et la vigne à la fin Avril et au début de Mai (Chass.1970, s.v. saints de glace). 2. Au fig. [P. réf. à la froideur de la glace] Être froid comme glace, comme un bloc de glace. Je voyais d'ailleurs peu à peu ma princesse s'adoucir, se calmer; la glace se fondait sous l'ardeur de ma parole (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 367). ♦ De glace. Sans chaleur, sans effusion, raide, insensible. Âme, cœur, mépris, silence de glace; être d'un froid de glace; demeurer de glace; dire un bonjour de glace; garder un front, un sérieux, un visage de glace. Cet homme (...) qui, de glace pour tout le monde, s'éprenait d'elle comme un jeune homme (A. France, Jocaste,1879, p. 25).Gourmés, silencieux, les enfants offensés rougissent, et restent de glace (Colette, Apprent.,1936, p. 179). − Loc. et expr. ♦ Être en glace. Être complètement froid, inhibé. Malgré moi, je suis en glace. Impossible de dire un mot gentil (Renard, Journal,1895, p. 278). ♦ Se faire de glace. Le baron Duvillard entrait. Elle se fit tout de suite de glace, elle le reçut en jeune reine offensée (Zola, Paris, t. 1, 1897, p. 86). ♦ Jeter de la glace sur qqc. Jeter un froid sur quelque chose. Elle n'ajouta rien qu'un immense éclat de rire; mais l'impassibilité du petit La Baudraye jeta de la glace sur cette explosion (Balzac, Muse départ.,1844, p. 225). − P. métaph. La glace est/fut rompue. Rompre la glace. Faire cesser la froideur initiale, la gêne entre personnes. Il faut que la douce chaleur de la sympathie délivre nos conspirateurs gelés dans leur banquise et résolve la complicité en communauté. Justement, cela s'appelle : rompre la glace (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 192). C. − P. ext. Crème congelée contenant du lait, du sucre, des fruits, des aromes variés. Synon. crème glacée.Glace au café, à la fraise, à la vanille; cornet de glace; manger, prendre une glace; commander des glaces. À la fin du souper on servit des glaces, dites plombières (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 323).Procope mit à la mode les mousses glacées à base de crème fouettée, qu'on surnomma « glaces à la Chantilly » (Gdes heures cuis. fr., Éluard-Valette, 1964, p. 237). II. − [P. réf. au poli, au brillant ou à la transparence de la glace] A. − Plaque de verre ou de cristal, dont les deux faces sont polies. Les glaces des magasins; bris de glaces. Par les glaces des fenêtres, entrait la lumière claire du jardin (Zola, Page amour,1878, p. 813).J'ai failli le précipiter à travers l'une des grandes glaces-fenêtres sur le boulevard (Verlaine, Souv. et fantais.,1896, p. 253). − En partic. Vitre fixe ou mobile d'une voiture, d'un wagon. Baisser, lever la glace. Les glaces de la voiture se givraient (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 292) : 2. ... on a alors songé pour éviter les coupures par éclats dans les accidents de la circulation à rechercher la confection de dispositifs utilisant toujours le verre (...). Les deux principales réalisations sont la glace Triplex et la glace Securit.
C. Duval, Verre,1966, p. 94. − Expr. Cirer un parquet à glace. Le cirer de façon à ce qu'il brille comme une glace. Les parloirs à plantes vertes, cirés à la glace (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 113). B. − Miroir constitué par une plaque de verre uni derrière laquelle une couche de tain a été appliquée. Glace de Bohême, déformante, à deux faces, à main, de poche, à la psyché; armoire à glace. Glaces de Venise à biseaux dans leurs cadres à incrustations merveilleusement sculptées, placées en trumeaux entre les croisées (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 359).Ils purent s'admirer dans la glace, transformés en mariés de mardi gras (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 13) : 3. Louis XV, voulant se concilier l'amitié du sultan, ne trouvait pas de plus beau présent à lui faire, que de lui envoyer un miroir sortant de la Manufacture royale. On voit, par ces quelques exemples, de quelle faveur jouissaient alors les glaces coulées.
H. Havard, La Verrerie, Paris, Delagrave, s.d. [ca1895], p. 190. − En partic. ♦ La Galerie des Glaces (au château de Versailles). Aux fêtes de Versailles, les bijoux des courtisans scintillent à l'envi aux mille lumières de la Galerie des Glaces (Metta, Pierres préc.,1960, p. 10). ♦ [Une glace cassée est parfois considérée comme un mauvais présage] Le miroir allait et venait. Il glissa, tomba... Il était cassé. − Ah! voilà un malheur! (...). J'ai toujours eu peur d'une glace cassée... Ça porte malheur, vous verrez! (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 234). ♦ Pop., vx. Passer devant la glace. ,,Payer sa consommation, au bistro, où, d'ordinaire, une glace égaie le comptoir`` (Esn. 1966). ♦ Glace sans tain*. C. − P. anal. 1. JOAILL. ,,Petite tache d'un diamant qu'on appelle aussi givrure`` (Ac. 1932), qui réduit sa valeur. 2. ART CULIN. a) CUIS. Fond de cuisson concentré utilisé pour certaines sauces. Glace de gibier, de poisson, de volaille. (Ds Lasnet 1970). b) PÂTISS. Couche brillante et lisse à base de sucre et de blanc d'œuf dont on recouvre certains gâteaux et confiseries. (Ds Ac. Gastr. 1962). Emploi adj. Sucre glace. Sucre en poudre très fin dont on saupoudre certains gâteaux, ou que l'on utilise avec du jus de fruit, ou un colorant pour les recouvrir. Faire un sucre glace au citron, à la framboise (Ds Lar. Lang. fr.). REM. Glacerie, subst. fém.Industrie ou commerce des glaces de verre. Glacerie de Saint-Gobain. Colbert chargea l'ambassadeur de France à Venise, François de Bouzy, de dérober les secrets de fabrication des glaces et de capter des ouvriers, ce qui permit de fonder en 1665, rue Saint-Antoine, à Paris, la première glacerie (C. Duval, Verre,1966, p. 7). Prononc. et Orth. : [glas]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. glass. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « eau congelée » (Eneas, 3994 ds T.-L.); 2. ca 1165 fig. (B. de Ste-Maure, Troie, 17564, ibid. : la resplendor qu'ist de sa face [de Polixène] Li met el cors freidor e glace); 3. 1176 « miroir » (Chr. de Troyes, Cliges, éd. A. Micha, 801); 4. 1669 « sorbet » (Widerhold Fr.-All. ds FEW t. 4, p. 141b); 5. 1680 pâtiss. (Rich.). Du b. lat. glacia (TLL s.v. glacies, 2001, 26; Vään., § 231), class. glacies « glace, glaçon; dureté, rigidité ». Fréq. abs. littér. : 4 349. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 277, b) 6 914; xxes. : a) 7 287, b) 5 900. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 10, 302. - Gir. 1834, p. 48. - Guerlin de Guer (Ch.). Notes de dialectol. pic. et wallonne. R. du Nord. 1934, t. 20, pp. 29-39. - Rog. 1965, p. 65. - Sain. Arg. 1972 [1907], p. 91. - Tournemille (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1955, pp. 338-340; 1965, pp. 83-86. - Uren (O.). Le vocab. du cin. fr. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 210. - Versini (L.). Néol. et tours à la mode dans Angola. In : [Mél. Pintard. (R.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no2, p. 521. |