| GENTILHOMME, subst. masc. A. − HISTOIRE 1. Homme noble de naissance. La nécessité d'être gentilhomme, pour être capitaine de vaisseau, est tout aussi raisonnable que celle d'être secrétaire du roi pour être matelot ou mousse (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 76).Le trisaïeul de son trisaïeul était l'égal, le compagnon, le pair du roi; à ce titre, il [le courtisan] est lui-même d'une classe privilégiée, celle des gentilshommes (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 87) : À côté de la tremblante maison à pans hourdés où l'artisan a déifié son rabot, s'élève l'hôtel d'un gentilhomme où sur le plein cintre de la porte en pierre se voient encore quelques vestiges de ses armes, brisées par les diverses révolutions qui depuis 1789 ont agité le pays.
Balzac, E. Grandet,1834, p. 7. SYNT. Gentilhomme accompli, aimable, bon, digne, pauvre; gentilhomme émigré; gentilhomme campagnard, de province; gentilhomme de haut lignage, de marque, de (haut, bas) parage, de vieille souche; aisance, élégance d'un gentilhomme; titre de gentilhomme; épée de gentilhomme; privilèges de gentilhomme; foi de gentilhomme. ♦ Gentilhomme de nom et d'armes. Noble qui porte le nom d'un lieu (province, ville, bourg...); noble qui justifie de la noblesse de ses aïeuls et aïeules paternels et maternels. Un geôlier, gentilhomme de nom et d'armes (Courier, Pamphlets polit., Aux âmes dév. Véretz, 1821, p. 91). ♦ Vieilli. Gentilhomme à lièvre, gentilhomme de Beauce. Pauvre de petite noblesse. [Proverbe] Gentilhomme de Beauce, Qui reste au lit pour qu'on rhabille ses chausses. Gentilhomme de Beauce, Qui vend ses chiens pour avoir du pain (Martellière, Gloss. Vendômois,1893, p. 145). ♦ Gentilhomme de parchemin (plais.). Roturier. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Vivre en gentilhomme. Vivre sans travailler, sans exercer aucune profession. Synon. vivre noblement. (Dict. xixeet xxes.). 2. Gentilhomme de + déterm. subst. ou gentilhomme + adj. − Noble attaché à la personne du roi, d'un prince, d'un grand. C'est un des gentilshommes de ce prince (Ac.1878).Un gentilhomme du prince, est venu hier me faire part de son désir de s'allier avec moi (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1870). − Titre de certains officiers attachés au service du roi, d'un prince. ♦ Gentilhomme de la chambre. Noble préposé aux offices intérieurs (service et dépenses). Premier, second gentilhomme de la chambre (du roi). Le baron de Cramm prenait le titre de gentilhomme de la chambre (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 54). ♦ Gentilhomme ordinaire (du roi, d'un grand...). Noble qui transmettait les ordres aux corps constitués. Devenu (...) gentilhomme ordinaire du duc de Penthièvre, Florian célébra la bienfaisance inépuisable de cet excellent maître (A. France, Vie littér., t. 1, 1888, p. 191).Il revint à Paris, vendit sa charge de gentilhomme ordinaire (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 248).Voltaire était du monde, de leur monde, il était gentilhomme ordinaire du roi de France (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 111). ♦ Gentilhomme servant. Noble qui sert exclusivement le roi et les princes assis à la même table (d'apr. Littré). ♦ Gentilhomme de la manche. Noble qui accompagnait un prince adolescent (d'apr. Littré). B. − P. anal. Homme qui fait preuve de grandes qualités morales, de distinction dans ses manières, de générosité dans ses sentiments. Synon. gentleman.Faire le gentilhomme; agir en (parfait) gentilhomme. Il [Napoléon] a usé de la victoire [d'Iéna] bien autrement qu'à Vienne où il avait fait le gentilhomme. À Berlin, il a été barbare à l'excès (J. de Maistre, Corresp.,1806-07, p. 239).Représentant du peuple en 1848 (...). Sa hauteur, sa froideur et le sentiment inflexible qu'il avait de l'honneur faisaient de lui une sorte de gentilhomme rouge (A. France, Crainquebille, O. Dupont, 1904, p. 143). − P. plaisant. Gentilhomme-gueux, gentilhomme de la palette. Tu as des dons, comme on dit, de la fantaisie, toutes les qualités nécessaires à faire un parasite (...). Il y a aussi la profession de gentilhomme-clochard, la police et le suicide (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 372).On prétend qu'il arrive à ce gentilhomme du volant de gratter pendant des mois sur les petits verres et le tabac (Arnoux, Paris,1939, p. 249). − Emploi adj. L'Espagne est essentiellement le peuple gentilhomme qui, pendant trois siècles, s'est fait nourrir à ne rien faire par les Indes et les Amériques (Hugo, Alpes et Pyr.,1885, p. 176).P. anal. Comment se nomme (...) ce vin de haut bord, Qu'importe! L'on est d'accord Qu'il est un vin gentilhomme. Et philosophe au surplus (Muselli, Strophes contre-fort.,1931, p. 88). REM. 1. Gentilhomie, subst. fém.Synon. rare de gentilhommerie.Poésie d'arrière-saison qui est notre Vieillard du Galèse et où tient toute cette poésie des racines terriennes, cette gentilhomie (comme on dit prudhomie) de campagne, qui repassera dans Mistral et aussi dans Barrès (Thibaudet, Hist. litt. fr.,1936, p. 130). 2. Gentilhommier, -ière, adj.Je ne rencontrais en rentrant, pour m'occuper, que les parcimonieuses tracasseries du cardinal, les rodomontades gentilhommières de l'évêque de Châlons (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 95). Prononc. et Orth. : [ʒ
ɑ
̃tijɔm], plur. gentilshommes [ʒ
ɑ
̃tizɔm]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 478 : E! gentils hom, cum dolente puis estra!); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 3811 : Vivre l(e) laisez, car mult est gentilz hoem). Composé de gentil2* « noble » et de homme*. Fréq. abs. littér. : 1 728. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 782, b) 4 112; xxes. : a) 1 668, b) 914. Bbg. Barb. Infl. 1923, p. 13. - Cobban (A.). The Vocabulary of social history. Political science quarterly. 1956, t. 71, p. 15. - Herb. 1961, p. 81. - Lew. 1968, p. 100. - Pauli 1921, p. 89. - Reinh. 1963, pp. 178-180. - Venck. 1975, pp. 264-268, 286-289. |