| GENT1, subst. fém. A. − Nation, peuple. La gent qui porte turban (Ac.). La gent tiédie par la paix est sans ardeur pour combattre hors de ses portes (A. France, Clio,1900, p. 129). ♦ Droit des gens. Droit naturel, commun à toutes les nations; droit régissant les rapports entre les États et les nations; droit international public. Si nous n'obtenons pas ce que la raison et le droit des gens nous autorisent à demander, nous agirons en commun (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1850, p. 103) : 1. Un gouvernement a-t-il droit d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre gouvernement? Cette grande question du droit des gens a été résolue en sens opposés. Ceux qui l'ont rattachée au droit naturel (...) ont pensé qu'il est permis de prendre les armes, au nom de la société humaine, contre un peuple qui viole les principes...
Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 184. B. − P. plaisant., toujours au sing. 1. [Désignant un ensemble d'êtres humains, d'animaux] Ensemble des individus possédant des caractères physiques communs. Synon. race, espèce.Au fond [de la voiture], se trouvent étalées comme des fleurs votre jeune femme épanouie, et sa mère (...). Ces deux fleurs de la gent femelle gazouillent et parlent de vous (Balzac, Ptes mis.,1846, p. 24).De génération en génération, et sans doute par voie de sélection, ils [les tarses] ont disparu pour le plus grand bien de la gent scarabée (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 241) : 2. Trop de courage a brillé parmi la gent féminine (...) pour que (...) les femmes dénoncent le contrat qu'elles passèrent avec la beauté.
Colette, Pays. et portr.,1954, p. 95. SYNT. Gent ailée, aquatique, canine, écailleuse, emplumée, féline, ovine, poissonnière; gent à longues oreilles; gent trotte-menu. 2. [Désignant un groupe de pers.] Ensemble d'individus possédant un caractère moral ou intellectuel commun; exerçant une même activité, appartenant à une même classe sociale. Nous étions la gent corvéable, taillable et tuable à volonté; nous ne sommes plus qu'incarcérables (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819-20, p. 11).La gent avocassière Envahit tout, parleuse, active, tracassière (Pommier, Crâneries,1842, p. 8).La gent lettrée et artistique, à part d'honorables exceptions, est peu vertueuse, peu amie du droit, peu exemplaire dans ses mœurs (Proudhon, Pornocratie,1865, p. 229).La gent bouquiniste est la seule qui ne soit ni organisée, ni syndiquée, qui ne donne aucun bal (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 79). SYNT. Gent écriveuse, écrivante, littéraire, militaire, ministérielle, monastique, monacale, parlementaire, policière, soldatesque, versifiante; gent aristocratique, bourgeoise; gent dévote, hypocrite, impie, ingrate, méfiante. ♦ Gent moutonnière. Personnes qui n'ont aucune indépendance d'esprit, d'action, qui calquent leurs actions sur celles des autres. Son abominable affectation devint de plus en plus invisible aux Français, gent moutonnière (Stendhal, Souv. égotisme,1832, p. 98).Dans la gent moutonnière des amateurs, l'un possède l'âme bêlante d'une petite femme qui croit que l'art, ce sont des chapeaux bien choisis (Barrès, Appel soldat,1900, p. 20) : 3. Les beautés les plus réelles n'ont pas été assez distinguées du reste, et là comme ailleurs, on s'est succédé, on s'est copié, on a été la gent moutonnière, on s'en est tenu au célèbre.
Sainte-Beuve, Corresp., t. 3, 1839, p. 100. Prononc. et Orth. : [ʒ
ɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Droit des gens (pour gents, cf. supra A) : plur. archaïque (t disparaît devant s de flexion). Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « nation, peuple » (Roland, éd. J. Bédier, 393, 396); 1668 contre le droit des gens (La Fontaine, Fables, IV, 11); 2. av. 1660 fam. « race, espèce » (Scarron, Virg., VII, ds Littré : Il dit qu'Aeneas et sa gent ne valait pas beaucoup d'argent); 1668 la gent trotte-menu [les souris] (La Fontaine, op. cit., III, 18). V. gens1. Droit des gens est la trad. du lat. class. jur. jus gentium. Bbg. Schmidt (H.). Fr. vivant. Praxis. 1969, t. 16, p. 97. |