| GELÉE, subst. fém. A. − Abaissement de la température au-dessous du degré zéro qui provoque la congélation de l'eau. Fortes gelées; gelée légère; gelées nocturnes, précoces, printanières; les morsures de la gelée; craindre la gelée; tourner à la gelée. Le lendemain, le temps fut superbe, un ciel clair de gelée, une de ces belles journées d'hiver, où la terre dure sonne comme un cristal sous les pieds (Zola, Germinal,1885, p. 1372) : 1. ... l'herbe commença à se montrer, au matin, blanche de givre, et presque de suite les premières gelées sèches vinrent, qui brûlèrent et noircirent les feuilles des plants de pommes de terre. Puis la première pellicule de glace fit son apparition sur un abreuvoir...
Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 108. − Expressions ♦ Gelée blanche. Congélation de la rosée qui se produit avant le lever du soleil par les nuits claires, au printemps et à l'automne. La gelée blanche dont la terre était couverte tous les matins (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 162). ♦ Gelée noire. Les gelées noires sont causées par un refroidissement de l'atmosphère au réveil de la végétation (Brunet, Matér. vinic.,1925, p. 202).B− Suc de substance animale qui a pris, en se refroidissant, une consistance gélatineuse. Gelée d'os; poulet à la gelée; œuf, terrine en gelée; prendre en gelée. Elle [Boule de Suif] en sortit (...) puis une vaste terrine dans laquelle deux poulets entiers, tout découpés, avaient confit sous leur gelée (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 125) : 2. Voilà ce qu'on ne peut obtenir au cabaret, je dis dans les meilleurs : une daube de bœuf où la gelée ne sente pas la colle, et où le bœuf ait pris parfum des carottes, c'est admirable! Permettez-moi d'y revenir, ajouta-t-il en faisant signe qu'il voulait encore de la gelée.
Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 458. 1. P. anal. a) Jus de fruits cuits avec du sucre qui prend, en se refroidissant, la consistance de la gelée de viande. Gelée de fruits, de pommes, de groseilles. Vous mangerez, tout l'hiver, d'une délicieuse gelée de coings qui vous affermira l'estomac et vous rendra le cœur gai (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 203). b) Entremets obtenu en ajoutant une certaine quantité de gélatine à des jus de fruits cuits avec du sucre. Leurs gelées [aux Anglais], crèmes (...), et la plupart de leurs sauces, sont rédhibitoires. Le café est extraordinairement mauvais (Morand, Londres,1933, p. 239). 2. P. ext. Toute substance d'aspect gélatineux. Une sorte de gelée. Par moments, de légers nuages passaient sur elle [la lune], mais ils se coloraient alors de nuances bleues dont la pâleur était profonde comme la gelée d'une méduse ou le cœur d'une opale (Proust, Plais. et jours,1896, p. 194) : 4. Les ouvrières qui restaient encore défirent leurs manchettes de lustrine (...), se rigolant à voir une petite qui somnolait, perdue, vautrée dans des rognures, tripotant avec son petit doigt la gelée d'un baquet de colle.
Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 13. − Expr. Gelée royale. Substance fluide, blanchâtre, sécrétée par les glandes pharyngiennes des abeilles ouvrières-nourrices, qui entre dans l'alimentation des jeunes larves; nourriture exclusive des larves de la reine : 3. On recense, dans notre pays, un million de ruches, qui produisent cent tonnes de miel, plus les produits annexes, comme la gelée royale.
100 idées,1976, no32, p. 34. 3. Spécialement a) BIOL. Substance gélatineuse qui entre dans la composition des tissus vivants. Gelée cardiaque; gelée protoplasmique; gelée de Wharton : 5. La substance des os, abstraction faite de la moelle et des autres corps étrangers dont on ne peut la débarrasser complétement, donne à l'analyse une quantité variable de gelée animale, ou gélatine, dissoluble dans l'eau bouillante.
Cuvier, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 103. b) CHIM. Corps élastique formé par la pénétration d'un liquide dans une masse solide colloïdale. La rétine embrasse le corps vitré qui la soutient; elle ne reçoit l'impression des rayons lumineux, qu'à travers cette gelée transparente (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 191). c) PHARM. Substance gélatineuse sucrée qui entre dans la composition de plusieurs produits ou médicaments. Gelée d'amidon, de colle; gelée de goudron; gelée de vermifuge. d) ZOOL. Gelée de mer, gelée marine. Nom vulgaire d'une méduse de grande taille. D'où vient l'homme? D'une lignée hétéroclite de bêtes aujourd'hui disparues, qui comptaient des gelées marines, des vers rampants, des poissons visqueux, des mammifères velus (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 201). REM. Géline, subst. fém.,rare et vx, chim. Composé albuminoïde qui se rencontre dans certains tissus, notamment dans les os, et qui produit la gélatine par ébullition. La géline, substance analogue à la fibroïne de la soie (Wurtz, Dict. chim., 2esuppl., t. 7, 1908, p. 658). Prononc. et Orth. : [ʒ(ə)le]. Cf. geler. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) ca 1100 « givre, glace » (Roland, éd. J. Bédier, 3319 : blanches [barbes] cume neif sur gelee); b) 2emoitié xiiies. blanche jalee ([Ellebaut], Anticlaudien, 1059 ds DEAF, 435); 1552 gelée blanche (Est. s.v. pruina); 2. a) ca 1393 art culin. gelees de poisson (Ménagier, II, 93 ds T.-L.); 1605 [éd.] gelées ... du coin (O. de Serres, 867 ds Littré); 1825 « entremets » ces gelées succulentes ... ces glaces variées (Brillat-Sav., Physiol. goût, p. 393); b) 1805 « tout corps de consistance gélatineuse » (Cuvier, Anat. comp., t. 2, p. 179); 3. 1775 zool. gelee de mer (Encyclop. t. 11, s.v. orties de mer). Du lat. tardif gelata, part. passé fém. subst. de gelare (v. geler), viiies. ds Die Reichenauer Glossen, éd. H. W. Klein, L. 1146 : Pruina, gelata. Fréq. abs. littér. : 689. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 762, b) 984; xxes. : 1 477, b) 863. |