| GAZE, subst. fém. A. − Tissu très fin et très léger, de coton, de soie ou de lin, à l'aspect presque transparent, dont les fils de trame sont fortement liés à la chaîne. Gaze de Chambéry, d'Italie; gaze légère. Les voluptueux esclaves laissent couler des arômes, les essences qui ravissent, on tend les rideaux de gaze rose, on allonge les sofas où le cœur de l'homme s'amollit et se pâme sous les baisers (Flaub., Souv.,1841, p. 76).Nous vîmes s'avancer tout à coup une personne vêtue d'une tunique traînante en gaze vert d'eau, avec de longs cheveux noirs soigneusement nattés (Loti, Mariage,1882, p. 47) : 1. Ses petits seins et tout son corps se dessinaient sous une tunique d'azur et de cramoisi, dans un gilet d'or, boutonné par de grosses perles, au-dessus d'une ceinture de gaze, et de larges pantalons de soie orange serraient sa cheville où jouait un anneau d'or.
Barrès, Jardin Oronte,1922, p. 35. ♦ En appos. avec valeur d'adj. On donne le nom de tissu gaze à des tissus très légers dans lesquels l'entrelacement des fils par rapport aux duites ne se fait plus d'une façon rectiligne (Araud, Thomas, Fabric. drap,1921, p. 257). ♦ P. méton. Pièce de ce tissu. Les mousselines, les gazes, les guipures d'art, coulaient à flots légers, pendant que des tulles brodés, très riches, et des pièces de soie orientale, lamées d'argent, servaient de fond à cette décoration géante (Zola, Bonh. dames,1883, p. 769). − En partic. Tissu de coton très fin et aéré, généralement stérilisé, dont on se sert pour les pansements. Gaze phéniquée, iodoformée; une bande, une compresse de gaze; gaze à pansements. Antoine déposa sur la table de nuit la boîte de gaze qu'il avait apportée et commença à défaire le pansement (Martin du G., Thib., Consul., 1928, p. 1109).Elle s'enfermait des heures dans le salon d'angle avec le buste à moustaches, des chemises déchirées, de l'ouate hydrophile, de la gaze, des épingles anglaises (Cocteau, Enf. terr.,1929, 1repart., p. 63) : 2. Tarrou fit entrer Rambert dans une très petite salle, entièrement tapissée de placards. Il ouvrit l'un d'eux, tira d'un stérilisateur deux masques de gaze hydrophile, en tendit un à Rambert et l'invita à s'en couvrir.
Camus, Peste,1947, p. 1385. B. − P. anal. 1. Gaze métallique. Treillage fait d'un fil de métal très fin servant à diffuser une flamme (d'apr. Rob.). 2. Littér. Substance ou matière ayant l'aspect de la gaze. Mais, sur Paris, il n'y avait plus qu'une mince fumée, une simple gaze frémissante et près de s'envoler (Zola, Page amour,1878, p. 850).De gros hannetons, ouvrant des ailes de gaze fripée, s'enlevaient soudain d'un vol lourd (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 128) : 3. Il regarda longtemps ce long trou blanc, ce ravin élargi en forme de vaste conque sonore où la voix des vents, l'hiver, s'amplifiait. Au fond, l'eau de l'étang fumait. Et des gazes légères s'accrochaient au feuillage doré des petits saules et des buissons.
Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 10. C. − Au fig., vieilli, littér. Adoucissement dont on se sert pour tempérer un fait, une pensée. Et de là, il part pour faire à l'Altesse une déclaration toute sensuelle, dont les énormités ityphalliques [sic] disparaissent sous la gaze d'une parole si ingénieuse, si originale, si poétique, si cocasse, que les déclarations d'après dîner du poète mériteraient une sténographie (Goncourt, Journal,1872, p. 860) : 4. ... elles n'imaginent plus rien au delà; elles voilent le tout dans la gaze impalpable d'une religion modique, où l'on ne risque pas de se fourvoyer, puisqu'on ne fait qu'obéir, et, dans ce nid peu bruyant, on berce, on empâte, on endort les hommes déjà assoupis et qui ne demandent pas mieux que de l'être davantage.
Gobineau, Pléiades,1874, p. 164. REM. 1. Gazier, -ière, subst.,vieilli. Ouvrier, ouvrière dans la fabrication de la gaze. Au siècle dernier, on nommait les ouvriers spécialement occupés à la fabrication de ce tissu délicat des gaziers ou des gazetiers (Havard t. 2, 1888). 2. Gazillon, subst. masc.Bandeau de gaze très légère. La coiffure, composée du tarbouch rouge entortillé de gazillons, laissait échapper un fouillis de rubans et de tresses de soie (Nerval, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 167). Prononc. et Orth. : [gɑ:z]. Mais [a] ds Dub. et Lar. Lang. fr. Ds Ac. dep. 1694. Homon. gaz. Étymol. et Hist. 1461 (Estimation du mobilier de l'Hôtel de Faye, 26 déc., chartrier de Thouars ds Rev. des soc. sav. des départ., 5esérie, t. 8, 1874, p. 281 : une robbe de gaze pour homme). Orig. incertaine; plutôt empr. à l'ar. qazz « bourre de soie », lui-même empr. au persan (Cor., s.v. gasa; Lok., no1147), qu'issu du nom de la ville de Gaza en Palestine (REW3, no3710) où l'existence ancienne d'une industrie textile n'est pas assurée (v. Cor., loc. cit. et FEW t. 19, p. 53b). L'esp. gasa, l'angl. gauze (v. NED) et l'all. gaze (v. Kluge) sont empr. au fr., mais la manière dont le mot et la chose ont pénétré en Europe n'est pas assurée : cf. lat. médiév. garza à Bologne en 1250 et à Rome en 1361 (v. DEI), et gazzatum à Budapest en 1279 (v. Du Cange). Fréq. abs. littér. : 388. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 568, b) 1 135; xxes. : a) 508, b) 255. Bbg. Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 398; t. 2 1972 [1925], p. 119, 228. |