| GAUSSER, verbe A. − Vieilli 1. Emploi trans. Tourner (quelqu'un) en ridicule, railler. Entendez-les qui nous gaussent (Verlaine, Poèmes divers,1896, p. 848) : 1. Il ne passe personne dans la rue qui ne soit étudié. Aussi, jadis, quand un étranger arrivait dans une ville de province, était-il gaussé de porte en porte.
Balzac, E. Grandet,1834, p. 9. − Emploi trans. indir. Et Charpentier aussitôt de gausser sur la grossesse de MmeDaudet (...) et de rire de l'amusante colère de la pauvre femme (Goncourt, Journal,1885, p. 508). 2. Emploi intrans. Plaisanter. Pierre s'arrête, rit, et en gaussant me dit : − La voilà bonne ton herbe (Courier, Pamphlets pol., Gaz. vill., 1823, p. 187). B. − Emploi pronom., cour. Se moquer ouvertement (de quelqu'un ou de quelque chose). Elle n'était point du tout pieuse alors et se gaussait des curés, voire d'autre chose, avec une liberté extrême (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 311).L'on a trop dit que Molière se gaussait de la médecine. Non point : il rit des médecins et de ce qu'ils avaient fait de la médecine (Gide, Feuillets,1937, p. 1292) : 2. Il ne tarissait pas en grosses plaisanteries sur les femmes qui portent culotte; et il se gaussait de son ami, qui se laissait mettre sous la pantoufle.
Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1304. − Emploi abs. Les servantes se moquaient de lui, se gaussaient, et il sortait ne sachant plus que faire (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 376).Comment ne pas nous gausser? (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 256).V. blague ex. 6. REM. Gausse, subst. fém.,vx et rare. Mensonge, blague (v. ce mot B). Ah! voilà, s'écria le clerc. Pour mystifier les voyageurs, je leur ai raconté un tas de gausses sur l'Égypte, la Grèce et l'Espagne (Balzac, Début vie,1842, p. 407).On m'avait raconté des gausses touchant ma femme, et moi qui suis bête, je les avais crues (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 41). Prononc. et Orth. : [gose], (il se) gausse [go:s]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1561 gosser « plaisanter, railler » (J. Grevin, Les Esbahis, p. 204); 1569 dial. se gaucher « se moquer » (Ronsard, Élégie ds
Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 15, p. 122, 18); 1583 se gausser (R. Garnier, Les Juifves ds
Œuvres, éd. W. Foerster, t. 3, p. 162, 1867). Orig. incertaine, peut-être empr. à l'esp. gozarse « se réjouir » (dep. ca. 1330, J. Ruiz d'apr. Al.; déjà au sens de « jouir de (quelque chose) » dep. 2equart xiiies., Berceo, ibid.; hyp. proposée par Diez5, p. 594 et J. Brüch ds Z. rom. Philol. t. 51, p. 683) qui explique la forme en -ɔ- (supra et ds Hug.) et dont le sens est voisin (cf. N. du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 247 : ils s'esbattroient, deviseroient et gausseroient ensemble); gozarse est dér. de gozo « joie », du lat. gaudium « id. ». Wartburg (FEW t. 4, p. 82b) refuse cet étymon à cause d'un a. fr. gaussetei « moquerie », mais ce mot n'existe pas (v. DEAF s.v.). V. encore FEW t. 22, pp. 72b-73a. Fréq. abs. littér. : 63. DÉR. Gausseur, -euse, subst. et adj.,vieilli. (Personne) qui aime à se moquer, à dire ou à faire des plaisanteries. Elle est naturellement gausseuse (Ac. 1835, 1878). Colleville, toujours gai, rond, bonhomme, diseur de quolibets (...) représentait le bourgeois capable et gausseur, la faculté sans le succès (Balzac, Pts bourgeois,1850, p. 42).La conversation (...) les viandes (...) les alcools avaient produit en nous un effet exactement contraire à la jubilation des deux gausseurs acharnés (Arnoux, Double chance,1958, p. 203).− [gosœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Ds Ac. 1694-1878. − 1resattest. 1553 gozzeur (Le Plessis, Éthiques d'Aristote, fo49 vods Gdf. Compl.), 1584 gausseur (N. du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 206); de gausser, suff. -eur2*. BBG. − Quem. DDL t. 2. -Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 186, 235; t. 2 1972 [1925] p. 119. - Spitzer (L.). Literaturblatt für germ. und rom. Philol. 1921, t. 42, p. 309. |