| GARNIR, verbe trans. A. − Domaine militaire. 1. Qqn garnit qqc.1(de/avec qqc.2).Munir une place, un dispositif de défense d'éléments ou de troupes nécessaires à sa défense, à sa protection. Synon. armer.Garnir un port de vaisseaux. Il fit garnir de canons les remparts (Ac.). J'étais dans le village, près de la barricade (...). On garnit les parapets. Le lieutenant dit : « Ne vous pressez pas, les amis, laissez-les rappliquer. » (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 99).Ces tranchées inaugurent les immenses travaux de fortifications dont le Grand État-Major a décidé de garnir toutes nos frontières (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 179) : 1. ... j'adressai aux armées une note prescrivant d'économiser les troupes en ligne en perfectionnant les organisations défensives, et de constituer des réserves partielles (...). Il semblait qu'on ne pût défendre les tranchées qu'en les garnissant d'hommes coude à coude derrière les parapets...
Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 6. − Emploi pronom. passif. La Corrèze se garnit de maquisards. À Saint-Ferréol, à Terrasson, de vifs engagements, où l'envahisseur perd plusieurs centaines d'hommes (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 278). 2. Qqc.2garnit qqc.1Être placé (en un lieu) pour le défendre, le protéger. Le maréchal avait envoyé chercher un des deux bataillons suisses stationnés dans le Louvre. On lui dépêcha celui des deux bataillons qui garnissait la colonnade (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 604). B. − Munir (une chose) d'éléments accessoires ou annexes : 1. servant à la mettre en état de remplir sa fonction, à la compléter. a) Qqn garnit qqc.1de/avec qqc.2Garnir une maison de meubles, une bibliothèque de livres. Henriette (...) venait de partir, en recommandant bien à Silvine de ne pas se coucher, sans aller garnir de charbon le poêle de Jean (Zola, Débâcle,1892, p. 516).Quand il fut couché, la lampe éteinte, elle se promena longtemps nue, garnit nue son fourneau d'essence. C'était son remède pour éviter les incendies, qu'elle craignait (Giraudoux, Bella,1926, p. 239). − Emploi pronom. ♦ passif. Qqc.1se garnit de qqc.2Cette campagne commence à se garnir de beaux arbres (Ac.). Les soutes des vaisseaux de guerre se garnirent de combustibles et de munitions (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 64). ♦ réfl., fam. vieilli. Qqn se garnit de qqc.2Il se garnit de tout ce qu'il lui faut (Ac.1835, 1878). b) [Sans compl. introd. par de, avec] Garnir un lit, un étui, une valise; un portefeuille bien garni. Pour aujourd'hui, garnissons l'estomac et non la mémoire (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 577).Garnir une épée. ,,Y mettre une garde`` (Ac.). − Spécialement ♦ BÂT. Remplir les interstices des moellons à l'aide de mortier et de pierres. (Dict. xixeet xxes.). ♦ DR. ANC. Garnir la main de la justice. ,,Déposer entre les mains d'un huissier la somme pour laquelle on est poursuivi`` (Lar. 20e). ♦ MAR. Garnir une vergue. ,,La gréer de toutes ses poulies, filières, marche-pieds`` (Gruss 1952). Garnir un cabestan. ,,Mettre les barres en place et tout disposer pour virer`` (Gruss 1952). ♦ SELLERIE, BOURRELLERIE, TAPISSERIE. Garnir un canapé, une chaise, un fauteuil. Mettre en place le capitonnage et le revêtement (d'apr. Chesn. 1857). ♦ TYPOGR. ,,Disposer les blancs d'une forme entre les pages, avant de procéder au serrage`` (Comte-Pern. 1963). − Emploi pronom. ♦ passif. Qqc.1se garnit.Les tribunes commencent à se garnir (Davau-Cohen 1972). Son fuseau tournoyait un instant dans le vide, Puis, brusquement repris, se garnissait rapide (Jammes, Géorgiques, Chant 3, 1911, p. 17). ♦ réfl. indir. J'ai commencé ma journée par me garnir une quenouille bien ronde, bien bombée, bien coquette avec son nœud de ruban (E. de Guérin, Journal,1838, p. 149).Pop. Se garnir l'estomac, la panse, le ventre. Bien manger. Comment faire ce soir pour me garnir la panse? (Verlaine, Prem. vers,1858-66, p. 31). c) Qqc.2garnit qqc.1Remplir, couvrir, occuper. La foule garnissait les gradins. Les cheveux qui garnissent le derrière de la tête (Ac.). L'incendie [de Moscou] (...) garnissait toute l'atmosphère jusqu'à une grande hauteur d'une fumée cuivreuse (Stendhal, Corresp.,1812, p. 389).J'allais voyager avec une dame. Déjà, une moitié d'elle garnissait le compartiment, l'autre moitié, penchée hors de la portière, appartenait encore à la gare de Lausanne (Morand, Ouv. la nuit,1922, p. 13).Les règles du secret furent considérablement renforcées (...). La plus extraordinaire était celle qui classait secrets les principaux ouvrages de référence sur l'uranium qui garnissaient pourtant avant la guerre les bibliothèques de tous les grands laboratoires scientifiques (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 39) : 2. Lorsqu'on a essayé d'évaluer en chiffres la population de ces peuples qui garnissent sur une étendue immense la ceinture boréale des continents, les calculs les plus probables ne sont pas arrivés à un total de 500.000 habitants...
Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 29. 2. servant à protéger ou renforcer. a) Qqn garnit qqc.1de/avec qqc.2Garnir qqc. de bois, de caoutchouc, de métal. Garnir des volets de tôle (Littré). Faire garnir une porte de bourrelets, pour empêcher le vent de pénétrer (Ac.). Une maison que le précédent propriétaire avait garnie de persiennes (Balzac, Pts bourg.,1850, p. 7). − Spécialement ♦ MAR. ,,Garnir un objet de limandes, de bitord ou de fil de caret formant natte, c'est l'entourer de façon à le préserver des frottements ou des chocs`` (Gruss 1952). ♦ TYPOGR. ,,Placer sur la platine ou le cylindre d'une presse typographique, un ensemble d'étoffe et de papiers dans le but d'assouplir la pression`` (Comte-Pern. 1963). − Vieilli. [Sans compl. prép.] ,,Garnir des bas, une chemise, un jupon`` (Ac. 1835, 1878). Les renforcer pour les faire durer plus longtemps. − Emploi pronom., vieilli. Qqn se garnit ♦ Se garnir contre le froid. Se vêtir de façon à se préserver du froid. (Dict. xixeet xxes.). ♦ En partic. [En parlant d'une femme, au moment des règles, des couches] Mettre des tampons hygiéniques, des serviettes périodiques. (Dict. xixeet xxes.). b) Qqc.2garnit qqc.1Le revêtement réfractaire qui garnit l'intérieur d'un four (v. garnissage citat. de Barnerias). 3. servant à orner, embellir. Synon. agrémenter. a) Qqn garnit qqc.1de/avec qqc.2Garnir une robe de dentelles, un chapeau de fleurs. Garnir une chambre de tableaux (Ac. 1835, 1878). [Denise] n'avait pu que rafraîchir sa vieille robe de laine noire, en la garnissant de biais de popeline à petits carreaux (Zola, Bonh. dames,1883, p. 521). − Emploi pronom. passif. Qqc.1se garnit de qqc.2Tunique de velours de même nuance qui forme l'écharpe et se relève d'un seul côté sur l'épaule; elle se garnit d'une frange de fantaisie en soie avec glands et filet (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 796). − [Sans compl. prép.] Garnir une devanture. Elle parlait (...) de sa modiste qui ne garnissait pas assez ses chapeaux sur le derrière, trop sur le devant (Reider, MlleVallantin,1862, p. 62). − Spécialement ♦ ART CULIN. Accompagner, parer (le plat principal) d'une garniture (cf. ce mot B 2). Garnir une choucroute de charcuterie. Garnir de persil une pièce de bœuf (Ac.). ♦ TEXT. Garnir du drap. En tirer le poil pour lui donner un aspect laineux. (Dict. xixeet xxes.). b) Qqc.2garnit qqc.1De charmans feuillages sculptés et dorés sur fond d'azur, garnissent les archivoltes des arcades et le pourtour des angles de la chapelle, et contrastent avec la nudité des autres parties de l'église (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 352).Cette boîte (...) dont la couleur était indéfinissable, grâce au reflet de l'or poli, des saphirs, des rubis et des émeraudes qui garnissaient la boîte (Dumas père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 762). Prononc. et Orth. : [gaʀni:ʀ], (il) garnit [gaʀni]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xes. garnir qqn contre qqc. « avertir, mettre en garde quelqu'un (contre) » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 112); b) agn. ca 1119 soi garnir « se tenir sur ses gardes » (Ph. de Thaon, Comput, éd. Ed. Mall, 2860); 2. ca 1100 guarnir (une tour) « occuper un lieu pour le défendre » (Roland, éd. J. Bédier, 3676); 3. a) ca 1125 garni part. passé et adj. « approvisionné » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 876); b) ca 1165 « pourvu de » (B. de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 25133); c) ca 1260 « orner » (E. Boileau, Métiers, éd. G.-B. Depping, p. 208); d) 1609 chambre garnie « qui se loue meublée » (M. Régnier,
Œuvres complètes, éd. G. Raibaud, Sat. 12, 257). Du germ. *warnjan « prendre garde à quelque chose » que l'on peut restituer d'apr. l'a. h. all. warnôn « avertir, protéger », le m. néerl. waernen « pourvoir, équiper », all. warnen « avertir, prévenir ». Fréq. abs. littér. : 402. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 577, b) 745; xxes. : a) 649, b) 424. Bbg. Baldinger (K.). Le DEAF en tant que dict. diachr... Meta. 1973, t. 18, pp. 80-81. - Duch. Beauté. 1960, p. 93. - Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 131. - Walt. 1885, p. 67. |