| GARER, verbe trans. A. − Vieilli. [Avec un compl. prép. de et plus rarement prép. contre] 1. Mettre à l'abri, préserver de quelque chose. Synon. protéger de; anton. exposer à.Garer sa figure des coups. Elle était sortie de la resserre, s'essuyant les pieds, remontant un peu sa robe, pour la garer des ordures (Zola, Ventre Paris,1873, p. 792) : 1. ... M. Baslèvre sentait une révolte le soulever : de toute son âme, il eût souhaité dissiper l'équivoque et garer Claire d'une exploitation indigne autant que certaine.
Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 187. − Emploi pronom. a) réfl. Se mettre à l'abri, se préserver de quelque chose/contre quelque chose. Synon. se protéger de; anton. s'exposer à.Se garer d'un péril. Le lourd chalut qu'ils traînent les empêche de se garer des vaisseaux (Michelet, Journal,1845, p. 617).Si vous vous brouillez avec le maître, garez-vous du disciple! (Sainte-Beuve, Pensées,1868, p. 70).Je pensais bien plus à me garer contre la douleur qu'à lui demander des souvenirs (Proust, Fugit.,1922, p. 543) : 2. Gérard fit deux fois le tour du jardin (...) se tâtant et cherchant où pouvait se trouver cette fameuse arrière-boutique au fond de laquelle on était libre de se garer du chagrin, comme d'autres se protègent du soleil sous une tente.
Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 220. ♦ Loc. fig., fam. Se garer des voitures. ,,Se mettre à l'abri de tout risque; se retirer et mener une vie paisible`` (Quillet 1965). Être garé des voitures (Lar. Lang. fr., Lexis 1975). b) réfl. indir. La seule difficulté à résoudre était celle-ci : se garer assez bien la face pour qu'elle ne se ravinât point de traînées bleues (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 115). ♦ Au part. passé. Les illusions de l'honnête homme, absolument garé des leçons sceptiques du jeu de la vie (Goncourt, Journal,1857, p. 383). 2. [P. ell. du compl. prép. de] Mettre à l'abri. Synon. protéger, ranger.Garer un dossier. Vous savez, je vous ai attendu, lundi; et comme vous n'êtes pas venu, j'ai garé votre toile; je l'ai accrochée à un clou, dans ma chambre (Zola, Ventre Paris,1873, p. 617).Et, pour garer le casque aux reflets aveuglants, Un épais capuchon de drap rouge à trois glands (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p. 287).Le brigadier, garant derrière sa main la flamme de sa chandelle (...), lançait avec autorité la phrase coutumière (...) − Silence à l'appel! (Courteline, Nouv. Malade,1885, p. 178). − Emploi pronom. réfl. Dégager la voie. Synon. se ranger.Les hommes (...) sur leurs bêtes au galop, débouchaient tout à coup d'un chemin creux (...). Les fantassins se garaient, pestaient, dédoublaient les rangs (Benjamin, Gaspard,1915, p. 25).Marguerite s'était garée contre un gros vieil arbre (Pourrat, Gaspard,1931, p. 117). − Au part. passé. Nous, nous sommes à peu près garés. Je plains les jeunes qui viennent (Renard, Journal,1898, p. 474).Pendant les premiers mois ma terreur a été le superficiel; de ce côté-là je me crois garé (Du Bos, Journal,1921, p. 12). B. − Vx. Garer que + subj.Faire attention à ce que. − Affalez. − Amenez vivement des deux bouts. − Ensemble. − Garez qu'elle ne pique. − Il y a trop de frottement (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 208). C. − [Souvent avec un compl. locatif] Mettre (un véhicule) à l'abri, dans un lieu de stationnement. Une voiture facile à garer. Garer un bateau (Ac.). Garer un convoi (Ac. 1932). Je compte huit mètres au carré pour la grange, (...) parce que, par exemple, on doit pouvoir y garer à la hâte, y reculer de front deux chars de foin ou de grain, un jour d'orage (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 149).Nous garâmes les voitures au pied de l'escarpement (Gracq, Beau tén.,1945, p. 74) : 3. − À propos, dit Van Bergen, si je pensais à ma voiture? Où pourrai-je la garer pour la nuit?
− Au village, mon oncle. Vous trouverez près de la place, derrière l'église, un atelier de mécanicien.
− Il a de la place?
− Il gare les autocars d'ouvriers, la nuit.
Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 15. − Au part. passé. Sa voiture est mal garée. Le train du maréchal et celui qui a pris les plénipotentiaires allemands à Tergnier étaient garés sur des épis d'artillerie lourde à grande puissance (Foch, Mém., t. 2, 1929, p. 291).Augustin voit la voiture neuve du médecin. Elle est belle. Elle est garée un peu plus loin, dans un renfoncement du trottoir (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 217). − Emploi pronom. ♦ réfl., p. méton. Garer son véhicule. Je me suis garé en haut de la rue (Dub.). En quelques coups d'aviron, Dominique s'est garé. Il était temps : le chaland le frôle de si près, qu'on entend la perche de l'échiquier, éraflant son bordage (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 295). ♦ passif. Cette voiture se gare bien. L'auto s'est garée dans la remise de l'hôtel où nous avons laissé nos sacs (Gide, Journal,1909, p. 283). Prononc. et Orth. : [gaʀe] ou [gɑ
ʀe], (il) gare [ga:ʀ], [gɑ:ʀ]. [ɑ] ds DG, Barbeau-Rodhe 1930; [a] ds Passy 1914, Dub., Pt Rob. et Lar. Lang. fr. [ɑ] ou [a] ds Warn. 1968. Le maintien de [ɑ] s'explique p. anal. avec gare1et avec la forme conjuguée dans laquelle la syll. est sous l'accent. Ds Ac. 1694 et 1762-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1180 varer a (qqn) « se défendre contre quelqu'un » (Le roman d'Aquin, éd. J. Des Longrais, 2271), hapax, v. discussion ds DEAF, col. 251; b) 1635 se varer a un danger « lutter, se défendre contre » (Monet); 2. 1415 guerrer « amarrer un navire » ici p. méton. son contenu (Ordonnances des Rois de France de la 3erace, t. 10, p. 264); 3. a) 1564 garrer « faire entrer, mettre à l'abri un bateau dans une gare ou un port » (Thierry); b) 1723 se garer « se ranger de côté pour laisser passer un autre bateau » (Savary); c) 1865 garer « mettre un véhicule à l'écart de la circulation » (Littré). Mot du vocab. mar., qui semble n'avoir pénétré à l'intérieur des terres qu'au cours du xves. en raison de son caractère techn. De l'a. nord. *varask « être sur ses gardes » qui est à rattacher au germ. *warôn « faire attention, protéger », v. égarer. Fréq. abs. littér. : 159. Bbg. Walt. 1885, p. 97. |