| GANACHE, subst. fém. I. A. − Partie latérale et postérieure de la mâchoire inférieure du cheval. Savoy [la jument], engagée entre deux chevaux dételés, dont l'un se cabrait, en secouant (...) le palefrenier bossu suspendu à sa ganache (Toulet, J. fille verte,1918, p. 105).Dans les agglomérations de chevaux, il faut au moins une fois par mois passer ce que l'on appelait autrefois la revue des ganaches (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 219). ♦ Ce cheval est chargé de ganache, il a la ganache lourde, pesante. ,,Il a l'os de la mâchoire inférieure fort gros et garni de beaucoup de chair`` (Ac.). 1. P. ext. a) ENTOMOL. Partie proéminente de la lèvre inférieure d'un insecte. Synon. menton (cour.).Ils [les carnassiers de l'ordre des coléoptères] ne diffèrent guère, entre eux, que par les figures de leur ganache et de leur langue, plus ou moins lobées (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 317). b) Pop. Mâchoire de l'homme. Ni leur ganache britannique Ni l'aubergine de leur pif..., Rien n'a pu me les faire aimer [les Anglais de Paris] (Pommier, Paris,1866, p. 292).Et l'œil désossé! Et le tremblement dans la ganache! Un petit genre Chaliapine, quoi!... (Colette, Vagab.,1910, p. 152).Cf. banque ex. 4. 2. P. anal., MOBILIER. Fauteuil capitonné, sans bois apparent, très en vogue au dix-neuvième siècle. Dans la bibliothèque (...) on mit un grand bureau double (...) avec chacun notre lampe et notre fauteuil Voltaire, (...) puis, au coin de la cheminée, deux ganaches (Barrès, Homme libre,1889, p. 30).Comme meubles, des ganaches, des chauffeuses, des divans recouverts de tapis d'Orient (Goncourt, Journal,1894, p. 682). − En appos. Fauteuil ganache. Un bon fauteuil ganache à côté d'une chauffeuse (Balzac, Cous. Bette,1847, p. 385).Là, le major Carden, à demi-couché dans un voluptueux fauteuil ganache (Ponson du terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 85). B. − Au fig., fam., péj. 1. Personne incapable et bornée. Synon. imbécile.Tu devrais consulter quelqu'un d'intelligent. Les ganaches qui te soignent (...) ne peuvent que te donner de mauvais conseils (Flaub., Corresp.,1853, p. 392).Ses notes écrites [d'un officier allemand] concernant la discipline faisaient notre joie, et il n'est pas douteux qu'en fin de compte cette ganache ne nous ait rendu la vie plus légère, (...) car le rire délivre et venge (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 110) : ... je crois qu'il n'y a que la République pour nous sauver, mais une République où on aurait mis Gambetta pour la couleur et où l'on aurait appelé les vraies et rares capacités du pays, et non une République composée exclusivement (...) de toutes les ganaches, vieilles et jeunes, de l'extrême-gauche.
Goncourt, Journal,1870, p. 592. − Emploi adj. Au billard (...) s'il laisse un coup facile, (...) faut-il être ganache pour laisser des coups pareils (Poulot, Sublime,1872, p. 126).Sous mon air timide et ganache j'ai une violence au fond de moi (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 92). 2. En partic. Vieillard décrépit et radoteur. Vieille ganache. Synon. (vieille) baderne, (vieux) gâteux.Un tas de vieilles ganaches en gilet de flanelle (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 165).Ce vieillard n'est plus qu'une ganache (Péguy, Argent,1913, p. 1283).V. amoindri ex. 7, bajoue ex. 4. − THÉÂTRE. (Rôle du) barbon crédule. Il est curieux aussi que, dans Les Mariés de la Tour Eiffel, un public de répétition générale se soit scandalisé d'un type de ganache classique, placé dans le cortège de la noce au même titre que les lieux communs dans le texte (Cocteau, Les Mariés de la Tour Eiffel,1924, I, p. 44). 3. P. plaisant. Ta, votre vieille ganache; cette vieille ganache de (+ nom propre de la pers. ainsi désignée). Formule familière par laquelle, dans une conversation ou une lettre, une personne se désigne à un ami. Votre vieille ganache romantique et libérale vous embrasse tendrement (Flaub., Corresp.,1873, p. 8). Rem. On rencontre chez Flaubert, les subst. masc. ganachard et ganachon, employés comme synon. dans des formules analogues. Ton vieux ganachon, ta vieille momie, ton vieux bonhomme en baudruche, (...) ton oncle qui t'aime (Corresp., 1866, p. 237). Amuse-toi bien dans la nouvelle Athènes. Ton vieux ganachard (ibid.). II. − ART CULIN. A. − Crème, à base de chocolat fondu et de crème fraîche, entrant dans la préparation de certaines pâtisseries ou confiseries. Imbibez de sirop chaque tranche de biscuit, tartinez-les de ganache, entassez-les l'une sur l'autre, puis tartinez tout le gâteau de ganache (Elle,30 nov. 1971). − [En constr. appos. avec valeur adj.] Crème ganache. Avec un couteau à bout rond, faites pénétrer à chaque extrémité des croquantes la valeur de 2 grosses noisettes de crème ganache (Les Recettes de Marie-Louise Cardillot, Paris, Flammarion, 1975, p. 799). B. − Région. (lyonnais). Alcool à base d'eau de noix et d'arquebuse. L'eau de noix et l'arquebuse, dont le mariage donne la ganache, ce stomachique Lyonnais, ce réducteur des tripes lourdes à digérer (Arnoux, Rhône,1944, p. 108). REM. 1. Ganacherie, subst. fém.,rare. [correspond à I B 1] Caractère, attitude d'une ganache. Synon. imbécillité, incapacité, stupidité.Le talent de l'homme de lettres est autant fait de verve naturelle que de ganacherie routinière (Courteline, Vie mén., Hache, 1892, p. 208). 2. Ganachisme, subst. masc.,rare. Synon. du précédent.Quelle imprévoyance, quel ganachisme! La société se meurt du suffrage universel (Goncourt, Journal,1871, p. 827). Prononc. et Orth. : [ganaʃ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1642 ganaches « mâchoire inférieure du cheval » (Oudin); av. 1661 p. ext. pop. ganache « bouche de l'homme » (Saint-Amant, Les nobles triolets ds
Œuvres, éd. Ch.-L. Livet, t. 1, p. 455); 2. 1690 (cheval) chargé de ganaches « qui a la mâchoire grosse et charnue » (Fur.); id. (homme) chargé de ganaches « qui a l'esprit lourd » (ibid.); d'où 1740 ganache « personne peu intelligente et incapable » (Ac.); av. 1815 spéc. vieille ganache « vieillard incapable et stupide » (ds Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t. 2, p. 258); 3. 1837 ganache « fauteuil capitonné » (J. Lecomte, Les Lettres de Van Engelgom, p. 100 ds Quem. DDL t. 15). Empr. à l'ital.ganascia, attesté au sens « mâchoire des animaux » dep. début xvies. (Michelangelo Buonarroti ds Batt.), d'abord « mâchoire de l'homme » (dep. xiiies., ibid.), du b. lat. d'Italie ganathos (xes. ds CGL t. 3, p. 564), altération du gr. γ
ν
α
́
θ
ο
ς « mâchoire ». Le sens 3 s'explique par le fait que ce fauteuil était souvent réservé aux personnes âgées. Fréq. abs. littér. : 93. Bbg. Hope 1971, p. 287. - Mat. Louis-Philippe 1951, p. 75, 76; pp. 235-236. - Quem. DDL t. 7, 15. |