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GAILLARD1, -ARDE, adj. et subst.
I. − Adjectif
A. −
1. [En parlant d'une pers., de son corps] Plein de vigueur, de force et de santé. Synon. vigoureux; anton. faible.Il se porte bien maintenant, il est gaillard (Ac.). Se sentir gaillard; gaillard et dispos. Droite et gaillarde dans sa robe de chambre claire, Diane donnait en effet l'impression de la santé et de la vigueur (L. Daudet, Médée,1935, p. 38).− J'ai encore l'usage de mes jambes, protesta M. Ouine. Je les sens même assez gaillardes. Il pivota lourdement sur les talons, puis gagna la fenêtre en sautillant (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1553).À huit ans, je n'étais plus gaillarde comme dans ma première enfance mais malingre et timorée (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 63).
P. anal. [En parlant d'un inanimé] Plein de force et de vigueur. Ce doit être un grand vin, pour que son explosion puisse prêter à confusion avec la déflagration d'une détonation. Il a l'air gaillard! Je comprends qu'il est gaillard! Dites, vous n'en boirez pas souvent comme celui-là (Pagnol, Marius,1931, 11, 2, p. 105).Ça sera bien beau sur la neige sous le soleil clair et gaillard (Claudel, Annonce,1948, 111, 1, p. 183) :
1. Si les cénacles parnassiens, naturalistes et symbolistes ont eu leur ridicule, ils ont porté leurs fruits, des fruits d'abord cultivés en serre chaude, et qu'aujourd'hui l'on retrouve acclimatés et gaillards, jusque sur les poiriers du chemin. Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 106.
2. [En parlant d'un comportement, d'une attitude] Empreint de vigueur, de fermeté et de décision. Synon. ferme, décidé, alerte.Allure gaillarde. M. de La Seiglière (...) avança d'un pas plus assuré, et prit bientôt un trot tout gaillard (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 245).Là, solitaire et les mains dans ses poches, il se permettait d'abandonner l'air gaillard et sûr de soi, uniforme du boulevard (Barrès, Barbares,1888, p. 258).
Emploi adv., rare, fam. Avec force et vigueur. Synon. gaillardement.Ils jouent gonflé, cambré, musclé, ils jouent costaud les Écossais (...). Ils jouent marrant la cornemuse, ils jouent gaillard, ils jouent poilu comme des molletons (Céline, Mort à crédit,1936, p. 312).
Exagéré et pervers dans sa sévérité :
2. ... deux jeunes garçons sont morts à Rouen, dans la maison pénitentiaire, par suite d'une punition assez gaillarde qui consistait à les faire tenir debout plusieurs jours de suite dans une boîte à horloge... Flaub., Corresp.,1842, p. 103.
B. −
1. Vieilli. Plein d'entrain et de gaîté. Synon. gai, enjoué.Il est toujours gaillard; une humeur gaillarde (Ac.). Robinson! Robinson! appelai-je, gaillard, comme pour lui annoncer une bonne nouvelle (Céline, Voyage,1932, p. 215).
2. Qui est d'une gaîté libre, provoquée par l'évocation de choses relatives au sexe. Rire gaillard; chanson gaillarde; propos, contes gaillards. Une série de planches gaillardes qui sont de purs chefs-d'œuvre d'invention obscène (Huysmans, Art mod.,1883, p. 226).Ce bain brûlant qui le rendait, disait-il, plus gaillard qu'un nouveau marié (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 118) :
3. − « C'est-il pour attirer les cabots ou bien pour régaler les moustiques que tu nous montres comme ça tes guiboles? » (...) − « Qu'est-ce que ça peut vous faire, à vous? » − « Sacré mauvaise langue », dit Joigneau, gaillard. « Je suis sûr que tu n'as même pas de culotte... tu mériterais une bonne tringlée sur tes fesses de petite garce! » Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1055.
[Avec un compl. introduit par à] Le teint framboisé, [le second sculpteur] (...) trousseur de filles, gaillard au badinage et au pince-fesses, rouscailleur en diable (Arnoux, Juif Errant,1931, p. 137).
II. − Substantif
A. − Subst. masc. ou fém.
1. Personne de solide constitution physique qui est pleine de vigueur et d'allant. Synon. costaud.Un grand, solide, rude gaillard; être taillé comme un gaillard. Sa femme, une gaillarde haute et carrée dont le ventre était vaste et rond comme une futaille, les mains larges comme des battoirs (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Bête à Maît'Belh., 1885, p. 195).Ce curé était un gaillard carré, ramassé, plutôt bas sur jambes et roux comme le chien de saint Roch (Pourrat, Gaspard,1922, p. 144).Mais la jeune bonne ne s'occupait pas de moi pour bavarder avec son amoureux, un beau gaillard, haut perché, le torse nu (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 189).
2. Au masc. Homme qui profite à l'excès des plaisirs de la vie, en particulier dans le domaine sexuel. Un sacré, un chaud gaillard. Je pense qu'avec un gaillard comme Pierre à ses côtés, elle ne doit pas fermer l'œil de la nuit (Sartre, Mur,1939, p. 40) :
4. Car, tu sais, le président, malgré son air glacé, on en chuchote de raides sur son compte. Il paraît que, du vivant de sa femme, toutes les bonnes y passaient. Enfin, un gaillard qui, aujourd'hui encore, vous trousse une femme... Zola, Bête hum.,1890, p. 15.
Vieilli, au fém. Femme libre, légère, hardie. Mais vous voyez bien, madame, que vous n'êtes pas une gaillarde... vous voyez bien que vous êtes une femme du meilleur monde (Meilhac, Halévy, Vie paris.,1867, IV, 10, p. 101).
B. − Subst. masc., fam. [Pour qualifier (favorablement ou défavorablement) un homme (ou un enfant) auquel on attribue les qualités du gaillard aux sens supra A] Attention, gare à toi mon gaillard; quel gaillard. Maxime les a blousés tous les deux [Canalis et Giraud], dit Léon à son cousin. Ce gaillard-là se trouve dans les intrigues de la Chambre comme un poisson dans l'eau (Balzac, Comédiens,1846, p. 357).Ah! mon gaillard, vous insultez Fontan, reprit Mignon, poussant la farce. En garde! une, deux, et v'lan dans la poitrine! (Zola, Nana,1880, p. 1199).Et se sentant un peu essoufflé en reconduisant M. de Norpois, [il] pensa : « Sapristi, ces gaillards-là me laisseront crever avant de me faire entrer [à l'Institut] » (Proust, Guermantes 1,1920, p. 261).
Prononc. et Orth. : [gaja:ʀ], fém. [-aʀd]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 « vigoureux, qui respire la force » (Roland, éd. J. Bédier, 2895 : Cors a gaillard); ca 1130 « vaillant, valeureux » (Gormont, éd. A. Bayot, 557 : Miles le Gailart); 1266 « réjoui, plein d'entrain » (Vers de la Mort, 55, 11 ds T.-L.); 1remoitié xvies. « un peu trop libre » (B. Des Périers, Contes, I ds Littré : quelques passages trop gaillards). Dér. en -art, -ard* de *galia, formé de la racine celt. *gal- « force » (cf. irl. gal « bravoure », Dottin, p. 258; Pokorny, p. 351) et du suff. -ia, lui-même soit d'orig. gaul., soit ajouté en gallo-rom. Le maintien du g- peut s'expliquer par suppression dissimilatrice de la palatalisation au stade *gyalya; une infl. suppl. de gai* (EWFS2) n'est pas à écarter du point de vue sémantique. Cf. DEAF, col. 47.