| FÉCOND, ONDE, adj. A.− [Sans prép.; le plus souvent postposé ou en fonction d'attribut] Capable de donner naissance à. 1.− Domaine physiol. a) [En parlant de la femme] Capable de procréer; capable d'avoir beaucoup d'enfants. Synon. prolifique; anton. stérile.La toute féconde Isis (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 315).Ce ventre de femme féconde, où la grossesse ne s'indiquait pas encore (Zola, Dr Pascal,1893, p. 324): 1. ... pour que la vie produise quelque chose d'égal à elle-même, il faut qu'elle produise la vie; pour que l'être vivant produise quelque chose d'égal à lui-même, il faut qu'il produise son semblable, ou, en d'autres termes, qu'il soit fécond.
Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 41. − P. méton. Amour, ventre fécond. Après les ravages causés par la fameuse peste de Marseille, en 1720, les mariages furent en Provence plus féconds qu'auparavant (Say, Écon. pol.,1832, p. 425).Les joues des nourrissons, telles des pommes rondes, Demeuraient suspendues à des gorges fécondes (Jammes, Géorgiques,1912, p. 28). − Au fig. Être juif et français, que cette alliance pourrait être féconde! (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 160). b) [En parlant d'un animal] Qui est capable de produire ou qui produit beaucoup de petits. Oh! nous sommes riches en canards, répondit le naturaliste. Ce genre est d'ailleurs, comme vous le savez sans doute, le plus fécond de l'ordre des palmipèdes (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 230).L'amour les [les vaches andalouses] tente plus que la lutte. Un trait d'ailleurs les classe : elles sont fécondes. La bête de grande marque est stérile (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 18): 2. ... jamais l'union ne s'opère dans la ruche, et l'on n'a jamais réussi à rendre féconde une reine captive. Les amants qui l'entourent ignorent ce qu'elle est, tant qu'elle demeure au milieu d'eux.
Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 211. ♦
Œuf fécond. ,,Dont le germe a été fécondé`` (Ac. 1835-1932). c) [En parlant d'un végétal] Qui a la faculté de produire beaucoup. Plante féconde. Il [l'arbre] semblait bon, robuste, puissant, fécond (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1404): 3. Ils [les ceps américains] poussaient des fleurs exquisement parfumées. Ils chargeaient l'air d'une odeur de cannelle et de miel, à goût de fruit, que la bouche respirait à l'égal de la narine. Mais, chose curieuse, ils n'étaient que peu féconds, et les rares fruits qu'ils portaient (...) n'arrivaient que difficilement à maturité.
Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 76. ♦ Fleur féconde. ,,Fleur qui donne du fruit`` (Ac. 1878-1932). 2.− P. anal. [En parlant de la terre] Capable de produire en abondance. (Quasi-)synon. fertile, riche.La terre, sur ce plateau, était prodigieusement féconde, et l'on pouvait espérer que les récoltes y seraient abondantes (Verne, Île myst.,1874, p. 289).Il faisait chaud; c'était une molle chaleur parfumée de terre grasse, humide et féconde : on croyait respirer des germes (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Épingle, 1885, p. 1022): 4. ... le delta [du Nil], qui est une terre bénie, qui autrefois a nourri l'empire romain, aurait eu au moins deux récoltes par an et serait devenu le sol le plus fécond de l'univers.
Du Camp, Nil,1854, p. 27. − Spéc. Une mine, une source féconde. ♦ Au fig. C'est le papisme qui est la source féconde des vices et du malheur qui suivent nos mariages actuels (Stendhal, Amour,1822, p. 51). − P. méton. [En parlant d'une réalité naturelle] Qui rend fécond ou augmente la fécondité du sol. Une pluie, une rosée féconde; un fumier, un soleil fécond. Le concours de l'« humidité » est la condition essentielle qui rend la chaleur si féconde et si nécessaire à la vie (Lamarck, Philos. zool.,t. 2, 1809, p. 62).La terre végétale n'est qu'une matrice qui pompe sans cesse les rayons du soleil, l'air vivifiant de l'atmosphère et l'eau féconde des pluies (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 237).L'été fécond qui doit mûrir la gerbe (Lamart., Chute,1838, p. 828). 3.− Au fig., dans le domaine intellectuel ou moral. a) [En parlant d'une pers.] Capable de générer de nombreuses productions, une œuvre abondante. Un écrivain, un inventeur fécond. Synon. abondant, inépuisable.Il a fallu au plus fécond de nos romancier, à Balzac, un fumier plus haut que cette maison pour qu'il y poussât quelques fleurs maladives et rares (Sainte-Beuve, Poisons,1869, p. 110). − P. méton. Pour les esprits féconds, il n'est pas de sujets stériles (Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 289).J'ai la plume féconde et la bouche stérile (Brasillach, Corneille,1938, p. 358). b) [En parlant d'une manifestation intellectuelle, morale ou spirituelle] Capable d'ouvrir un vaste champ à la réflexion, à la connaissance. Une idée, une imagination, une parole, une pensée féconde. Synon. riche.Il traversait une crise intellectuelle, qui devait être féconde : − toute sa vie future y était déjà en germe (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 367).Il faudrait, à ce degré de la pensée, restaurer l'équilibre sensible. Rendre la vérité féconde et créatrice d'actes (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 243).Je pensais être sur la voie d'une invention féconde, avoir trouvé une « manière » inédite (Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. lxi): 5. ... dans la IIIeRépublique, il y avait d'abord la république, c'est-à-dire ces principes puissants, généreux et féconds qui s'appellent : la liberté, la justice, la souveraineté du peuple...
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 600. c) [En parlant d'une durée plus ou moins longue dans le temps] Enrichissant. Ce treizième siècle, si fécond pour la foi, ne fut pas non plus stérile pour la science (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. lxii). B.− Fécond en + subst. plur.Riche en, qui abonde en. 1.− [Correspond à A 1; le subst. désigne un ensemble de pers.] Enfin nous arrivons à Tarbes. Cette riante capitale du comté de Bigorre, si fécond de temps immémorial en hommes forts et généreux (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 43).Y a-t-il au monde une classe qui soit plus féconde en maris trompés que celle des notaires? (Soulié, Mém. diable,t. 2, 1837, p. 59). 2.− [Correspond à A 2; le subst. désigne un inanimé concr.] Au milieu de cette province plate et féconde en blés [la Beauce] (Vigny, Journ. poète,1847, p. 1258). 3.− [Correspond à A 3; le subst. désigne un inanimé abstr.] La révolution peut être bonne, utile, féconde en résultats heureux et moraux pour l'humanité et la religion véritable (Lamart., Corresp.,1831, p. 112).Le système prohibitif est fécond en injustices (Say, Écon. pol.,1832, p. 178).Notre Europe, si féconde en inventions de tous genres (Loti, Mariage,1882, p. 89).Cette idée, féconde en rebondissements (Camus, Sisyphe,1942, p. 151). Prononc. et Orth. : [fekɔ
̃], fém. [-ɔ
̃:d]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Fin xiies. « qui peut produire en abondance (d'un inanimé) » (Thomas de Kent, Roman de toute chevalerie, éd. Br. Foster, 36 : Europe est la tierce, de toz biens est feconde); 1690 « id. » (d'une pers.) (Fur.); 1690 un esprit fecond (ibid.). Empr. au lat. class. fēcundus « fécond, fertile, abondant ». Fréq. abs. littér. : 1 586. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 632, b) 2 127; xxes. : a) 1 830, b) 1 403. |