| FUSAIN, subst. masc. A.− Arbrisseau ornemental, originaire du Japon, à feuilles sombres et luisantes et à fruits rouges carrés (dit aussi bonnet* de prêtre, bonnet* carré). Allées, buissons, haies, massifs de fusains; tailler des fusains. Tout un coin d'ordures embarrassé de vieux seaux et de terrines fendues, où verdissait dans une marmite un maigre fusain (Zola, Nana,1880, p. 1262).Le parfum des buis et des fusains mouillés monta du jardin (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 357). B.− P. méton. Bois carbonisé et friable d'une espèce de fusain, utilisé pour dessiner. Morceau, crayon de fusain; croquis, dessin, esquisse, étude, portrait au fusain. Un trait de sanguine ou de fusain a fixé des mouvements de tendresse (Goncourt, Journal,1892, p. 259).Tout le long du jour elle a les poches et la bouche pleines de bois de crayons, de gomme noire et infecte, de fusain et de papier buvard rose (Colette, Cl. école,1900, p. 32): 1. ... je suis tout heureux et très fier de ce que vous voulez bien penser des choses que j'appelle mes dessins à la plume. J'ai fini par y mêler du crayon, du fusain, de la sépia, du charbon, de la suie et toutes sortes de mixtures bizarres qui arrivent à rendre à peu près ce que j'ai dans l'œil et surtout dans l'esprit.
Hugo, Corresp.,1860, p. 334. − P. appos. Crayon fusain. 1. P. méton. Dessin au fusain. Chacun avait apporté quelque cadeau : (...) Burrieu une aquarelle, Sombaz sa propre caricature, et Pellerin un fusain (Flaub., Éduc. sent.,t. 1, 1869, p. 104).Carrière a vu ces toiles-là, et les grandes sanguines (...) et les profonds fusains où les formes enfantines et maternelles se pénètrent (Faure, Hist. art,1921, p. 222).Mmede Fontanin exposait jadis les premiers fusains de son fils (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 363). − P. méton., domaine de l'expression artistique.Manière de dessiner, de peindre; p. anal. manière d'écrire. Il ne faut pas se laisser charmer par Marie Laurencin tant que ce ne sera que du fusain, de la littérature et pas de peinture (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1909, p. 99): 2. Nous [parlons] (...) de nos amis et de nos pères en littérature. (...) nous allons au prince De Ligne, léger, si vif, si français : « C'est un dessin au fusain rosé », dit Saint-Victor. Et de reconnaître avec moi, que ce style du prince De Ligne est (...) l'élégance même de l'homme au bout de sa plume.
Goncourt, Journal,1858, p. 532. 2. P. anal., GÉOL. L'un des constituants du charbon présentant un aspect mat et poussiéreux. Cette substance (...) appelée fusain (...) n'est (...) que du charbon de bois (...) elle provient soit de fougères arborescentes, soit de sigillaires et de cordaïtes (Haton de La Goupillière, Exploitation mines,1905, p. 1307). REM. 1. Fusinage, subst. masc.Dessin, esquisse au fusain. Nous avons vu un Japonais, debout devant une table, sans l'aide d'un fusinage, d'un crayonnage, attaquer du premier coup (...) avec un pinceau (E. de Goncourt, Mais. artiste,1881, p. 355).P. métaph. Le vague fusinage de notre roman (Goncourt, Journal,1862ds Fuch, Lex. Journal Goncourt, 1912). 2. Fusiner, verbe trans.Dessiner, esquisser au fusain. Hébert fait le portrait de la princesse, que nous lui avions vu fusiner avant de partir (Goncourt, Journal,1867, p. 374).Il [Anatole] montra une tête à grand chapeau fusinée sur le mur (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 283).P. compar. ou p. métaph. Le chef d'orchestre (...) paraît, de son bâton brandi, fusiner à grands traits les contours de la féérie sonore (Mauclair, Relig. mus.,1928, p. 3). Prononc. et Orth. : [fyzε
̃]. Ds Ac. 1762-1932. Var. fusin ds Fér. 1768; cf. aussi Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 163 et Zola, T. Raquin, 1867, p. 171. Étymol. et Hist. 1. 1180-90 bot. (Al. de Paris, Alexandre, branche II, 30, vers 613, éd. Elliot Monographs, t. 2, p. 87); 2. a) 1704 arts graph. « charbon fait avec le fusain, dont on se sert pour dessiner » (Trév.); b) 1853 « dessin fait au fusain » (Delacroix, Journal, p. 131). D'un b. lat. *fusago, fusaginis « id. », dér. de fusus (fuseau*) l'arbre étant ainsi nommé parce que son bois dur sert à faire des fuseaux. Lat. médiév. fusenus (av. 1150 ds Latham). Fréq. abs. littér. : 102. DÉR. Fusainiste ou fusiniste, subst. masc.Artiste qui dessine au fusain. Au fond, le vrai talent de Millet, c'est d'être un fusiniste, un dessinateur au crayon noir avec des rehauts de pastel, le dessinateur styliste de LA BATTEUSE DE BEURRE et d'autres dessins (Goncourt, Journal,1889, p. 985).Fusainniste, c'est fusainiste, lequel tend à fuséniste, lequel était destiné à devenir fusiniste (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 128).− [fyzεnist], [-ze-]. Var. fusiniste [fyzinist] ds Littré, Pt Rob., Lar. Lang. fr. − 1reattest. 1877, 28 févr. (Bergerat ds J. officiel, p. 6198 a ds Littré Suppl.); de fusain, suff. -iste*. |