| * Dans l'article "FUITE,, subst. fém." FUITE, subst. fém. A.− Action de fuir quelqu'un ou quelque chose. 1. Déplacement d'une personne ou d'un animal qui fuit pour échapper à quelqu'un ou à quelque chose. Fuite devant l'ennemi. Leur poursuite enragée et ma fuite éperdue (Hugo, Ruy Blas,1838, IV, 2, p. 415).Il n'y a point d'autre façon au monde d'expliquer la fuite de l'assassin de la chambre jaune! (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 65).:
1. Il n'avait pas eu le temps, dans sa fuite précipitée, de ramasser son poignard que Baccarat l'avait forcé de jeter au milieu du salon...
Ponson du Terr., Rocambole,t. 3, 1859, p. 216. − Être en fuite. Être en train de fuir, se tenir à l'écart d'une menace et particulièrement de ce qui peut nuire à sa liberté. C'était toute une épouvante qui le faisait galoper, en fuite du château (Zola, Terre,1887, p. 398). ♦ P. méton. Assez à temps pour voir la robe blanche en fuite par la lande (Pourrat, Gaspard,1930, p. 245). − Mettre en fuite. Obliger quelqu'un ou un animal à s'en aller, le faire fuir. Des nuées de poissons (...) mis soudain en fuite par le bond d'une perche tigrée (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 172). Rem. DG note l'expr. synon. tourner en fuite en soulignant son archaïsme. − Prendre la fuite. Se sauver, s'enfuir. Fabrice prit la fuite en courant à toutes jambes (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 160). − DR. Délit de fuite. Délit dont se rend coupable celui qui, se sachant responsable d'un accident de la circulation, refuse de s'arrêter pour échapper à des poursuites éventuelles. La privation du droit de vote ne s'applique pas aux individus condamnés pour des délits d'imprudence (sauf délit de fuite concomitant) (Vedel, Dr constit.,1949, p. 343). − Spéc., arg. scol. Fin de l'année scolaire. Vive la fuite (Car.Argot1977). 2. Au fig. a) Action d'une personne qui élude une difficulté, se dérobe devant la réalité, devant son devoir. Même goût de l'évasion, même fuite dans le rêve (Béguin, Âme romant.,1939, p. 272): 2. ... le sommeil est parfois une fuite devant la décision à prendre, comme la maladie de certaines jeunes filles est, pour Heckel, une fuite devant le mariage.
Sartre, Esq. théorie émot.,1939, p. 26. b) PSYCHOLOGIE − Fuite en avant. ,,Mécanisme inconscient qui pousse à se jeter dans le danger qu'on redoute`` (Carr.-Dess. Psych. 1976). ♦ P. ext., usuel. Depuis le mois de juin, le gouvernement et le patronat n'ont cessé d'affirmer que la « fuite en avant » par une expansion accélérée était le seul moyen de compenser les pertes et les charges accrues qui ont résulté de la grève générale de mai-juin (Nouv. Obs., 18 nov. 68, p. 26, col. 2). − Fuite dans la maladie, dans la guérison. Comportement d'un malade cherchant à échapper à un conflit ou à une investigation psychanalytique par la formation de symptômes ou par une guérison rapide. La fuite dans l'opium, c'est la Flucht in die Krankheit de Freud (Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 35). 3. P. anal. a) Mouvement très rapide. − [Le compl. déterm. désigne une chose concr.] La cage se décrocha, tomba dans la nuit; et il n'y eut plus que la fuite rapide du câble (Zola, Germinal,1885, p. 1588). − [Le compl. déterm. désigne une chose abstr.] ♦ Fuite du temps. Écoulement continu et irrépressible du temps. Cette idée de Lucie m'est venue comme un riant avertissement de la fuite des années (M. de Guérin, Corresp.,1834, p. 171): 3. La fuite du temps n'est sensible nulle part autant qu'à Paris; la fuite vaine des heures; la fuite des heures vaines.
Gide, Journal,1931, p. 1019. P. ext. Mutation incessante, inconsistance des choses. Poursuivi par la hantise de la fuite insaisissable des choses (Béguin, Âme romant.,1939, p. 161):4. La grandeur réelle de Proust (...) est d'avoir pu extraire de la fuite incessante des formes, par les seules voies du souvenir et de l'intelligence, les symboles frémissants de l'unité humaine.
Camus, Homme rév.,1951, p. 330. ♦ PSYCHOL. Fuite des idées. Accélération extrême de la pensée aboutissant à des associations d'idées fugaces et sans aucun lien logique. On a bien nommé « fuite des idées » cette diversion perpétuelle du flux psychique, et logorrhée l'écoulement désordonné et entrecoupé des paroles qui l'accompagne, au hasard des sollicitations du milieu (Mounier, Traité caract.,1946, p. 192). b) PEINT. Éloignement, profondeur due à la perspective. [Dans l'Adoration des Mages] la fuite de la perspective est calculée par lignes en profondeur (Gilles de la Tourette, L. de Vinci,1932, p. 58). ♦ Point de fuite. Point sur lequel convergent des lignes parallèles en perspective. La solution italienne fut la perspective, réseau idéal de lignes convergeant vers un point de fuite supposé (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 136). − P. ext. ♦ [Le compl. déterm. désigne une partie d'un paysage] On aperçoit des fuites de pelouses (Rostand, Cyrano,1898, V, p. 201): 5. Et dans toute cette étendue, on ne voyait que la fuite des labours profonds, des sillons de terre brune, et par endroits des friches couvertes d'une herbe jaunâtre.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 198. ♦ [Le compl. déterm. désigne une partie du corps humain] Courbe, ligne donnant au corps un allongement, un relief particulier. Je contemple, à la dérobée, la fuite de son profil simple, le nez de petite fille (Colette, Cl. ménage,1902, p. 135).En partic. Ligne qui incurve fortement en arrière le front, le menton. La fuite ou plutôt l'absence de son menton (Sand, Consuelo,t. 3, 1842-43, p. 331).Un grand œil, la fuite du front et l'importance, la caractéristique distance entre le nez et l'oreille (Colette, Belles saisons, Mes cahiers, 1941, p. 196). B.− Action ou fait de fuir en sortant de quelque chose. 1. Écoulement, échappement d'un liquide ou d'un gaz hors de son contenant; point où se produit cet écoulement. Fuite de gaz, d'eau. Pour voir si des fuites ne se produisaient pas dans la toiture (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 264): 6. ... le chef coiffé d'un ancien bonnet de police, [le capitaine] bouchait les fuites d'un tuyau d'arrosage qui s'était crevé la veille...
Mirbeau, Journal femme,1900, p. 88. − AÉRON. Bec, bord de fuite. Partie arrière d'une aile d'avion où se dispersent librement les filets d'air (p. oppos. à bord d'attaque*). Le bord de l'aile de l'avion qui pénètre dans l'air s'appelle le « bord d'attaque »; le bord opposé, le « bord de fuite »; l'extrémité libre, le « bord marginal » (Guillemin, Constr., calcul et essais avions,1929, p. 83). 2. P. ext. a) Fuite des capitaux, des devises. Leur transfert vers des pays étrangers jugés plus sûrs ou plus avantageux. Fuite des cerveaux. Départ de savants, de chercheurs pour un pays qui leur propose des conditions meilleures. Fuites de capitaux insuffisamment contrôlés (Univ. écon. et soc.,1960, p. 3413).Dans le domaine du commerce international, on s'efforce également de limiter les fuites dans les périodes d'instabilité : fuites d'or aux États-Unis par exemple, (...) fuites de devises dans les périodes de contrôle des changes, (...) ou depuis quelques années la fuite ou exode des cerveaux et des techniciens (D.-C. Lambert,Terminol. écon. et monétaire, Paris, Éd. Ouvrières,1970,p. 98). b) Mise à jour, divulgation de documents qui auraient dû rester secrets : 7. On s'aperçoit au ministère de la Guerre que, malgré la condamnation de Dreyfus et son internement à l'île du Diable, les fuites [it. ds le texte] continuent.
Clemenceau, Iniquité,1899, p. 113. REM. 1. Fuiter, verbe intrans.Var. plais. du verbe fuir. La fille qu'il [Jacques] avait choisie lui sourit et ils fuitèrent en glissant sur la piste vernie (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 192). 2. Fuitif, ive, adj.Qui fuit. Le soleil, en jetant leur ombre fuitive aux champs et aux sapinières (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 208).Le Faune léger, du lycée fuitif (Moréas, Sylves,1896, p. 177). Prononc. et Orth. : [fɥit]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1200 intrans. « action de fuir pour échapper à quelque chose » ici dans l'expr. estre tous jours a le fuite « avoir le pied léger pour disparaître » (J. Bodel, Le Jeu de St Nicolas, éd. A. Henry, 311); 2. av. 1270 « action de se dérober, échappatoire » (Le Livre de Jean d'Ibelin, chap. 33 ds Assises de Jérusalem, l. 1, p. 56); 3. av. 1662 « (en parlant de choses) écoulement, passage rapide, ici du temps » (Pasc., Pens. I, 1 ds DG); 4. 1802 « convergence due à la perspective » (Flick ds FEW t. 3, p. 838a); 5. 1845 fuite de gaz (Besch.); 6. 1899 « disparition de documents destinés à demeurer secrets » (Clemenceau, supra ex. 7). Réfection de l'a. fr. fuie (v. fuie) sur le modèle de suite*. Fréq. abs. littér. : 2 542. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 084, b) 3 302; xxes. : a) 4 071, b) 3 960. Bbg. Schmidt (H.). Fr. vivant. Praxis. 1973, t. 20, p. 82. − Stéfanini (J.). B. Soc. Ling. 1973, t. 68, p. 199. |