| FRÉMIR, verbe intrans. A.− [Le suj. désigne une chose] 1. Être agité d'un léger mouvement, généralement d'oscillation ou de vibration, qui produit un son faible, confus ou vibrant. La brise commençait de faire frémir les palmiers dans les jardins, leurs feuilles se froissaient avec un bruit d'acier (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 63).On abandonnait tout d'un coup cette sonorité sourde du névé qui frémissait toujours un peu sous les pieds (Giono, Batailles ds mont.,1937, p. 290): 1. ... Canivet allait administrer de la thériaque, lorsqu'on entendit le claquement d'un fouet; toutes les vitres frémirent, et, une berline de poste qu'enlevaient à plein poitrail trois chevaux crottés jusqu'aux oreilles, débusqua d'un bond au coin des halles.
Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 175. − Spécialement a) [En parlant d'un liquide] Être agité d'un léger frissonnement à l'approche de l'ébullition. Le thé, le café (...) Frémissent dans les bouilloires (Rimbaud, Dern. vers,1872, p. 152). b) [En parlant de la mer] Commencer à s'agiter. J'ai vu le ciel se couvrir, la mer frémir et gronder, l'orage naître dans un coin du ciel (Dumas père, Comte Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 166). 2. P. ext. a) [L'accent est mis sur le mouvement et/ou l'impression visuelle] Être agité d'un léger mouvement d'oscillation ou de vibration. Dans le marronnier rose, c'est un laisser-aller bourdonnant (...). L'ombre et le soleil s'y mêlent, des taches bleues, des taches dorées, qui ne cessent de bouger, de frémir, comme frémissent les feuilles innombrables (Genevoix, Rroû, 1931, p. 35). − ... Votre corps est comme de l'ambre; et je vois sur vos hanches frémir des reflets pareils à ceux de la soie (Giono, Poids du ciel,1938, p. 10): 2. ... comme c'est étrange, tout tremble. L'horizon tremble. Les voiles de l'estrade frémissent. Un frisson − regardez − court dans la peau de Cantaor. Mon Galgo − regardez − a un spasme qui ne s'arrête jamais, même quand il dort, dans le muscle de la cuisse postérieure droite : on croirait le clignotement éternel de la mer. Et à cette heure, vous le savez, les taureaux frissonnent du flanc contre les mouches.
Montherl., Bestiaires,1926, p. 419. − [Le suj. désigne une lumière] Scintiller faiblement, vaciller. [Les] flammes des cierges (...) frémissent et pâlissent autour du catafalque en plein jour (Barrès, Cahiers,t. 9, 1912, p. 418). PARAD. Onduler, palpiter, plier, trembler, tressauter, vibrer et frémir. b) [L'accent est mis sur la vibration sonore et/ou l'impression auditive] − [Le suj. désigne le son, la source du son; gén. suivi d'un compl. de lieu] Retentir en produisant un son faible, confus ou d'une sonorité vibrante. Une cloche, une corde frémit. Les cymbales frémissent, le trombonne mugit (Gautier, Italia,1852, p. 8).Dans les arbres, dans les fleurs, frémissaient les mélodies (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 68). − [Constr. avec un compl. prép. de désignant le son, la source du son; le suj. désigne un lieu] Retentir de. Ils partent [les bergers] : l'air frémit de sons mélodieux, L'hymne de la naissance est chanté par les cieux (Delille, Paradis perdu,1804, p. 343). PARAD. Bruire, murmurer et frémir. 3. Littér. [Le suj. désigne une réalité non perceptible] S'animer, être animé d'une vie secrète. Le granit cherche à voir son maître, le rocher sent la statue en lui frémir et s'ébaucher (Hugo, Légende,t. 4, 1877, p. 497).Nous sentions frémir en nous des extases, des désirs, des aspirations étranges (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Modèle, 1883, p. 424).Une sensibilité obscure frémit dans ce que nous appelons les choses, et cette sensibilité ne diffère de la nôtre que par le degré (Bourget, Ét. angl.,1888p. 227). B.− [Le suj. désigne un être animé, un ensemble d'êtres animés ou une partie du corps] 1. Frémir de qqc. a) [Le compl. prép. de désigne une sensation ou un sentiment] Trembler de, éprouver vivement. Au bruit de tes ailes de flamme Je frémis d'une sainte horreur... (Lamart., Médit.,1820, p. 121).Il [le coureur de bronze] palpite, il frémit d'espérance et de fièvre, Son flanc halète... (Heredia, Trophées,1893, p. 52).« La mobilisation n'est pas la guerre... » − « Vous entendez, Jacques », souffla Jenny, d'une voix qui frémissait d'espoir (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 611): 3. À force de lui presser le bouton, de la persécuter d'horribles prières et d'extravagantes menaces, j'arrachais à ma toute chère des aveux qui me faisaient frémir de rage, de honte et de volupté : je me faisais initier aux affreux mystères de ses amours anciennes...
Milosz, Amour. initiation,1910, p. 106. SYNT. Frémir d'aise, d'angoisse, de désir, d'émotion, d'épouvante, d'impatience, d'indignation, de joie, de peur, de plaisir. Rem. Le subst. introd. par de n'est pas précédé de l'art. ou est précédé de l'art. indéf. un/une et suivi d'un adj. Ce compl. ne peut être remplacé par un pronom. b) [Le compl. prép. de (ou plus rarement à, devant ou sur (vieilli), infra rem.) est un subst. ou un inf. désignant un fait réel ou possible] Ressentir vivement (avec indignation, peur, plaisir, etc.). Tout l'auditoire a frémi de son intrépidité, et une rumeur sourde a couru parmi les pairs et dans les tribunes (M. de Guérin, Corresp.,1830, p. 37).Mais à peine avais-je parlé que je frémis de ma bêtise. (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 461): 4. En rentrant, j'ai senti un grand besoin de manger d'un pâté de venaison et de boire du vin blanc; mes lèvres en frémissaient et mon gosier séchait. Oui, j'en étais malade.
Flaub., Corresp.,1856, p. 114. − [Avec un infinitif] Ressentir vivement le fait, la pensée de, que. Vous eussiez frémi de voir ces faces humaines, aux yeux caves et cernés qui semblaient ne rien voir (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 190).Un instant suspendue entre le ciel et les abîmes, j'ai frémi d'être forcée de me retourner pour revenir sur mes pas (Sand, Lélia,1839, p. 491). Rem. 1. Autres constr. prép. a) Frémir à. Il frémissait aux dénoûments nocturnes interrompus par la froide épée d'un mari (Balzac, op. cit., p. 20). Je frémis à songer que, plus tard, quelque Taine jugera notre société d'après les pièces de Bernstein et de Bataille (Gide, Journal, 1918, p. 658). b) Frémir devant. Je frémis devant le degré où je puis être impitoyable (Du Bos, Journal, 1927, p. 292). c) Frémir sur (vieilli). Je gagnai mon gîte à pas redoublés, frémissant sur le danger que je venais de courir (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 280). 2. Le compl. est gén. déf. et peut être pronominalisé. c) [Constr. avec les 2 compl. prép. (supra)] Comment l'homme peut-il les manger impitoyablement ces charmants animaux qui le caressent jusqu'au moment où il leur plonge le couteau dans la gorge? de grands philosophes en ont frémi d'horreur (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 163).J'en frémis de joie, de ton amour (Flaub., Corresp.,1846, p. 396). 2. [P. ell. des compl. prép.] a) [Le suj. désigne une partie du corps] Être agité d'un léger tremblement (provoqué par une sensation ou un sentiment). (Quasi-)synon. palpiter.Les naseaux [du taureau] frémissaient, pleins d'une eau opaline comme les trous qu'on fait dans les plages (Montherl., Bestiaires,1926, p. 526).Ses yeux s'ouvrirent, démesurés. Sa bouche frémit. Et soudain elle poussa un grand cri (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 459): 5. ... Jenny se mit à trembler. Elle regardait fixement le tapis. Les coins de sa bouche frémissaient imperceptiblement. Jacques retenait son souffle, en proie à un bouleversement que, une minute plus tôt, il n'eût pas cru possible. Ils relevèrent les yeux en même temps. Leurs regards se heurtèrent; une même stupeur, une même angoisse, dilataient leurs prunelles.
Martin du G., Thib.,Été 14, 1936p. 168. Rem. Frémir de + subst. désignant et qualifiant le frémissement. La baigneuse bougeait, le ventre avait frémi d'une onde légère (Zola,
Œuvre, 1886, p. 244). b) [Le suj. désigne un être animé; avec ou sans idée de tremblement physique] Ressentir vivement un trouble physique et/ou émotif. Pâlir et frémir; frémir de tout son corps, de tous ses membres. Quasi-synon. frissonner.Les derniers grondements des basses (...) firent frémir les auditeurs jusque dans leurs cheveux (Balzac, Langeais,1834, p. 203).Le cheval frémissait, hennissait, piétinait, s'impatientait, levait le pied... (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 250).J'ai frémi pour vous en voyant la position dans laquelle vous vous êtes trouvé (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1859, p. 299). ♦ Loc. (marquant le haut degré de l'indignation, la peur). C'est à faire frémir, [subst.] + à faire frémir. Une princesse Palatine, duchesse d'Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 2, 1862, p. 361).L'état de délabrement physique, et surtout moral, dans lequel a pu tomber ce pauvre petit, sans qu'il y paraisse à vos yeux, mais c'est à faire frémir! (Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 730). Prononc. et Orth. : [fʀemi:ʀ], (il) frémit [fʀemi]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 « s'agiter, vibrer, retentir (vent, arbres, armes) » (Roland, éd. J. Bédier, 3484); 1remoitié xiies. en parlant d'une pers. (Psautier de Cambridge, 34, 17 ds T.-L. : fremisseient encuntre mei ot lur denz [frendebant contra me deatibus suis]); ca 1160 id. « s'agiter convulsivement sous l'empire d'une émotion, de la peur » (Eneas, 1233, ibid.). Du lat. vulg. *fremīre, class. fremĕre « faire entendre un bruit sourd, retentir, murmurer, frémir ». Fréq. abs. littér. : 2 391. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 439, b) 3 484; xxes. : a) 3 682, b) 2 296. Bbg. Quem. DDL t. 2. |