| FRISSON, subst. masc. A.− Tremblement subit, involontaire, convulsif, irrégulier, accompagné d'une sensation de froid plus ou moins intense. Frisson de la fièvre, de la mort; être saisi, secoué d'un frisson. Avoir le frisson. Le sujet (...) se sent mal à l'aise, est pris tout à coup d'un grand frisson. Il grelotte, claque des dents, ressent une impression de froid intense (Menetrier, Stévenin dsNouv. Traité Méd.,fasc. 1, 1926, p. 262): 1. Je pleurais. Mon corps se vidait à grands frissons de sa chaleur, je devenais froide et molle comme un vieux cadavre.
Beauvoir, Mandarins,1954, p. 513. − Expr. Le temps d'un frisson. Le temps d'un éclair. Il y eut, pendant le temps d'un frisson, un léger froissement, comme la fuite rapide d'êtres invisibles (Giono, Hussard,1951, p. 89). B.− P. ext. 1. Saisissement nerveux, ébranlement psychique dont la cause est une émotion plus ou moins vive. a) [Sur le mode de la peur, de la colère, de l'inquiétude, etc.] Un frisson d'effroi, de honte, d'horreur, de panique, de rage; cela me donne le frisson; des frissons me courent dans le dos, dans les épaules. Quand je songe à l'instant de mon réveil dans cette misérable chambre d'auberge, − des frissons me courent dans les os (Feuillet, Scènes et com.,1854, p. 42): 2. À peine avait-elle eu le temps d'espérer qu'un frisson d'épouvante lui courut sur la peau. La bête faramine était à ses talons.
Aymé, Vouivre,1943, p. 47. b) [Sur le mode du plaisir] Le frisson du désir; un frisson d'allégresse, d'espoir; un frisson délicieux. Sentir un doux frisson, de doux frissons (Ac.) : 3. Cette déclaration la toucha jusqu'au fond de l'âme (...). Elle fut parcourue d'un frisson et sentit la coloration de son visage changer, sans savoir s'il rougissait ou devenait pâle.
Lacretelle, Hts ponts,t. 1, 1932, p. 68. 2. P. anal. Léger tremblement, frémissement. Le frisson des feuilles, des roseaux. Elle [la chanson] est discrète, elle est légère : Un frisson d'eau sur de la mousse! (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 1, Sagesse, 1881, p. 212).Une brise, moins qu'un souffle, agitait comme un tremblement ou un frisson passager le rideau des plantes odoriférantes (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 129). C.− Au fig. 1. Courant d'émotion qui gagne un groupe de personnes, une foule, etc. Un frisson de fête, un frisson d'enthousiasme courut dans l'auditoire. De 1911 à 1913 et aux six premiers mois de 1914, un immense frisson parcourut la jeunesse française (L. Daudet, Vers le roi,1922, pp. 222-223).Toujours passait dans le public un frisson, une onde communicatrice (Arnoux, Zulma,1960, p. 299): 4. ... un grand frisson avait traversé Paris, il revoyait la soirée ardente, les boulevards charriant la foule, les bandes qui secouaient des torches, en criant : À Berlin! À Berlin!
Zola, Débâcle,1892, p. 10. 2. [Dans les créations artistiques] Vibration originale, nouvelle manière de sentir. Le frisson romantique; le frisson poétique d'un peintre. Ce que Hugo a dit de Baudelaire, qu'il avait créé un frisson nouveau (Saint-Saëns, Portr. et souv.,1909, p. 111).Ils [les Parnassiens] n'introduisent aucune fulguration, aucun frisson nouveau (Thibaudet, Hist. litt. fr.,1936, p. 329). Prononc. et Orth. : [fʀisɔ
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xies. friçons « tremblements qui précèdent les menstrues » (Gloses fr. de Raschi, 522, p. 73 ds T.-L.); ca 1170 « tremblement précédant un accès de fièvre » (Marie de France, Lais, Equitan, éd. J. Rychner, 109); 2. ca 1135 « émoi, angoisse, crainte » (Couronnement de Louis, 1061 ds T.-L.). Du b. lat. frictio, -onis « frisson » (Grégoire de Tours), gén. considéré comme dér. de frigēre « avoir froid » (Ern.-Meillet). Fréq. abs. littér. : 2 141. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 161, b) 4 691; xxes. : a) 6 241, b) 1 846. Bbg. Thomas (A.). Nouv. Essais 1904, p. 252. |