| FRILEUX, EUSE, adj. et subst. I.− Adjectif A.− Qui craint le froid, qui est très sensible au froid. 1. [En parlant d'une pers.] Je vis blotti sur le tapis devant un grand feu, car tu me sais frileux comme un chat (Mallarmé, Corresp.,1864, p. 106).Elle poussait devant le feu la bouillotte, afin de faire ses ablutions à l'eau chaude, car elle était frileuse (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 214): 1. Le thermomètre s'y maintient [à La Brévine] durant des semaines au-dessous de 0 et, certaines nuits, baisse jusqu'à 30. Pourtant, moi si frileux, je ne souffris pas du froid un seul jour.
Gide, Si le grain,1924, p. 578. − [En parlant d'une partie du corps humain] Cette région des reins, qui est si frileuse (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 80).Ses fourrures (...) lui découvraient le cou pour mieux lui dévorer ses frileuses épaules (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 81). 2. [En parlant d'un animal] Un roitelet frileux, touffu, Tassé sur la branche (Noailles, Forces étern.,1920, p. 131).Elle demanda à son vieux cocher si un de ses chevaux, qui était frileux, avait eu assez chaud (Proust, Sodome,1922, p. 823).V. Chat1ex. 4 : 2. [La lamproie de mer] est un poisson frileux. La masse profonde des eaux salées, seulement échauffée à la surface par le soleil, n'offre point un milieu favorable à la délivrance des mères (...). La lamproie recherche toutes eaux facilement attiédies par la lumière...
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 147. 3. Littér. [En parlant d'un végétal] Ces arbres frileux, qu'a tués le froid (Goncourt, Journal,1871, p. 784).Les premières fleurs naissent, frileuses et transies, au fond des taillis où les neiges s'amoncellent (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 76): 3. Les jours d'avril n'ont qu'une pâle aurore, (...)
Les blés frileux, cachant leurs fronts timides,
Comme les fleurs tremblent au vent du nord.
Desb.-Valm., Élégies,1833, p. 150. B.− P. méton. 1. [En parlant d'une manifestation humaine] Qui dénote une crainte du froid, une grande sensibilité au froid. Les brodequins détrempés par la boue neigeuse, (...) la rétraction frileuse de la chair du poignet dans la mouillure des manches (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 131).Elle (...) ramenait le drap d'un geste frileux et rapide jusqu'à son cou (Gracq, Syrtes,1951, p. 178): 4. Ses mains croisées sur sa poitrine, remontant petit à petit par des mouvements frileux le long de ses épaules, serraient le lainage autour de son cou...
E. de Goncourt, Zemganno,1879, p. 17. 2. Littér. Qui est froid, qui donne une sensation de froid. a) [En parlant d'un lieu] Le soleil traînait dans le ciel frileux son bloc refroidi (France, Lys rouge,1894, p. 344).Conversations peureuses à la tombée du soir auprès des cuisines, dans les baraquements frileux (Gracq, Beau tén.,1945, p. 181): 5. ... c'est par la nudité que le Sahara reprend sa véritable physionomie. Pour couvrir ces vastes terrains, tantôt frileux, tantôt brûlés, il n'y a qu'un peu d'herbe.
Fromentin, Été Sahara,1857, p. 72. b) [En parlant d'une lumière] Sous le soleil frileux, passaient les bouquets violets des arbres dépouillés par l'hiver (France, Lys rouge,1894p. 107).Le petit jour pâle et frileux se levait au-dessus des maisons de la place Blanche (Carco, Jésus-la-Caille,1914, p. 239): 6. ... l'eau stagnait, immobile, dans la nuit terne (...). Une mince tache de clarté frileuse venait mourir à sa surface, tombée de quelque étoile par la déchirure d'un nuage.
Genevoix, Raboliot,1925, p. 223. c) [En parlant d'un espace de temps] Un frileux vendredi de janvier (Gozlan, Notaire,1836, p. 119).Les jours frileux et courts arrivent. C'est l'automne (Dierx, Lèvres cl.,1867, p. 168): 7. On était dans les premiers jours d'octobre, dans le frileux automne aux longs rayons désespérés.
La Varende, Tourville,1943, p. 156. C.− Au fig., littér. Qui manque de chaleur ou de passion, qui est très sensible à ce manque. Aussi voyez-vous de bonne heure à ces gens-là des goûts et non des passions, des fantaisies romanesques et des amours frileux (Balzac, Fille yeux d'or,1835, p. 335).J'ai vraiment une âme bien tristement frileuse, (...) elle frissonne à toutes froides ambiances, rêvant de plus amènes atmosphères (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1891, p. 77): 8. Cette douceur (...) lui valut (...) de déjouer, quatre mois durant, l'affût constant, les pièges tendus quotidiennement à sa sérénité, à sa gaieté encore frileuse, à sa diplomatie...
Colette, Chéri,1920, p. 116. II.− Substantif A.− Subst. masc. ou fém., littér. Personne qui craint le froid, qui est très sensible au froid. Je vous laisse à penser ce que souffre un frileux dans de grandes pièces fort mal closes où l'on se chauffe au moyen d'un brazero (Mérimée, Lettres Ctesse de Boigne,1864, p. 226).C'est une terrible chose, murmura la comtesse, avec un petit grelottement de frileuse, en se pelotonnant davantage au fond de sa grande chaise, devant le feu (Zola, Nana,1880, p. 1154).V. clignotant ex. 1. B.− Subst. fém., vieilli. ,,Petit capuchon en laine tricotée, pour l'hiver`` (Leloir 1961; dict. xixeet xxes.). ♦ Fanchon*-frileuse. Prononc. et Orth. : [fʀilø], fém. [-ø:z]. Ds Ac. dep. 1694, d'abord (1694, 1718) sous la forme frilleux, v. aussi Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 2 1787. Ce dernier précise : ,,On ne mouille pas les ll, et il est mieux de n'en écrire qu'une``. Attest. de cette orth. dans le fonds IGLF. Étymol. et Hist. Ca 1223 Les frïeleus « qui a froid (en parlant de personne) » (G. de Coinci, Mir. Notre Dame, éd. V. F. Kœnig, 1 Mir 13, 86); ca 1330 frillous « qui craint le froid » (N. Bozon, Contes, p. 104 ds T.-L.). Du b. lat. frigorosus « froid, glacial », devenu après l'amuïssement du g et la dissimilation du second r et l, friuleus/frieleus (cf. FEW t. 3, p. 802b et Bl.-W.5). Fréq. abs. littér. : 251. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 144, b) 563; xxes. : a) 537, b) 319. DÉR. 1. Frileusement, adv.D'une manière frileuse. a) [Correspond à frileux I A] Mgr Rousselot (...) frileusement enveloppé dans une douillette de soie violette, bien que la saison fût encore très chaude (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1136).Il arrive qu'on trouve quelques individus (...) [des xylocopes] groupés frileusement dans une tige d'asphodèle, pour passer l'hiver en commun (Maeterlinck, Vie abeilles,1901, p. 285).Derrière les poiriers immensément blancs et sans une feuille verte, s'ouvraient, rosissaient frileusement les pommiers hâtifs tout petits, blottis (La Varende, Centaure de Dieu,1938, p. 131).b) Au fig. [Correspond à frileux I C] J'ai revu Bruges avec maman. Je me suis frileusement blotti dans un peu de tendresse (Gide, Journal,1891, p. 23).Petite âme précoce en arrêt devant la vie et qui se replie frileusement (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 75).On ne conquiert pas la vérité en demeurant frileusement blotti contre une de ces frontières, mais en arpentant inlassablement l'espace compris entre ces limites extrêmes (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 25).− [fʀiløzmɑ
̃]. Noter que la voyelle palatale arrondie conserve dans la dérivation le timbre fermé de frileux (cf. Fouché Prononc. 1959, p. 83). − 1resattest. fin xives. frillousement (Gloss. gall. lat., Richel. L. 7684 ds Gdf.); 1842 (R. de Radonvilliers, Enrichissement de la lang. fr. ds Darm. 1877); de frileux, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 60. 2. Frilosité, subst. fém.Grande sensibilité au froid. Le sujet, d'une frilosité extrême, est constamment enfoui sous ses couvertures (Goldewski, José dsNouv. Traité Méd.,fasc. 8, 1925, p. 353).Baisses de vitalité (atonie, frilosité, etc.) (Mounier, Traité caract.,1946, p. 121).− [fʀilɔzite]. − 1resattest. fin xives. frillouseté « sensibilité au froid » (Gloss. gall. lat., Richel. L. 7684 ds Gdf.); attest. isolée − 1845 (Besch.); dér. sav. du rad. de frileux, suff. -ité*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Cohn (G.). Arch. St. n. Spr. 1899, t. 103, p. 240. − Pauli 1921, p. 97. − Quem. DDL t. 16. |