| FRAÎCHEUR, subst. fém. A.− [Correspond à frais1A] Propriété de ce qui est frais, un peu froid. 1. Température fraîche (de quelque chose). Je pris machinalement la main qu'elle me tendait, sa petite main fine et fraîche, et la fraîcheur de ce contact me fit sentir que la mienne était brûlante (Fromentin, Dominique,1863, p. 80). a) Spéc. Température fraîche (et parfois humide) de l'atmosphère. Puis, pour se faire aux fraîcheurs nocturnes, aux brouillards, à la rosée, il descendait tous les soirs dans son jardin et restait là jusqu'à des dix et onze heures, seul avec son fusil, à l'affût derrière le baobab (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 35). SYNT. Fraîcheur du vent, de la pluie, de l'air, de l'aube, des bois, de l'eau, du matin, de la nuit, du soir; fraîcheur de cave; les fraîcheurs de la nuit, d'octobre, de l'automne; fraîcheur délicieuse, exquise, glacée, glaciale, humide, matinale, nocturne, particulière, pénétrante, parfumée, printanière, suave, subite; première, vivifiante fraîcheur. − [Sans déterm.] Sentir, aspirer, goûter, respirer la fraîcheur; une fraîcheur monte, saisit qqn, tombe; les premières fraîcheurs; sentir tomber la fraîcheur. À travers leurs culottes, une fraîcheur pénètre jusqu'aux mollets peu à peu engourdis (Renard, Poil Carotte,1894, p. 51).Une fraîcheur, de la mer exhalée, Me rend mon âme... Ô puissance salée! (Valéry, Charmes,1922, p. 151): 1. Il [le temps] avait brusquement changé et les chaleurs tardives avaient tout d'un coup fait place aux fraîcheurs. Comme les autres années, un vent froid soufflait maintenant de façon continue. De gros nuages couraient d'un horizon à l'autre...
Camus, Peste,1947, p. 1409. − Fam., vx, rare. Rhumatisme momentané dû au froid ou à l'humidité. Attraper des fraîcheurs. Synon. chaud et froid.Gagner, avoir une fraîcheur; cela cause des fraîcheurs; ce n'est point un rhumatisme, ce n'est qu'une fraîcheur (Ac.). − P. méton. Moment du jour ou de la nuit où la température est fraîche. L'odeur des foins que l'on avait coupés pendant la fraîcheur, à la lumière de la lune (Senancour, Obermann,t. 1, 1840, p. 21). b) MAR., vieilli. Vent plus ou moins faible précédant ou suivant un calme plat. Il vient un peu de fraîcheur; la brise est finie, il n'y a plus qu'une légère fraîcheur (Ac.). Nous fûmes enveloppés de brume, et nous restâmes en calme; une petite fraîcheur du Sud-Est nous permettait à peine de gouverner (Voy. Pérouse,t. 3, 1797, p. 9). c) Au fig. Fraîcheur (d'un accueil, d'un salut, d'un entretien). Manque de cordialité, froideur marquée. Synon. froideur, sécheresse. 2. Spéc. Qualité de ce qui est agréablement frais. Fraîcheur de l'ombre, d'une pièce, de l'eau, d'une boisson, de la rosée; donner de la fraîcheur; chercher un peu de fraîcheur; sensation de fraîcheur; fraîcheur d'ombre, de cloître, de source. Cherchant pour mon corps la fraîcheur du drap aux places non foulées (Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 615).En été, la maison possédait des trésors de silence, de fraîcheur et d'ombre (Green, Journal,1933, p. 170). − En partic. a) Fraîcheur d'un vin. Qualité d'un vin léger, un petit peu acide. Et la fraîcheur du petit vin blanc de la côte parut douce à leurs lèvres (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 209). b) Fraîcheur d'un tissu. Qualité d'un tissu, d'un vêtement léger, agréable à porter en été. Les membres à l'aise dans la fraîcheur d'une chemise de fine batiste (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 173). c) Au fig. [Dans l'ordre des impressions autres que le toucher ou le chaud et le froid : vue, ouïe] Pureté, vivacité, grâce naturelle. Fraîcheur d'une toilette printanière, d'un éclat de rire; chanson pleine de fraîcheur. Synon. vivacité, grâce.Une voix d'une fraîcheur délicieuse qui, comme une flûte d'argent, modulait des sons mélodieux (France, Pt Pierre,1918, p. 152).Surfaces évasées et roses, ce qui donne à l'église, là où il a respecté la fraîcheur de ce coloris, l'air d'être construite dans une matière douce et malléable (Proust, Fug.,1922, p. 646). − Fraîcheur d'un parfum. Qualité d'un parfum agréablement léger. Fraîcheur de la lavande, d'une eau de toilette. Il savait quelle fraîcheur de linge propre s'échapperait de l'armoire à glace (Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1305). B.− [Correspond à frais1B] Caractère de ce qui est tout récent, nouvellement arrivé. 1. La fraîcheur de la nouvelle en aurait augmenté le plaisir (Flaub., Corresp.,1866, p. 80).Il était curieux de la cueillir dans toute sa fraîcheur d'académicien-fiancé (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 92). 2. Spéc. Qualité d'une chose corruptible qui n'a subi aucune altération par le temps. Fraîcheur d'un fruit, d'une viande, d'un bouquet; grande fraîcheur; fraîcheur douteuse; garantir la fraîcheur d'un produit. Elle ne sentira ni un poisson qui n'est plus de la première fraîcheur, ni un œuf qui n'a plus son lait, ni du beurre qui a trois jours (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 300).La fraîcheur des œufs peut être reconnue par l'épreuve du mirage ou par l'épreuve de la densité (Brunerie, Industr. alim.,1949, p. 68): 2. ... le revêtement d'images sous lesquelles je la trouverais vivante, comme les poissons que, les jours où on m'avait laissé aller à la pêche, je rapportais dans mon panier, couverts par une couche d'herbe qui préservait leur fraîcheur.
Proust, Swann,1913, p. 179. 3. Au fig. Qualité de ce qui est resté intact, vivace, net. Fraîcheur d'un souvenir. Il lui était désormais impossible de percevoir directement en leur fraîcheur première les anciens moments éperdus (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 227). C.− [Correspond à frais1C] Caractère de ce qui a l'éclat du neuf, de la jeunesse, de la vie. 1. [En parlant d'une pers. ou d'un aspect physique de la pers.] a) Caractère de ce qui respire la santé, la vie. Fraîcheur du teint, des joues, du visage, de la peau; beauté et fraîcheur; fraîcheur et santé; fraîcheur et grâce; une fraîcheur de lait, de rose; éblouissant de fraîcheur. Synon. éclat.Les jeunes gens (...) apportaient avec eux un tel rayonnement de jeunesse et de fraîcheur que la chambre en fut égayée (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 41).Les joues rouges, le cou et les mains hâlées, la jeune fille avait un bel air de robustesse et de fraîcheur (Arland, Ordre,1929, p. 515): 3. C'était un mouvement passionné dans la physionomie, une gaieté dans les traits, un entrain de jeunesse, une fraîcheur de vie, une richesse de santé qui vibraient en dehors d'elle et produisaient des rayons électriques.
Balzac, Cous. Bette,1846, p. 27. b) Spéc. Absence de fatigue. Lu et écrit jusqu'à onze heures avec attention et fraîcheur de tête (Barb. d'Aurev., Memor. 3,1856, p. 66).J'ai pourtant repris un peu de fraîcheur d'esprit, de vigueur et même de joie, sur la route (Gide, Retour Tchad,1928, p. 980). 2. [En parlant d'une chose concr.] Qualité de ce qui garde l'aspect du neuf, sa netteté, sa vivacité première. Fraîcheur d'une peinture, d'un costume; fraîcheur du linge; fraîcheur pimpante. Synon. éclat, lustre.Étoffes dans toute leur fraîcheur et (...) coussins à la dernière mode (Stendhal, Lamiel,1842, p. 197).Les toiles (...) qui n'ont pas été gâtées par des restaurations au bitume, y conservent miraculeusement leur fraîcheur (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 35): 4. Sans doute, tout cela n'était pas de la première fraîcheur, l'usage avait miroité par places le velours de la jupe, la toile de Frise était un peu fripée, les dentelles eussent paru rousses au grand jour...
Gautier, Fracasse,1863, p. 26. 3. Au fig. [Dans l'ordre moral, spirituel ou esthétique, sentiments, idées...] Fraîcheur des impressions, du style, d'une image, d'un poème; fraîcheur d'inspiration, d'imagination. Synon. candeur, pureté.Nos dadaïstes veulent retrouver la fraîcheur, le neuf, le primitif, dussent-ils aller jusqu'au balbutiement (Barrès, Cahiers,t. 5, 1920-21, p. 31).Commencé la lecture du journal de Platen. Pages d'une fraîcheur et d'une simplicité admirables (Green, Journal,1932, p. 112): 5. ... tandis qu'un vieux bonhomme bâillera devant un jouet de cinq cents francs. Pourquoi? Parce qu'il a perdu l'esprit d'enfance. Hé bien, l'Église a été chargée par le bon Dieu de maintenir dans le monde cet esprit d'enfance, cette ingénuité, cettefraîcheur.
Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1046. − Fraîcheur d'âme. Synon. innocence, jeunesse.Elle était perdue, et pour toujours, cette fraîcheur d'âme qui rend les sensations pareilles à des cerises cueillies sur la branche et mangées sous l'arbre (Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 23). Prononc. et Orth. : [fʀ
ε
ʃ
œ:ʀ]. Ds Ac. dep. 1694 (fraischeur ds Ac. 1694 et 1718). Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1200 fraiscor « endroit où il fait doux et modéré » (Anseïs de Carthage, 7958 ds T.-L.); 2. 1213 freschor de l'iaue « propriété de ce qui est frais ou rafraîchissant » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, t. 1, p. 602, 26); 3. av. 1528 frescheur « température fraîche, air frais » (J. d'Auton, Chroniques de Louis XII, éd. R. Maulde de la Clavière, t. 4, p. 214). B. 1. a) 1288 [ms.] frescor « éclat, lustre (d'une fleur) » (Athis et Prophilias, éd. A. Hilka, t. 1, p. 47, var. du vers 1311); b) 1379 frescheur « ce qui n'a subi aucune altération » (J. de Brie, Bon Berger, 47 ds T.-L.); c) 1595 « qualité de ce qui respire la jeunesse, la santé » (Montaigne, Essais, I, 21, éd. A. Thibaudet, p. 123); 2. 1412 fraîcheur « qualité de ce qui est nouvellement arrivé » (Arch. J.J. 167, pièce 11 ds Gdf.). Dér. de frais, fraîche*; suff. -eur1*. Fréq. abs. littér. : 2 196. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 890, b) 2 984; xxes. : a) 3 597, b) 3 109. Bbg. Duch. Beauté 1960, p. 157. − Lemagny (J.-C.). B. Bibl. Fr. 1969, p. 415. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 139. |