| FRAYEUR, subst. fém. Peur violente et passagère, provoquée par un danger véritable ou imaginaire. Une horrible, une mortelle frayeur. Pour vous faire, entre vous, de petites frayeurs (Vigny, Journal poète,1837, p. 1058).Si vous saviez, dans les premiers temps, dit encore Gervaise, j'avais des frayeurs du matin au soir (Zola, Assommoir,1877, p. 480).Une véritable frayeur l'étreint (Martin du G., Devenir,1909, p. 190):La petite, accoutumée à ces exercices, ne témoignait ni frayeur ni surprise; elle restait là, les bras ballants, regardant devant elle avec une sérénité parfaite, tandis qu'Agostin placé à l'autre bout de la salle, un pied avancé, l'autre en retraite, balançait le long couteau dont le manche était appuyé sur son avant-bras.
Gautier, Fracasse,1863, p. 320. SYNT. Avoir, éprouver une grande frayeur; inspirer de la frayeur; calmer la frayeur (de qqn); plaisir, respect mêlé de frayeur. − Vieilli. Avoir frayeur de (qqc.). Voilà qu'un lien sacré est établi entre nous trois, un lien dont j'ai frayeur pourtant (Sand, Lélia,1833, p. 39).La société retourna vite à ses plaisirs; elle avait frayeur de son deuil (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 139). − Faire une frayeur (à qqn). Moi ça m'arrête la respiration quand on me fait une frayeur (H. Bataille, Maman Colibri,1904, p. 13). − Subst. + de frayeur.Cri, mouvement, sursaut de frayeur. En même temps il se sentait pris d'une fièvre de frayeur (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 417). − Verbe + de frayeur.Frémir, trembler, hurler, de frayeur; se remettre, revenir de (sa) frayeur; saisi, mort de frayeur. Elle tressauta de frayeur (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hist. fille de ferme, 1881, p. 37).L'enfant se dressa tout à coup, tournant vers lui un visage convulsé de frayeur et de colère (Bernanos, Crime,1935, p. 857).Tous mes cheveux se dressent de frayeur (Camus, Esprits,1955, II, 2, p. 479). − [Suivi d'un compl. désignant la cause et introduit par de] J'ai des ambitions démesurées et la frayeur des responsabilités (Estaunié, Empreinte,1896, p. 316).Le principal est évidemment mon horreur, ma frayeur d'être classé (Alain-Fournier, Corresp.[avec J. Rivière], 1906, p. 281). − [P. anal. de comportement; en parlant d'un animal] On exploite cette frayeur pour les capturer [les palombes] (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 184).Le chien rampe de frayeur et se laisse traîner (Camus, Étranger,1942, p. 1142). Prononc. et Orth. : [fʀ
εjœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1135 frëor (Couronnement Louis, 2110 ds T.-L.); 1470 frayeur (Myst. du siege d'Orleans, p. 697 ds Littré). Du lat. class. fragorem acc. de fragor « bruit éclatant, fracas, vacarme » dont le résultat phonétique normal était en a. fr. frëor « vacarme » (ca 1165 B. de Ste-Maure, Troie, 8325 ds T.-L.); la forme mod. et le sens de frayeur s'expliquent par un rapprochement avec effrayer*. Fréq. abs. littér. : 676. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 694, b) 801; xxes. : a) 735, b) 557. |