| FRATERNITÉ, subst. fém. A.− Lien de parenté entre les enfants issus de mêmes parents. La fraternité des traits. La fraternité (...) N'est-elle que le nœud des corps de même souche? (Sully Prudh., Justice,1878, p. 142).La Fraternité est bien (...) un lien de chair (Alain, Propos,1933, p. 1156). − P. ext. Lien affectif entre frères, ou entre frère et sœur : 1. ... voyez Électre. Elle s'est déclarée dans les bras de son frère. Et elle a raison. Elle ne pouvait trouver d'occasion meilleure. La fraternité est ce qui distingue les humains.
Giraudoux, Électre,1937, I, 13, p. 109. B.− P. anal. 1. Lien étroit d'amitié qui unit deux personnes qui ne sont ni frères ni sœurs. C'est une chose si douce pour moi que cette fraternité entre Lamartine et moi sans nuage depuis vingt-six ans! (Hugo, Corresp.,1846, p. 627): 2. La fraternité créait en eux une telle sensibilité qu'ils ne parvenaient plus à rien se cacher d'important.
Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p. 915. − Vieilli. Votre fraternité. ,,Titre que se donnaient entre eux les souverains, les évêques et les moines`` (Littré). Vivre « en fraternité » (loc.). Comme frère et sœur. On va jusqu'à dire que le Roi aurait vécu trois ans « en fraternité » près de sa femme (La Varende, Anne d'Autr.,1938, p. 15). ♦ Expr. Fraternité d'armes. Union de deux chevaliers qui se promettaient de s'aider en toute occasion. Il s'engagea solennellement à le protéger contre tous ses rivaux; et dès ce moment, liés l'un à l'autre par la reconnoissance et les bienfaits, ils furent amis et se jurèrent foi et fraternité d'armes, jusqu'à leur dernier soupir (Cottin, Mathilde,t. 1, 1805, p. 86). − En partic. Fraternité par adoption. La fraternité par adoption, pobratimstvo, alors très en honneur parmi les Slaves du midi (Mérimée, Cosaques d'autrefois,1865, p. 58).Des membres de familles différentes se prennent pour frères et sœurs et forment ce qu'on appelle une confraternité (...) le lien qui unit ces frères électifs est plus fort même que celui qui dérive de la fraternité naturelle (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 186). 2. Sentiment de solidarité et d'amitié a) [entre les membres d'une association, confrérie, nation, etc.] Fraternité raciale, tribale. La fraternité régnait entre nous, et les enfants couraient derrière le bataillon (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 160).S'évader, c'était le moyen d'exprimer sa fraternité avec tant d'hommes qui, de l'autre côté, luttaient les armes à la main (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 220): 3. Unis dans la même souffrance pendant quatre ans, (...) nous avons gagné notre solidarité. Et nous reconnaissons avec étonnement dans cette nuit bouleversante [du 25 août 1944] que pendant quatre ans nous n'avons jamais été seuls. Nous avons vécu les années de la fraternité.
Camus, Actuelles I,1944-48, p. 24. − Spéc. Fraternité physique. Ils se pressent contre le voisin, d'une épaule qui mendie : fraternité physique, émouvante et la plus sincère (Benjamin, Gaspard,1915, p. 141). − En partic. [P. réf. à la Révolution de 1789] L'arbre, la fête de la fraternité. Les grands principes de liberté, d'égalité et de fraternité que l'humanité fait l'honneur à la France d'emprunter à la déclaration de 1789 (Déclar. univ. Dr. Homme,1949, p. 18).[Pour saluer qqn que l'on voyait ou à qui l'on écrivait] Salut et fraternité. Artémise. Salut et fraternité! (Dumas père, Chev. Maison-Rouge,1847, XI, p. 32).La fraternité ou la mort. L'An III (octobre 1794) ma grand'mère recevait (...) une lettre avec l'épigraphe : unité, indivisibilité de la République, liberté, égalité, fraternité ou la mort (Sand, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 141). ♦ Expr. Fraternité des armes. Lien forgé entre compagnons d'armes, entre personnes ou nations ayant combattu côte à côte. Il est nécessaire (...) de développer entre Français et Britanniques la fraternité des armes (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 622). b) [entre les hommes considérés comme les membres d'une même famille] La fraternité humaine, universelle; un idéal, un rêve de fraternité. La fraternité... est l'art d'aimer tous les hommes (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 27): 4. ... une fraternité lui vint, pleine de tendresse indulgente pour tous ces vivants endormis, dont bientôt des milliers dormiraient du sommeil de la mort.
Zola, Débâcle,1892, p. 74. c) [entre l'homme et l'univers] La fraternité des êtres et des choses. Il y a fraternité complète entre l'Arabe et le cheval, comme entre nous et le chien (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 242).On conçoit cette ardente fraternité qui unissait saint François à la nature entière animée et inanimée (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. CVI). C.− Au fig. Intelligence, entente, harmonie entre plusieurs personnes. Fraternité intellectuelle; fraternité d'opinions, de sentiments. Cette fraternité secrète entre des inspirés qui ne se sont pas connus en ce monde [Nerval, Rimbaud, Maurice de Guérin] (Mauriac, Mém. intér.,1959, p. 38): 5. ... un œil spirituel plus attentif verra tout de suite qu'il y a entre tous [Rubens, Véronèse, Delacroix, etc.] une parenté commune, une espèce de fraternité ou de cousinage...
Baudel., Curios. esthét.,1867, p. 297. − En partic. Association étroite : 6. Quand un ouvrier a laissé ses outils pendant quelque temps, sa main a fait divorce. Il faut qu'il recommence cette fraternité due à l'habitude, et qui lie la main à l'outil, autant que l'outil à la main.
Balzac, Lettres Étr.,t. 1, 1850, p. 394. ♦ P. méton. Communauté ou groupement, laïc ou religieux. Lorsqu'elle faisait la même besogne pour la Fraternité des faubourgs (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 431). − Liens créés par qqc. La fraternité des mêmes fatigues, des mêmes douleurs. La fraternité des dangers courus ensemble, ces quelques semaines d'héroïque vie commune qui les avaient unis, plus étroitement que des années d'ordinaire amitié n'auraient pu le faire (Zola, Débâcle,1892, p. 488). REM. Fraternitaire, adj.,rare. Qui est relatif aux liens de fraternité entre les hommes. Il y avait dans ce système quelque chose de fraternitaire, en apparence, en même temps que d'entreprenant (Proudhon, Guerre et Paix,1861, p. 385). Prononc. et Orth. : [fʀatε
ʀnite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1140 fraternited « lien existant entre personnes ayant des relations fraternelles » (G. Gaimar, Hist. des anglais, éd. A. Bell, 4335). Emprunté au latin fraternitas « confraternité; relations entre frères ». Fréq. abs. littér. : 841. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 966, b) 1 548; xxes. : a) 1 300, b) 1 140. Bbg. Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1915/16, t. 29, p. 227 (s.v. fraternitaire). − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 39 (s.v. fraternitaire). − Reinheimer-Rîpeanu (S.). Faux dérivatifs, faux dér. B. de la Soc. roum. de ling. rom. 1971/72, t. 8, pp. 61-67. |