| FRAGILITÉ, subst. fém. A.− [En parlant d'une matière, d'un obj.] Facilité à se briser, à se rompre. Fragilité du cristal, de la porcelaine, d'un métal. La lourdeur de la fonte et sa fragilité (...) font redouter pour elle le passage de lourdes charges animées de grandes vitesses (Résal, Ponts métall.,t. 1, 1885, p. 493).Dans une vitrine, une quantité de bijoux anciens, d'ivoires, de tabatières à miniatures, de petits saxes galants, d'une fragilité délicieuse (Mirbeau, Journal femme,1900, p. 228): 1. L'unité de la chose au delà de toutes ses propriétés figées n'est pas un substrat, un X vide, un sujet d'inhérence, mais (...) cette unique manière d'exister dont elles sont une expression seconde. Par exemple la fragilité, la rigidité, la transparence et le son cristallin d'un verre traduisent une seule manière d'être.
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 368. B.− P. ext. Manque de résistance, de solidité. 1. [En parlant d'un obj.] Disposition à être altéré, endommagé, détruit. Fragilité d'une construction, d'un tissu. Anton. robustesse, solidité.L'éclat et la fragilité des fleurs artificielles (Zola, Assommoir,1877, p. 717).Cézanne est l'inventeur de l'aquarelle. Les œuvres qu'il fit à l'aide de ce procédé tiennent compte pour la première fois de la fragilité des matériaux employés : papier blanc, eau, pigments légers (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 156). 2. [En parlant de l'ensemble ou d'une partie d'un organisme vivant, notamment du corps humain] Délicatesse, faiblesse de la constitution. Fragilité d'un enfant, d'un malade; fragilité du cœur, des nerfs, des poumons; fragilité d'une plante. La nature, consciente de leur fragilité, ne pousse au voyage que des oiseaux faits, et n'ébranle les mâles les premiers que parce qu'ils sont plus forts (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 104).Avec (...) sa fragilité corporelle, sa timidité, sa voix fluette, un peu zézayante, il ne semblait guère destiné à marcher sur les traces de son père (Billy, Introïbo,1939, p. 243): 2. ... cette protection naturelle est devenue insuffisante depuis que l'air des villes a été pollué par les poussières du charbon, les vapeurs d'essence (...). Les muqueuses respiratoires sont beaucoup plus fragiles que la peau. C'est à cause de cette fragilité que des populations entières pourront, dans les guerres de l'avenir, être exterminées par des gaz toxiques.
Carrel, L'Homme,1935, p. 79. − Spéc., MÉD. Fragilité globulaire. ,,Diminution de la résistance globulaire des hématies`` (Lar. Méd. 1970). Les auteurs ont montré qu'existe aussi une fragilité globulaire, mais que celle-ci est seulement décelable par la méthode indirecte des hématies déplasmatisées (Ce que la Fr. a apporté à la méd.,1946, p. 225). C.− Au fig. 1. Vieilli. [En parlant d'une pers., de son comportement] Inclination à succomber aux tentations, à pécher. Synon. faiblesse.M. Fox, plein de sensibilité et de génie (...) connoissant la fragilité humaine, et réclamant pour les autres la même indulgence dont il peut avoir besoin pour lui (Chateaubr., Essai Révol.,t. 1, 1797, p. 220).Il était question de la marquise de Banneville, des curieux combats de sa fragilité avec son catholicisme et de ses amours avec l'amitié qu'elle avait pour son mari (Goncourt, Journal,1872, p. 915). 2. Manque de stabilité, d'assurance; facilité à être ébranlé, anéanti. a) [En parlant d'une réalité concr.] L'expérience ne lui avait que trop appris la fragilité des cabinets que ne soutient pas une majorité forte (Maurois, Disraëli,1927, p. 254).En raison de la fragilité de son front encore mal assis, de la distension de ses corps d'armée (...) le général de Castelnau se montra très inquiet de ces attaques (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 439). b) [En parlant d'une réalité abstr.] Il est presque inconcevable à l'incrédule qu'un homme instruit, calmement attentif (...) ne s'avise de la fragilité des preuves et des raisonnements sur quoi les dogmes se fondent (Valéry, Variété II,1929, p. 116).L'explication historique a ses limites; elle présente la fragilité de toutes les théories qui ont voulu rendre compte de grandes et durables réalités de l'histoire (Mounier, Traité caract.,1946, p. 156). − Caractère éphémère, périssable (d'un sentiment, d'une œuvre, de l'existence, etc.). Il est naturel que nous jouissions mieux de l'existence périssable, lorsque, avertis de toute sa fragilité, nous la sentons néanmoins durer en nous (Senancour, Obermann,t. 1, 1840, p. 93).Par instants, je ressentais avec détresse la fragilité de notre amitié (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 325): 3. Nos peines, sentent-ils, ne sont guère que les sœurs blessées de nos joies. C'est dire leur peu de substance et leur fragilité. Comme nos joies, elles coulent et se succèdent, elles se perdent, se retrouvent, se transforment à tout instant.
Maurras, Chemin paradis,1894, p. XIX. Prononc. et Orth. : [fʀaʒilite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Fin xiies. fragiliteiz (Sapientia ds Dialogue Grégoire, 286, 4 ds T.-L.). Empr. au lat. class. fragilitas « faiblesse, fragilité »; a remplacé l'a. fr. fraileté (v. T.-L.), dér. de frêle*. Fréq. abs. littér. : 308. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 264, b) 166; xxes. : a) 303, b) 812. |