| FOURNAISE, subst. fém. A.− 1. Grand four où brûle un feu très fort. Chaleur, lueur de fournaise; jeter dans, sortir de la fournaise. Ces tourbillons de feu que vomit une fournaise embrâsée (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 279).Le fer et l'acier ruissellent dans les fournaises de nos fonderies (France, Voie glor.,1915, p. 24): 1. Par les carreaux noircis de suie et rougeoyants, elle apercevait des ombres et, de temps en temps, quand on tirait des pièces de fer rougi d'une fournaise béante, elle voyait jaillir soudain une éclatante lueur dans laquelle des formes nettement tranchées couraient et se hâtaient.
Roy, Bonheur occas.,1945, p. 219. ♦ Région. (Canada). Calorifère, chaudière. Le nonagénaire (...) fume sa pipe, les pieds étendus dans la fournaise, dont la petite porte entr'ouverte diffuse une lumière rosée (A. Nantel, La Terre du huitième,1942, p. 104 ds D. Rogers, Dict. de la lang. québécoise rurale, Montréal, 1977).Fourneau à huile. Poêle à mazout. − P. métaph. Je brûle dans la fournaise du désir de la vérité (Bloy, Journal,1895, p. 210). ♦ Spéc. [P. allus. à la Bible, Daniel chap. 3] Le vrai sentiment chrétien de la nature, c'est celui qui s'affirme à chaque page des psaumes et dont le cantique des trois jeunes hommes dans la fournaise est la plus magnifique expression (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 130). − Foyer d'un fourneau. L'épaisse cuisinière (...) découvrait la fournaise et tisonnait les flammes (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 39). − P. méton. a) Grande chaleur qui se dégage de la fournaise : 2. La porte, grande ouverte, laissait voir sept chaudières à deux foyers. Au milieu de la buée blanche, dans le sifflement des fuites, un chauffeur était occupé à charger un des foyers, dont l'ardente fournaise se faisait sentir jusque sur le seuil...
Zola, Germinal,1885, p. 1154. b) Feu violent. À chacune de leurs promenades, l'incendie changeait, des fournaises nouvelles ajoutaient leurs brasiers à cette couronne de flammes (Zola,
Œuvre,1886, p. 111): 3. Cependant, par les fenêtres d'en bas, je voyais que tout le rez-de-chaussée n'était plus qu'une fournaise ardente; et je m'aperçus qu'on l'avait empli de paille pour favoriser l'incendie.
Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Garde, 1884, p. 983. ♦ En partic. Feu de l'enfer : 4. ... Jésus dira qu'à l'époque de la palingénésie, « le Fils de l'Homme enverra ses anges, qui sépareront les justes des méchants, et jetteront les méchants dans la fournaise ardente. »
P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 854. 2. P. anal. et p. métaph. a) Lieu surchauffé. Le soleil qui frappait sur les ardoises du toit faisait une fournaise de la petite église (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1194).Sous le ciel commençait à ronfler la fournaise de la lande (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 188).Je ressors me sécher sous la véranda-fournaise (Gide, Retour Tchad,1928, p. 947). b) P. exagér. Grande chaleur. La fournaise de la canicule (Arnoux, Roi,1956, p. 319). B.− P. métaph. et au fig. 1. [En parlant d'une activité humaine] Centre d'intense activité. Il faut bien me permettre un rire innocent avant de me jeter dans la fournaise de mes travaux! (Balzac, Lettres Étr.,t. 2, 1850, p. 436): 5. La grand'salle n'était plus qu'une vaste fournaise d'effronterie et de jovialité où chaque bouche était un cri, chaque œil un éclair, chaque face une grimace, chaque individu une posture.
Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 58. − Spéc., dans le domaine militaire.Champ de bataille. Tranquille, souriant à la mitraille anglaise, La garde impériale entra dans la fournaise (Hugo, Châtim.,1853, p. 277).La fournaise de Verdun dévorait nos effectifs (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 235).Jeter d'autres divisions dans la fournaise (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 811). 2. [En parlant de choses] Concentration d'objets rutilants. La salle à manger était une fournaise de choses gaies (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 641). Prononc. et Orth. : [fuʀnε:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1121 « grand four où brûle un feu ardent » (St Brandan, éd. E. G. R. Waters, 912 : Cume buche de fornaise); p. ext. 1654-55 la fournaise du mont Etna (D'Ablancourt, Lucien, Mort de Peregrinus); 2. 1823 « lieu où règne une chaleur intense » la fournaise de l'équateur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, p. 523); 3. 1831 « lieu d'intense activité (ici intellectuelle) » (Hugo, Feuilles automne, p. 718). Réfection avec dés. fém. d'un a. fr. fornais mal attesté (Wace, Conception N. D., éd. W. R. Ashford, ms. L. Picard, 1782; pour l'ex. de Florimont ds Gdf., cf. T.-L., s.v. fornaise, p. 2123, ligne 20) mais prob. fém. comme son étymon le lat. class. fornax et la plupart des formes qui en sont issues (cf. REW3, 3451 et FEW t. 3, p. 724b). Fréq. abs. littér. : 378. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 513, b) 841; xxes. : a) 650, b) 327. Bbg. Juneau (M.). Glanures lex. dans Bellechasse et dans Lévis. In : Trav. de ling. québécoise. 1. Québec. 1975, p. 180. |