| FOURCHE, subst. fém. A.− Instrument composé d'un long manche en bois muni de deux ou plusieurs pointes de bois ou de métal, qui sert en agriculture à certaines manipulations. Fourche en bois, en métal; fourche à faner, à fumier; fourche de jardinier. Chaque fois que l'Assemblée nationale décrétait quelque chose, les paysans prenaient leurs fourches ou leurs fusils, en disant : − Exécutons ça tout de suite! (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 274).Des chants que j'entendais depuis quelques instants se rapprochèrent; c'étaient des faneurs qui rentraient la fourche ou le râteau sur l'épaule (Gide, Immor.,1902, p. 440): 1. Segonzac ne décore sa « salle », vaste comme une grange, que de trophées rustiques, faux et râteaux croisés, fourches à deux dents en bois poli, couronnes d'épis, et fouets à manches rouges, dont les mèches tressées parafent gracieusement le mur.
Colette, Naiss. jour,1928, p. 33. − Spécialement ♦ Fourche(-)fière. Longue fourche de fer à deux dents pointues qui sert à enlever les gerbes. Poursuivi par des laboureurs armés de fléaux, de faux et de fourches fières, je dus lâcher poules et lapins (...) et courir à toutes jambes (France, Île ping.,1908, p. 112). ♦ Fourche à blaireau. Fourchette de fer à deux dents qui sert à arrêter et à prendre le blaireau à la sortie du terrier (d'apr. Baudr. Chasses 1834). − Loc. fig., vx, fam. Faire qqc. à la fourche. ,,Le faire négligemment ou grossièrement`` (Ac. 1835, 1878). Peigné avec une fourche. Durement ou d'une manière humiliante. Être traité, mené à la fourche. Je ne suis remué qu'à coups de fourche; je m'endors sitôt que manquent les stimulants (Delacroix, Journal,1823, p. 57).Prendre une fourche. Chasser (quelqu'un) sans ménagement. S'il osait encore revenir, je prendrais une fourche (Littré). B.− [P. anal. de forme] Objet ou pièce dont la forme évoque celle d'une fourche. Comme elle [MmePhilippe] n'a pas le bras long, elle se sert d'une fourche pour écarter les draps et border le lit du côté du mur (Renard, Nos frères far.,1910, p. 133): 2. Le pressoir a la forme d'une cuve carrée. Au-dessus s'étend une poutrelle reposant par chaque extrémité sur une haute fourche; de cette poutrelle pendent (...) des plaques de bois entre lesquelles on écrase le raison...
Du Camp, Nil,1854, p. 201. − HIST., gén. au plur. Fourches (patibulaires). Gibet composé primitivement de deux fourches de bois, remplacées plus tard par des piliers, supportant une traverse. Ah! ce que j'entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit, ou le pendu qui pousse un soupir sur la fourche patibulaire? (Bertrand, Gaspard,1841, p. 223): 3. Partout le gibet! − Quand les fourches patibulaires sont chargées à se rompre, ils pendent aux arbres! Quand les arbres ploient sous la charge... Ils pendent aux grilles, aux auvents, aux gouttières, aux enseignes! ... Toute saillie devient potence! ...
Sardou, Patrie!1869, I, tabl. 1, 2, p. 11. ♦ ANTIQ. Instrument utilisé pour immobiliser les esclaves. Chacun [des esclaves] ayant le cou pris dans une fourche longue de plus de six pieds, dont les deux pointes étaient réunies sur la nuque par une barre de bois (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 51). − TECHNOL. Fourche de bicyclette. Pièce constituée par deux tubes parallèles entre lesquels tourne la roue avant. Fourche télescopique. Le nègre du bois de Boulogne (...) ramassait (...) les débris de la bicyclette (...) dont je venais de casser la fourche en me butant dans un tronc d'arbre (Courteline, Ah! Jeun.,Qd je pédalais, 1897, p. 141). C.− [P. anal. de disposition] Disposition de ce qui se divise en deux parties, de façon à former un V comme les pointes extrêmes d'une fourche. Barbe en fourche. Une vipère rouge, tu sais, qu'il faudrait clouer sur la mousse; et lui maintenir la tête sous la fourche de la baguette (Genevoix, Marcheloup,1934, p. 187): 4. Nos porteurs, à l'aide d'une très longue baguette de bambou, dont l'extrémité est fendue en fourche, s'emparent avec une grande habileté des nids des « mouches-maçonnes » suspendus aux poutrelles de la toiture...
Gide, Voy. Congo,1927, p. 755. 1. Partie de qqc. qui présente cette disposition. a) Fourche d'un arbre. Endroit où les grosses branches se séparent du tronc (cf. infra fourchon rem.) : 5. ... elle [Fuseline] établissait son itinéraire pour, au moment propice regagner la fourche hospitalière de son vieux poirier qui dressait là-bas, à la lisière de la forêt, ses longs bras aux manches de mousse...
Pergaud, De Goupil,1910, p. 102. b) Fourche d'un chemin. Lieu où un chemin se divise en deux ou plusieurs voies : 6. Le bois des Fourches porte ce nom peut-être simplement parce qu'il est à la fourche des routes, entre trois chemins : le grand chemin, celui qui en part pour monter à Fournols, et celui qui, coupant les deux autres, va des Escures au bourg de Saint-Amand.
Pourrat, Gaspard,1922, p. 231. ♦ P. anal. [En parlant d'un cours d'eau] À la hauteur de la fourche de l'Orne, comme un chevalier s'était attardé pour faire boire, tout à coup un grand bruit s'éleva de l'eau (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 234). 2. Disposition d'une chose dont les deux parties, réunies au départ, s'écartent l'une de l'autre. a) Disposition de deux doigts consécutifs écartés l'un de l'autre. En général, si les fourches de nos pouces et de nos index [d'Henri et de MmeVernet] s'adaptent et s'entrecroisent avec netteté, je me sens à l'aise pour la soirée (Renard, Écorn.,1892, p. 30). ♦ MUS. Doigté spécial utilisé sur certains instruments à vent. Faire la fourche (Littré). Il est (...) possible d'obtenir [sur un instrument du type hautbois] des sons intermédiaires (...) au moyen de demi-trous ou de fourches (Bouasse, Instrum. à vent,1930, p. 86). b) COUT. Fourche d'un pantalon. Partie où les jambes se séparent. Je remarquai qu'il portait son pantalon si bas que la fourche en restait à mi-cuisse (Gide, Isabelle,1911, p. 612). 3. Disposition d'une chose dont les deux parties, éloignées au départ, se rapprochent l'une de l'autre. − P. allus., HIST. Les Fourches caudines. Défilé, de plus en plus étroit, en forme de fourche, près de Caudium, où les Romains, qui s'étaient laissés enfermer par les Samnites, furent contraints de passer sous le joug en signe de capitulation. L'armée romaine qui combattait les Samnites, avait failli rencontrer dans les forêts voisines du lac Averne de nouvelles Fourches caudines (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 157). − Au fig. [P. réf. au joug, cf. supra] Passer sous les fourches caudines (de qqn, de qqc.). Subir des conditions dures ou humiliantes imposées par une personne ou une situation. Je vais faire un effort et tenter un emprunt; il faut enfin courber le front sous les fourches caudines de l'argent (Balzac, Corresp.,1839, p. 576).Pour garder ce modeste poste, il avait dû passer sous les fourches caudines de Lacombe, le maire (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 379): 7. ... on ne passe point impunément sous les fourches caudines; ce qui déshonore est funeste : un soufflet ne vous fait physiquement aucun mal, et cependant il vous tue.
Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 630. REM. 1. Fourchée, subst. fém.Ce que l'on prend en une fois avec une fourche. Fourchée de fumier, de paille. On charge les chars comme on construit les meules, par fourchées égales, à droite et à gauche, les hommes apportant, les femmes ratissant le foin (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 83). 2. Fourchet, subst. masc.a) Art vétér. ,,Maladie qui attaque le pied du mouton`` (Ac. 1878-1932). b) ,,Étai dont l'extrémité forme une fourche et grâce auquel on soutient les branches des arbres de plein vent trop chargés de fruits`` (Ac. 1932). 3. Fourchetine, subst. fém.Petite fourche. Avec la pointe de sa fourchetine [M. des Lourdines] fit tomber la lourde terre collée à ses semelles (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 32). 4. Fourcheur, subst. masc.,,Ouvrier rural qui travaille avec la fourche`` (Littré). 5. Fourchon, subst. masc.
α) Chacune des dents d'une fourche, d'une fourchette. Fourchette à quatre fourchons (Ac.). Voir dans la nuit la taille de la gerbe où il faut piquer les fourchons (Giono, Baumugnes,1929, p. 46).
β) ,,Endroit d'où sortent les branches d'un arbre`` (Ac.). 6. Furculaire, adj.,zool. Qui a la forme d'une petite fourche. Os furculaire (Cuvier, Anat. comp.,t. 1, 1805, p. 249). Prononc. et Orth. : [fuʀ
ʃ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. xies. forches « fourches, potences » (Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, p. 70); ca 1140 furches « gibet » (G. Gaimar, Hist. des anglais, éd. A. Bell, 5807); 1160-74 forches agric. (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 3540). Du lat. class. furca « fourche, bois fourchu », « instrument de supplice ». Fréq. abs. littér. : 359. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 284, b) 508; xxes. : a) 657, b) 616. Bbg. Arveiller (R.). Fr. mod. 1974, t. 42, p. 276 (s.v. fourchon). |