| FOUDRE1, subst. A.− Subst. masc. ou fém. 1. Gén. subst. fém. sing. Brusque et puissante décharge d'électricité atmosphérique qui se produit au cours d'un orage, entre deux nuages ou entre un nuage et la terre, et qui est accompagnée d'une vive lueur, l'éclair, et d'une violente détonation, le tonnerre. Être atteint, frappé, touché par la foudre; carreau, pierre, coup de foudre. La cause de la foudre n'est plus un secret; et Franklin a dévoilé aux hommes l'art de la détourner et de la diriger à leur gré (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 178).La journée a été orageuse; le tonnerre a grondé pendant deux heures et la foudre a éclaté non loin de la maison (Delécluze, Journal,1825, p. 212).La foudre était tombée sur l'église de Rueil et avait fondu la croix du clocher (France, Dieux ont soif,1912, p. 50). − Foudre globulaire; foudre en boule. Masse gazeuse qui apparaît parfois après un éclair sous la forme d'une gerbe de feu. Il pense que la foudre globulaire pourrait être formée par une masse d'oxydes d'azote concentrés (J. phys. et Radium,1925, p. 64).La foudre déconcerte. Il lui arrive d'être une boule rouge très légère, d'entrer dans une chambre, de se promener et d'en sortir sans faire de mal (Cocteau, Poés. crit. II,Monologues, 1960, p. 40). a) P. exagération et p. compar. − [Avec la violence de la foudre et le bruit qui l'accompagne] Un éclair jaillissait des yeux redoutables du fantôme, un mugissement pareil à la foudre grondait dans sa voix terrible (Nodier, Trilby,1822, p. 165).La neige pénètre par toutes les meurtrières, elle s'amasse, et quelquefois l'on gît, bloqué, quand le vent souffle en foudre! (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 55). − [Avec la rapidité de la foudre] Que Malek Adhel, couvert de sueur et de poussière, sur un cheval ruisselant d'écume, arrive comme la foudre, s'élance d'un trait au-dessus de la barrière (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 179).Il eut un geste prompt comme la foudre. Le canon de son browning toucha le menton du Bavarois (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 429). − [Avec la brutalité de la foudre et la peur qu'elle inspire] On me redoutait à l'égal de la foudre; on m'accusait d'avoir une main de fer (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 902). ♦ P. iron. On le craint, il est craint comme la foudre. ,,Se dit surtout ironiquement d'un homme qui est fort redouté`` (Ac.). b) Littér., p. anal. [Avec la puissance destructrice de la foudre] Puissance de feu d'une arme; puissance des armes à feu. Cette tombée sifflante d'obus martèle et écrase à coups de foudre l'extrémité béante du poste (Barbusse, Feu,1916, p. 320).C'est alors que, les 6 et 10 août, tombe sur Hiroshima et sur Nagasaki la foudre des bombes atomiques (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 227): 1. Tu fouilleras toutes les caves de la section pour en extraire les substances nécessaires à la fabrication de la poudre. L'ennemi sera peut-être demain devant Paris : il faut que le sol de la patrie nous fournisse la foudre que nous lancerons à ses agresseurs.
France, Dieux ont soif,1912, p. 164. Rem. On relève dans la lang. poét. ou vieillie a) Fondre, subst. masc. Le trait brillant du foudre dans la livide clarté d'un orage (Chateaubr., Martyrs, t. 1, 1810, p. 291). On eût dit qu'un foudre invisible l'avait frappé, et peu s'en fallût qu'il ne tombât mort (Gautier, Fracasse, 1863, p. 265); b) des emplois de foudre au plur. Il [Dieu] se montre aux hommes entre la saison des fleurs et la saison des foudres (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 310). L'orage est en plein, enfin il crève. Rien n'est plus curieux que le bruit des foudres (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1901, p. 386). 2. Gén. subst. masc., p. méton. a) Faisceau de dards de feu en zigzags terminés par une flèche et qui constitue l'attribut des puissances divines ou guerrières, notamment entre les mains de Jupiter et d'Indra. Son peintre facétieux l'a [Alexandre], comme fils de Jupiter, armé grotesquement du foudre, qui est là, entre ses jambes (Michelet, Journal,1857, p. 367).Le foudre ailé du roi Zeus (Banville, Exilés,1874, p. 34). Rem. Les dict. affirment que foudre dans le sens myth. est toujours au masc. Pourtant on trouve aussi le fém. ds la docum. Ces moineaux, disait Phidias, sont pareils aux gens d'Olympie qui redoutent la foudre en airain ciselé que je formai pour leur monarque (Maurras, Chemin Paradis, 1894, p. 41) et infra ex. 2. Il semblerait que les aut. mod. adoptent de préférence la forme foudre subst. féminin : 2. Dans un filet de pêche les marins ont remonté le Zeus ou le Poséidon qui foudroyait ou qui lançait le trident. Ses cheveux, sa barbe ont encore l'air mouillés. Comme son trident ou sa foudre, il a perdu ses yeux réalistes. Il est aveugle.
Cocteau, Maalesh,1949, p. 213. b) P. anal. − Domaine milit.Ce même symbole utilisé comme emblème ou porté en insigne sur l'uniforme de certains officiers. La vicomtesse Olive lui demanda un entretien secret. Il la reçut à l'Amirauté dans un pavillon orné d'ancres, de foudres et de grenades (France, Île ping.,1908, p. 221).De son bras où étincelle un brassard en soie brodé d'or et brodé de foudres d'or, un capitaine désigne la banquette de tir (Barbusse, Feu,1916, p. 41). − HÉRALD. Faisceau figuré sur l'écu avec quatre dards en sautoir (ds Littré, Rob., Lar. Lang. fr.). 3. Au fig. a) Coup de foudre. Cf. coup A 2 synt., expr. b.Avoir le coup de foudre pour qqn/qqc. Éprouver une passion violente et subite pour quelqu'un/quelque chose. Alors vous avez eu le coup de foudre pour le baron Saval, ici présent (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Yvette, 1884, p. 501).J'ai le coup de foudre pour la maison (Montherl., J. filles,1936, p. 964). b) [P. allus. aux croyances anc. qui voyaient dans la foudre la manifestation de la colère divine] Synon. feu* du ciel. − Colère divine. La foudre de Dieu nous entoure, il ne faut peut-être qu'un mot, que ce mot que vous me demandez, pour la faire tomber sur nous (Cottin, Mathilde,t. 1, 1805, p. 347).Ce sont eux [les monastères], hélas! qui, par le relâchement de leurs mœurs, ont fait pencher la balance et attiré sur ce pays la foudre (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 295). − Gén. au plur. Réprobation, condamnation exercée par une autorité spirituelle, morale, judiciaire. Les foudres de l'Église, de la loi. Peu s'en fallait que nos hellénistes ne méritassent les foudres du Saint-Siège (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 454).Sans doute quelque vieille foudre de l'Église de Constantinople défend à ces révérends pères de famille les plaisirs enivrants du bal (About, Grèce,1854, p. 460).Des œuvres qui ont soulevé l'indignation du public et mérité les foudres des tribunaux correctionnels (Goncourt, Journal,1888, p. 837): 3. ... telle de ses Pensées [de Diderot] était une profession explicite de soumission à l'Église catholique, apostolique et romaine. Il fallait éloigner la foudre.
Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 230. ♦ En partic. Foudres de l'éloquence. Effets puissants par lesquels un orateur confond son adversaire. Sensation d'orgueil qu'éprouve un procureur du roi convaincu de la culpabilité de l'accusé, lorsqu'il voit blémir et s'incliner son coupable sous le poids des preuves et sous les foudres de son éloquence! (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 67). B.− Subst. masc. [P. anal. avec la puissance redoutable de la foudre et au fig.] Homme redoutable. Ce géant des prophètes [Elie] (...) demeurant dans le creux des rochers, d'où il sortait comme un foudre pour faire et défaire les rois, était devenu une sorte d'être surhumain (Renan, Vie Jésus,1863, p. 100). − [Le plus souvent dans des syntagmes dont le 2eélément indique le domaine où une pers. déploie une activité étonnante] « Ce garçon, c'est un foudre de labeur! » (Pourrat, Gaspard,1931, p. 129). ♦ En partic., souvent p. iron. Foudre d'éloquence. ,,Orateur qui frappe ses auditeurs par l'éclat de son éloquence`` (Ac.). Foudre de guerre. Chef militaire aux victoires éclatantes, combattant redoutable. Cet autre foudre de guerre, Le malheureux maréchal Ney! (Borel, Rhaps.,1811, p. 178).Ancien ministre de Caillaux, et pas précisément un foudre de guerre (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 222). Prononc. et Orth. : [fudʀ
̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « décharge électrique qui se produit entre deux nuages » (Roland, éd. Bédier, 1426); 2. 1559 foudre de guerre « guerrier à qui rien ne résiste » (O. de Magny, Odes, I, 129 ds IGLF); 3. 1594 masc. sing. « condamnation » (Guillaume du Vair, Actions et traitez oratoires, éd. R. Radouant, VIII, p. 340); 4. a) 1642 coup de foudre « événement qui déconcerte » (Corneille, Polyeucte, II, 1, p. 407); b) 1813 « amour subit et violent » (Jouy, Hermite, t. 1, p. 288). Empr. au lat. fulgura plur. neutre du class. fulgur, fulguris « éclair » devenu fém. En lat. class. fulmen signifiait « foudre », il disparaîtra en b. lat. au profit de fulgur qui prendra ce sens où il est lui-même concurrencé par éclair*. Fréq. abs. littér. : 1 735. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 448, b) 2 992; xxes. : a) 2 466, b) 1 348. Bbg. Gougenheim (G.). Le Genre de foudre chez Corneille. Fr. mod. 1951, t. 19, pp. 91-94. − Quem. DDL t. 16. |