| FOSSE, subst. fém. I.− Cavité d'origine artificielle. A.− Cavité large et profonde creusée dans la terre, généralement destinée à recevoir quelque chose. Creuser une fosse; fosse à fumier, à purin. Çà et là, sous le soleil, les fosses laissées béantes par les archéologues augmentent l'aspect de désolation (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 140): 1. Excité par Pécuchet, il [Bouvard] eut le délire de l'engrais. Dans la fosse aux composts furent entassés des branchages, du sang, des boyaux, des plumes, tout ce qu'il pouvait découvrir.
Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 34. − Spécialement 1. CHASSE. Piège constitué par un trou creusé sur le passage de grands animaux et camouflé par des branchages. Massotawana prit un grand nombre d'hermines aux lacets, de loups dans des fosses (Crèvecœur, Voyage, t. 2, 1801, p. 115).J'ai chassé le jaguar dans ma jeunesse. Et j'ai usé de fosses à jaguar, meublées d'un agneau, hérissées de pieux et couvertes d'herbe (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 819). 2. HORTICULTURE a) Creux ménagé pour planter un arbre ou permettre certaines opérations de culture. Ouvrant une fosse entre deux rangs de ceps, il y place ce terreau; sa vigne, au bout de deux ans, (...) se trouve en pleine valeur (Courier, Pamphlets pol.,Gaz. vill., 1823, p. 180): 2. ... je menais à bien, sans peine, le paillage des mandariniers. Dans la fosse circulaire creusée autour de leur tronc sur deux mètres de diamètre, j'entassais l'algue dessalée, puis je la recouvrais de terre que je damais des deux pieds ainsi qu'une vendange...
Colette, Naiss. jour,1928, p. 39. b) Creux longitudinal que l'on fait pour planter les asperges. Je cours foulant les salades et les tumulus de la fosse d'asperges (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 281). B.− Trou creusé en terre et destiné à l'inhumation des morts. Creuser une fosse dans un cimetière; prier sur la fosse de qqn. En descendant le cercueil dans la fosse : « Nous rendons la terre à la terre, la cendre à la cendre, la poudre à la poudre » (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 328): 3. Les assistants s'approchèrent de la fosse et, se passant de main en main le goupillon, qui trempait dans l'urne de cuivre, ils faisaient le signe de la croix sur la fosse béante.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 289. ♦ Fosse commune. Fosse où plusieurs cadavres ou cercueils sont déposés ensemble. Un de ces bohèmes amateurs (...) a été conduit à la fosse commune dans le corbillard des pauvres : il avait dix mille francs de rente! (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 11).Avait-on rendu le corps à cette famille? L'avait-on jeté à la fosse commune ou posé dans un tombeau? (Bourget, Actes suivent,1926, p. 32). − Expr. fig. 1. Avoir un pied dans la fosse, être au bord de la fosse. [En parlant d'une pers. très âgée ou très malade] Être près de mourir. Vous allez où vont toutes choses, au néant! ... Et c'est face à face avec la mort, et le pied dans la fosse, lâches, que je vous dis cela! (Borel, Champavert,1833, p. 239). 2. Creuser sa fosse (avec ses dents). Ruiner sa santé (par des excès de table) (d'apr. Littré). C.− En partic. 1. Cavité pratiquée dans le sol et pourvue de divers équipements selon sa destination. a) Fosse (d'aisances). Excavation pratiquée sous les cabinets d'aisances et destinée à recevoir les matières fécales. Vidanger une fosse d'aisances; fosse étanche. La touffeur alcaline d'une fosse d'aisances, vint sournoisement attaquer la muqueuse des locataires au désespoir (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 221).− Il a tout vidé sauf la fosse. Elle déborde. On aurait dû lui retenir deux francs de vidange (Hamp, Champagne,1909, p. 93). b) Fosse septique. Dispositif qui assure la collecte, la liquéfaction et l'aseptisation des matières excrémentielles (cf. Arts et litt., 1935, p. 2010). c) Fosse (à tan). Cuve enterrée dans laquelle les tanneurs déposent les peaux recouvertes de tan. Coucher les cuirs en fosse (DG). Si le cuir, sortant de l'étable du fermier, vaut 1, il vaut 2 en sortant de la fosse du tanneur, 3 en sortant de la boutique du cordonnier (Proudhon, Propriété?1840, p. 270). 2. Cavité pratiquée dans le sol et aménagée pour faciliter l'accès à quelque chose. a) TRANSPORTS. Cavité maçonnée creusée entre les rails qui permet de passer sous la locomotive et de nettoyer le foyer. Fosse à piquer le feu (cf. Zola, Bête hum.,1890, p. 114).Fosse de visite ou de nettoyage (cf. Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 269). − P. anal. Cavité maçonnée creusée dans le sol d'un garage d'automobiles et dans laquelle on se tient pour accéder au-dessous d'un véhicule. Les ponts remplacent de plus en plus souvent les fosses (Rob.).Il se met dans le taxi à son compte et s'installe naturellement, au cœur du XVeoù provignent les garages, les fosses de nettoyage, les entreprises de dépannage (Arnoux, Paris,1939, p. 246). b) MINES. [Dans les houillères du nord de la France] Unité d'exploitation constituée par les deux puits, le carreau et les installations annexes. Si délicate de poitrine d'ailleurs, qu'elle était cribleuse à la fosse, n'ayant jamais pu travailler au fond (Zola, Germinal,1885, p. 1146). 3. Partie d'un lieu ou d'un bâtiment située en contrebas. a) [Dans un navire] Fosse aux câbles. Partie de la cale où l'on mettait les câbles. Il descendit dans la cale, entra dans la fosse aux câbles, et on le vit remonter avec une de ces cordes à nœuds armées d'un crampon (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 146). b) [Dans un théâtre ou une salle de spectacles] Fosse d'orchestre. Emplacement situé devant la scène et en contre-bas, où se placent les musiciens. L'annoncier apparaît. Il vient de la fosse d'orchestre et par une petite échelle verticale monte sur le bord de la scène (Claudel, Soulier,1944, 1repart., 1rejournée, p. 940). c) Emplacement aménagé en profondeur pour tenir en captivité certains animaux. Fosse aux lions, aux ours; Daniel fut jeté dans la fosse aux lions. Les vieux ours, les vieux lions accroupis, frileux, dans le fond des fosses (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 188). d) [Dans une prison] Fosse ou basse-fosse. Cachot très profond. Jeter un prisonnier dans une basse-fosse. Le silence absolu envers tout le monde, ou bien la plus humide des basses fosses à la citadelle (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 133). ♦ Cul de basse-fosse. Cachot souterrain creusé dans une basse-fosse. Ces entonnoirs de cachots aboutissaient d'ordinaire à un cul de basse-fosse à fond de cuve (...) où la société mettait le condamné à mort (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 368). II.− Cavité d'origine naturelle. A.− Cavité large et profonde. Il y a une dangereuse fosse dans la rivière (Littré) : 4. La mer avait découvert de plusieurs kilomètres (...) la prairie profonde où l'herbe était brune et salée, avec d'étranges fleurs vivantes. Tout alentour, des parois de granit fermaient cette fosse immense, et l'île en forme de bête couchée, dégarnie jusqu'aux pieds, montrait ses derniers soubassements noirs.
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 109. B.− Spécialement 1. ANAT. ,,Cavité d'assez grandes dimensions, le plus souvent osseuse, mais pouvant aussi affecter d'autres structures anatomiques`` (Méd. Biol. t. 2, 1971). Fosse iliaque; fosses nasales. Sa tête petite, aplatie [d'une tortue], mais très élargie postérieurement par de grandes fosses temporales, cachées sous une voûte osseuse (Verne, Île myst.,1874, p. 215). 2. GÉOL. Sillon allongé et très marqué sur les fonds océaniques, où la profondeur dépasse 6 000 mètres (d'apr. George 1970). Fosse abyssale (d'apr. George 1970); fosse de Tuscarora (Quillet 1965). − P. ext. Endroit très profond d'un océan. Je songe à ces gracieux animaux plongés dans les fosses marines (Gracq, Beau tén.,1945, p. 146). 3. MAR. Fosse (sur le fond). [Dans une rade, un chenal] Endroit où le fond est plus profond. Les navires cherchent les fosses pour y mouiller (Littré). Prononc. et Orth. : [fo:s]. o se prononce [o:] devant ss primitif. Comparer avec o prononcé [ɔ] devant [s] orth. c (ex. atroce) et devant [s] orth. ss mais corresp. à l'a. fr. c (ex. bosse, a. fr. boce). En syll. protonique, il y a hésitation entre [o:] et [ɔ] dans fossé, fossette, fossoyeur, fossile (cf. Buben 1935, § 53 et chacun des dérivés en partic.). Littré rappelle que la prononc. de fosse par [o:] est recommandée par H. Estienne. Il la croit influencée par celle de fausse car l'étymol. ne la justifie pas. Il rappelle, en outre, que Molière a fait approximativement rimer fosse et bosse. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Homon. fausse. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « cavité creuse qui sert de réceptacle » (Roland, éd. Bédier, 3105); 2. 1170 « trou creusé pour inhumer les morts » (Marie de France, Lais, Eliduc, éd. J. Rychner, 921); 3. 1180-90 anat. (Alex de Paris, Rom. d'Alex. ds Elliott Monographs, III, 3096 : la fosse du col); 4. 1932 géol. (Cuénot, Gen. des esp. animales, p. 575 ds Quem. DDL t. 18 : la région abyssale... présente des fosses dont la plus creuse a 10.290 m [fosse des Philippines]). Du lat. class. fossa « excavation, trou, fossé » et « tombeau » en lat. chrétien. Fréq. abs. littér. : 1 617. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 985, b) 2 310; xxes. : a) 3 343, b) 1 080. Bbg. Couture (B.). Terminol. du sanitaire et des techn. de l'eau. Banque Mots. 1973, no6, p. 180. |