| FORÇAT, subst. masc. A.− Criminel condamné aux travaux forcés dans un bagne (ou, autrefois, aux galères). La même horreur qui reste au forçat contre les fers durs et glacés rivés sur ses membres (Lamart., Destinées poés.,1834, p. 380).Ce lugubre rire du forçat qui est comme un écho du rire du démon (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 117).Un forçat assassin s'était évadé et rôdait parmi nous. Les gens riches, en conséquence, ne sortaient pas la nuit (Camus, Possédés,1959, 2epart., 5etabl., p. 995). ♦ Travailler comme un forçat, faire un métier de forçat. Au fig. Travailler durement, jusqu'à épuisement. Après avoir travaillé nuit et jour, comme un forçat (Balzac, Annette,t. 1, 1824, p. 5): 1. ... C'est la circulation qui faut entretenir, et des massages, et tout... Un métier de forçat! Notez que j'ai des rhumatismes depuis le Maroc. Il y a des jours que je crie comme un gosse, en le maniant [le malade]. Il est si lourd!
Bernanos, Imposture,1927, p. 439. ♦ Vie, existence de forçat. Au fig. Conditions de vie très pénibles : 2. ... et alors le pauvre artiste reprocha pour la première fois à sa bienfaitrice de l'avoir arraché à la mort, pour lui faire une vie de forçat pire que le néant, où du moins on se reposait, dit-il. Et il parla de fuir.
Balzac, Cous. Bette,1846, p. 66. B.− Au fig. Personne dont l'existence se passe à travailler durement et qui est dans un dénuement total : 3. Nous le noir genre humain farouche, nous la plèbe,
Nous, les forçats du sol, les captifs de la glèbe,
Nous qui, de lassitude expirants, n'avons droit
Qu'à la faim, à la soif, à l'indigence, au froid,
Qui, tués de travail, agonisons pour vivre...
Hugo, Légende,1883, p. 299. − Personne qui travaille beaucoup (souvent avec l'idée d'un travail répétitif). M. Desgoffes, le forçat de la nature morte (Huysmans, Art mod.,1883, p. 83).Je ne conçois pas qu'il renonce à vivre pour produire, qu'il devienne le forçat de son œuvre (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 38). Prononc. et Orth. : [fɔ
ʀsa]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1528 (La Grande bataille et victoire du seigneur Conte Philippin Doria contre l'armée du roy d'Espaigne ds V.-L. Bourrilly, Le Journal d'un bourgeois de Paris, Paris, 1910, p. 298 d'apr. J. Fennis, La Stolonomie, Amsterdam, 1978, p. 347). Empr. à l'ital. forzato « galérien », attesté dep. le xvies. (Guicciardini ds Batt.), part. passé subst. de forzare (forcer*) pris au sens partic. de « condamner » attesté dep. le xvies. (Pasqualigo ibid.). Le mot ital. a aussi été adapté sous la forme forcé au xvies. (1534, Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, M. A. Screech, V. L. Saulnier, p. 214); cf. aussi forsaire « forçat », attesté au xvies. (dès 1521) et empr. à l'ital. forzaro « id. », prob. d'orig. vénitienne (v. J. Fennis, op. cit., pp. 346-347). Fréq. abs. littér. : 617. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 205, b) 1 825; xxes. : a) 487, b) 323. Bbg. Hope 1971, p. 195. − Lew. 1960, p. 112. − Rommel 1954, p. 56, 61. − Vidos 1939, p. 26, 398, 609. |