| FORTEMENT, adv. A.− [Adv. de manière, modifiant un verbe ou un part.] Avec force. 1. Domaine concr. a) En exerçant une action physique puissante, vigoureuse. Appuyer, comprimer, presser, serrer, tenir fortement; ébranler, frapper, secouer fortement; respirer fortement. Deux mains robustes le saisirent à la gorge et l'étreignirent si fortement qu'il ne put pousser un cri (Ponson du Terr., Rocambole,t. 4, 1859, p. 214).Pendant le sommeil le sympathique agit fortement, le corps se nourrit (C. Bernard, Notes,1860, p. 142): 1. Son propre cœur faiblissait, et il se demanda un instant s'il n'allait pas avoir une syncope. Il dut aspirer fortement à plusieurs reprises.
Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 49. − En partic. (Contours, traits) fortement accusés, dessinés, marqués. Qui ressortent avec une grande fermeté, une grande netteté. La bouche et le menton fortement marqués indiquent un caractère remarquable de force, de foi résignée (Michelet, Journal,1844, p. 559).Il se représentait la belle tête de son père fortement sculptée sous l'éclairage de la lampe (Chardonne, Varais,1929, p. 156). b) D'une manière solide, propre à tenir bon, à résister à une action extérieure. Attacher, lier fortement; adhérer fortement; (choses) fortement assemblées, assujetties, unies. La mère, grande, paisible, fortement bâtie (Taine, Notes Paris,1867, p. 62).C'étaient les trois dames de Brécé, (...) vêtues de lainages noirs et fortement chaussées (France, Anneau améth.,1899, p. 42).Des chalands fortement affourchés sur quatre amarres (Bourde, Trav. publ.,1929, p. 240). − Au fig. Avec une grande cohésion ou une grande cohérence. (État, pouvoir) fortement centralisé; (État, pays) fortement constitué, organisé; (groupe, ouvrage) fortement structuré. L'antique famille sacerdotale, qui avait formé un groupe si bien uni, si fortement constitué, si puissant, fut pour toujours affaiblie (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 330): 2. Il [Beethoven] l'a conçu [un cycle de « lieder »] avec son habituel besoin d'unité, comme un seul lied, à épisodes variés, mais fortement charpenté et solidement bouclé dans un cadre bien fermé...
Rolland, Beethoven,t. 1, 1937, p. 168. 2. Domaine abstr. a) [Dans l'action] De façon puissante, énergique, efficace. Agir, réagir fortement; dire, s'exprimer, penser fortement; conseiller, recommander fortement; influencer fortement; insister fortement. Je trouverais au moins dans cette connaissance le moyen de me mettre fortement et efficacement au travail le jour où je le voudrais (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1844, p. 74).Grandeur des poètes de saisir fortement avec leurs mots, ce qu'ils n'ont fait qu'entrevoir faiblement dans leur esprit (Valéry, Tel quel I,1941, p. 28). b) [Dans les sentiments] D'une manière ardente, passionnée ou très vive. Désirer, espérer, vouloir fortement; éprouver, ressentir fortement; fortement ému, impressionné. Ce que vous sentez fortement, vous devez l'analyser profondément (Thibaudet, Réflex. litt.,1936, p. 16): 3. Quelque chose pourtant, pendant toutes ces années, me manquait obscurément. Quand une fois on a eu la chance d'aimer fortement, la vie se passe à chercher de nouveau cette ardeur et cette lumière.
Camus, Été,1954, p. 149. B.− [Adv. de quantité ou d'intensité] 1. [Modifiant un verbe ou une loc. verb.] Beaucoup, dans des proportions importantes. Rougir fortement; compromettre fortement; contribuer fortement à; abaisser, accroître, diminuer fortement. Un certain notaire dont il était alors fortement question dans le monde dramatique (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 90).Un soir que j'accompagnais chez lui un vieil ami qui avait fortement bu dans divers bars de la rue Blanche (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 41). 2. [Modifiant un adj. ou un part. passé employé comme adj.] À un degré élevé. (Pays) fortement boisé, industrialisé, peuplé; (plat) fortement épicé; (teint) fortement coloré; (solution) fortement concentrée; (pièce) fortement éclairée. Cet ovale est fortement échancré en arrière (Cuvier, Anat. comp.,t. 2, 1805, p. 128).Une famille très fortement provinciale (Proust, Prisonn.,1922, p. 326). Prononc. et Orth. : [fɔ
ʀtəmɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. fortmen « avec intensité; beaucoup; grandement » (Passion, éd. d'A. S. Avalle, 319 : Jesus fortmen dunc recridet); 2. ca 1050 « avec vigueur, énergie » (Alexis, éd. Chr. Storey, 22 : peiset lur en forment); 3. ca 1274 « solidement » (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 239). Dér. de fort1*; suff. -ment2*; fortement (ca 1245, Ph. Mousket ds T.-L.) d'apr. le fém. en -e, lui-même analogique. Fréq. abs. littér. : 2 304. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 757, b) 3 397; xxes. : a) 2 579, b) 3 220. Bbg. Bastin (J.). Adv. de manière. In : Nouv. glanures gramm. Riga, 1907, p. 28. |