| FORMULER, verbe trans. A.− Mettre en formule ou mettre en forme selon une formule. Il se résignait tranquillement à la quitter pendant toute une moitié de sa vie, pour aller préparer des liniments et formuler des pilules! (Sand, Cora,1833, p. 298): 1. − Il y a pourtant un remède, et j'essaierais de l'employer. Il est très simple. Il a été formulé, ça va bien vous étonner, par Napoléon. Les grands politiques comme lui, comme Bismarck, comme Richelieu, sont des manieurs d'hommes, par conséquent des observateurs et des psychologues de premier ordre. En amour, a dit l'empereur, la seule victoire est la fuite...
Bourget, Actes suivent,1926, p. 115. − Emploi pronom. réfl., vieilli. [Le suj. est une pers. ou une chose] Se formuler en.Prendre forme en, prendre la forme de. À six heures, il est fidèle à son poste, et se trouve planté, soit à l'Opéra, soit aux Italiens, prêt à se formuler en soldat, en Arabe, en prisonnier, en sauvage, en paysan (Balzac,
Œuvres div.,t. 2, 1830, p. 222).Les Royalistes piquèrent au cœur les Libéraux dans les endroits les plus sensibles (...). Ces luttes s'y formulèrent [en province] en quelques individus (Balzac, Cabinet ant.,1938, p. 20). B.− P. ext. Énoncer avec la concision et la netteté d'une formule. Formuler un jugement, des lois. C'est donc sur la réunion et la concordance des résultats que le médecin peut formuler ce diagnostic (Codet, Psych.,1926, p. 92).Le statut des fonctionnaires n'est pas près d'être formulé; je ne sais même pas s'il est formulable (Alain, Propos,1934, p. 1231): 2. Un jour, pour l'utilité des races futures, il avait songé à formuler un code théorique des principes d'un art dans la pratique duquel il excellait, et il avait, comme nous l'avons vu, choisi son neveu pour encadrer le fond de ses idées dans la forme qui pût les faire comprendre.
Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 63. − Emploi pronom. à sens passif. Les seules idées qui se réalisent sont celles qui se formulent (Proudhon, Révol. sociale,1852, p. 279).Des questions de toute nature, que je ne m'étais point posées dans le trouble des premiers instants se formulèrent nettement (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Allouma, 1889, p. 1313). C.− Énoncer, exprimer. Mais que ferez-vous ensuite? murmura-t-elle, cherchant une transition pour arriver à l'offre qu'elle n'osait formuler (Zola, Bonh. dames,1883, p. 759): 3. Yvette, tout à coup, fixa les yeux sur elle, et un soupçon, si vague qu'elle ne le formula pas, plutôt même une sensation qu'un doute, lui passa dans la pensée comme passe sur la terre l'ombre d'un nuage que chasse le vent.
Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Yvette, 1884, p. 529. − Emploi abs. C'est justement parce que je suis insensible à un certain genre de facéties, que je prise souvent l'esprit de ma femme. Car il part généralement d'une observation. Elle raisonne comme un homme, elle formule comme un écrivain (Proust, Guermantes 1,1920, p. 240). − Emploi pronom. à sens passif. Roublard, ayant vu du coin de l'œil son congé qui se formulait sur la bouche à demi ouverte de son chef, il prit carrément la parole (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 1ertabl., 3, p. 50). Rem. 1. Sur l'emploi gén. de formuler, il est intéressant de noter l'opinion de Sainte-Beuve : On abuse aujourd'hui de ce mot formuler, on l'emploie indifféremment pour exprimer, énoncer. Mais il est bien des cas, pourtant, où il trouverait sa place. On dira très-bien de quelqu'un de dogmatique et de tranchant : « Il formule ses opinions en articles de loi. » Exprimer, enfin, ne remplace pas formuler dans certains cas où l'on appuie sur le sens. M. Royer-Collard n'exprimait pas ses jugements, il les formulait (Nouv. lundis, t. 11, 1863-69, p. 220). 2. ,,Il convient surtout de sauvegarder l'opposition entre former un vœu et formuler un vœu, le premier syntagme signifiant l'attitude affective qui ne se traduit pas nécessairement sous la forme écrite et formuler un vœu qui implique une rédaction précise`` (Dupré 1972). REM. Formulable, adj.Qui peut être formulé. Il appartient au biologiste de faire, dans chacun des cas, la part des deux tendances. C'est donc en vain qu'on lui demande une définition de l'individualité formulable une fois pour toutes, et applicable automatiquement (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 13). Prononc. et Orth. : [fɔ
ʀmyle], (il) formule [fɔ
ʀmyl]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. xives. « énoncer avec précision » (Bouteiller, Somme rural, fo54b, éd. 1486 ds Gdf. Compl.); 1740 « rédiger, réduire en formules (ici, remèdes et ordonnances) » (P. Demours, Essais et observations de médecine de la Société d'Edimbourg, Paris, I, XVIII ds Fr. mod. t. 42, p. 280). Dénominatif de formule*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 1 160. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 536, b) 1 165; xxes. : a) 2 310, b) 2 457. Bbg. Darm. 1877, p. 80 (s.v. formulable). |