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FORMIDABLE, adj. et subst. masc.
I.− Adjectif
A.− Vieilli ou littér. Qui est à craindre ou qui inspire une grande crainte, qui est dangereux de nature ou terrifiant d'aspect. Aspect formidable; sinistre et formidable, formidable et monstrueux. Synon. effrayant, effroyable, redoutable, terrible.Les deux aiguilles [d'une pendule] unies à minuit enfantaient dans leur conjonction formidable l'heure des désordres et des crimes (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 120).Henley avait un masque de lion, des moustaches fauves et grises, une figure formidable dont l'imposant aspect était parfois joyeusement transformé par les éclats d'un rire immense (Valéry, Entret. [avec F. Lefèvre], 1926, p. 14):
1. ... l'heure, le lieu, la lune, les ronces et les choses confuses entrevues au fond, donnaient je ne sais quoi de formidable et de sauvage à cette mystérieuse chambre sans escalier, enfoncée dans la terre, avec le ciel pour plafond. Hugo, Rhin,1842, p. 316.
B.− Usuel. Extraordinaire, qui impressionne par sa force, sa puissance, sa masse ou sa taille. Bruit, voix, choc, poussée formidable. Synon. colossal, énorme, gigantesque, extraordinaire, fantastique.Un travail formidable s'accomplissait en lui, bouleversait jusqu'au fond de son être (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 260).La plage battue avec une écume formidable par la masse tonitruante de ce léonin Océan Indien (Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 25).Je retiens un formidable « merde » qui me brûle les lèvres (H. Bazin, Vipère,1948, p. 197).
P. ext., fam. Très grand, considérable par le nombre, la quantité. Somme, dépense formidable. Synon. astronomique, exorbitant, fabuleux, immense.Le nombre des décès a été formidable. Je n'ose donner les chiffres (Gide, Retour Tchad,1928, p. 939).Il se trouvait séparé d'Anne par des distances formidables que les renseignements du vieux Marguillier ne diminuaient pas (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 142).
C.− P. exagération, fam. [Avec valeur de superl. abs. marquant un très haut degré, pour exprimer un étonnement admiratif, une satisfaction sans réserve, dans quelque domaine que ce soit]
1. [En parlant d'une chose, notamment dans le langage affectif ou publicitaire] Très beau ou excellent, admirable, très remarquable, extraordinaire. Proposition, soirée formidable. J' (...) estime que l'humanité, à tout prendre, fait preuve d'un cran formidable (Gide, Journal,1929, p. 907).Philippe (...) regardait les statuettes d'un air animé. − Elles sont formidables. − Pas mal, dit Daniel. Elles ne sont pas mal (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 125):
2. [Un photographe] (...) me montre des livres d'art (...). Ses jugements se réduisent à cette phrase, toujours la même : « Regardez-moi ça! C'est formidable! » Giotto, formidable. Masaccio, formidable. Et Michel-Ange? Oh! Michel-Ange, lui, il est vraiment for-mi-dable! Green, Journal,1936, p. 58.
Loc. C'est formidable (!) Synon. c'est magnifique, merveilleux; c'est épatant, sensationnel (fam.).Claudel vient en juin. C'est formidable (Rivière, Corresp.[avec A. Fournier], 1908, p. 68):
3. J'entendais hier un grand diable blond qui dépliait son journal : « Neuf partout, disait-il, c'est formidable »; il parlait du tour de France, il célébrait les athlètes, comme faisait Pindare. Ceux qui peuvent courent; ceux qui ne courent pas applaudissent. Alain, Propos,1931, p. 1035.
[En emploi abs., exprimant toute une prop.] Vous vous rappelez Noces, de Strawinsky? Formidable. Moi, c'est simple, je ne connais que ça (Arland, Ordre,1929, p. 261).
2. [En parlant de pers.]
a) Très sympathique, très serviable, etc. Type formidable. Frédé était formidable : dix-huit heures de travail par jour, toujours volontaire pour les coups durs (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 10).
b) Extraordinairement doué. Synon. remarquable.Ce Garou-Garou, disaient-ils [des collègues], est un homme formidable, un surhomme, un génie (Aymé, Passe-mur.,1943, p. 16).Mathieu lui rendit la photo. − Elle est bien. − Au lit, dit Pinette, elle est formidable. Tu ne peux même pas t'imaginer (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 77):
4. La jeunesse n'a pas connu notre civilisation, et la civilisation prochaine n'est qu'une ébauche. Cette jeunesse a beau se dire futée, formidable, sensas, mérovingienne, du tonnerre et se laisser pousser la barbe, elle n'est pas moins contrainte à danser sur place... Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 229.
3. Très fam. [En parlant de qqn ou de qqc. qui surprend, pour exprimer étonnement, insatisfaction, impatience] Étonnant, surprenant. C'est tout de même formidable! Synon. bizarre, incroyable, renversant, inimaginable, inouï.Si j'allais au travail ... mais « on ne veut pas que je sorte d'ici [du blockhaus] », c'est formidable! (Dussort, Lettres,1930, dép. par G. Esnault, 1938, p. 3).Il a trouvé le moyen de se faire refuser avec treize idées! C'est formidable, n'est-ce pas, Monsieur? (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 144):
5. ... − Venez au Mexique, Monsieur Pasquier (...). Vous verrez les bureaux. Vous verrez surtout votre avocat. Et vous ferez un beau voyage. − Vous êtes formidable! s'écria Joseph. Est-ce que vous vous imaginez, par hasard, que j'ai le temps de faire du tourisme? Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 55.
Rem. 1. ,,La caractéristique de cette sorte d'adjectifs à valeur de superlatifs, c'est qu'ils sont disponibles pour toutes les situations puisqu'ils n'indiquent en définitive que le très haut degré, sans autre valeur sémantique particulière. Ils peuvent donc caractériser n'importe quoi : un film formidable (= admirable). Un courage formidable (= extraordinaire). Un comique formidable (= très drôle)`` (Dupré 1972). 2. On relève ds la docum. a) L'abrév. formid(e) ou formi. Formi, s'exclama Zazie enthousiasmée (Queneau, Zazie, 1959, p. 90). b) Formidable renforcé par très (rare). Ce n'est pas dangereux du tout [une moto] et c'est très formidable (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 203). 3. L'adj. a suivi la même évolution sém. (affaiblissement de sens) que épatant, sensationnel, terrible, extraordinaire (abrév. sensas, extra, super), du tonnerre, etc.
II.− Subst. masc. Verre de bière de quatre-vingts centilitres de contenance. Garçon, un formidable. Ayant bu son troisième formidable à l'honorable « Brasserie Lipp » (San-Antonio, Fais-moi des choses,Paris, Le Fleuve noir, 1978, p. 9).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀmidabl̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1392 « qui inspire la crainte » (Philippe de Mézières, Testament ds Z. rom. Philol. t. 95, p. 613 note 7); 1826 « extraordinaire, sensationnel » (Balzac, Physiol. mar., p. 123). Empr. au lat. class. formidabilis « redoutable, terrible ». Fréq. abs. littér. : 1 985. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 833, b) 4 128; xxes. : a) 3 724, b) 2 042. Bbg. Duch. Beauté. 1960, p. 142. − Gall. 1955, p. 14, 33, 46, 47, 48, 454.