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FORGE, subst. fém.
A.− Dans le domaine artisanal
1. Atelier où l'on travaille les métaux à l'aide du feu et du marteau. La forge d'un serrurier, d'un armurier, d'un orfèvre (Ac.). Marteau de forge. À dix-huit ans, le travail de la forge m'avait élargi les épaules (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 136):
1. On avait envoyé chez elle en logement un seul Allemand, un brave garçon d'une trentaine d'années, qui s'appelait Paul et travaillait à la forge de Donadieu à ferrer les chevaux et réparer les ferrures des fourgons et des caissons. Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 39.
P. métaph. L'orateur à la voix sourde, qui usait du mot propre dans une forge à néologismes mal construits (Blanche, Modèles,1928, p. 36):
2. − Que suis-je au milieu de cette machine? se dit Birotteau, tout étourdi par le mouvement de cette forge intellectuelle où se manutentionnait le pain quotidien de l'opposition, où se répétaient les rôles de la grande tragi-comédie jouée par la gauche. Balzac, C. Birotteau,1837, p. 265.
2. P. méton. Fourneau de la forge, muni d'une soufflerie, qui est utilisé pour le travail à chaud des métaux. Charbon de forge (sorte de houille grasse). Une jolie petite maison, qu'éclairait mollement la forge d'un maréchal-ferrant allumée de l'autre côté de la route (Hugo, Rhin,1842, p. 37).Un gros vieux homme ardent, essoufflé, qui rougeoyait comme une forge (Gide, Si le grain,1924, p. 457):
3. Voici comment ça se confectionne, ces rubans-là. On vide dans la forge la hotte d'un chiffonnier en vieux fer. On prend tout plein de vieille ferraille, des vieux clous de maréchal, des fers à cheval cassés... Hugo, Travail. mer,1866, p. 171.
Loc. Souffler comme une forge. Avoir le souffle court, oppressé.
P. métaph. Elle allait vivre dans un brasier, dans la forge haletante de la spéculation (Zola, Argent,1891, p. 242).Pour lui ces chants n'étaient que quelques étincelles jaillies de la forge intérieure (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 554).
En partic. Fourneau de forge portatif, de dimensions réduites. Forge de campagne. Un forgeron vint en même temps, avec sa forge, ses clous, ses tenailles (Renan, Souv. enf.,1883, p. 86).
De forge.Feu, soufflet de forge. Le choc vibrant et régulier d'un marteau de forge sur une enclume (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Abandonné, 1884, p. 469).Le tapage de leurs semelles frappant simultanément le pavé sonnait la danse précipitée du marteau de forge sur l'enclume (Courteline, Train 8 h. 47,1888, 2epart., 8, p. 189).Le soleil sortait seulement, tout rouge, d'un éclat qui donnait aux yeux, comme un fer de forge (Pourrat, Gaspard,1931, p. 221).
[P. allus. à la myth. gréco-lat.] La caverne de l'Etna creusée dans une mine d'argent, avec la forge de Vulcain, au fond (Zola, Nana,1880, p. 1218):
4. Dans les antres de Lipara Héphaistos allume ses forges. Il lève, l'illustre ouvrier, Ses bras dans la rouge fumée Et bat sur l'enclume enflammée Le fer souple et le dur acier. Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 228.
Forges d'artillerie (fixes, ou mobiles en temps de guerre). Toutes les forges d'artillerie, s'étant trompées de route (Zola, Débâcle,1892, p. 125).La direction des forges de l'artillerie avisait les quelques industriels français (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 78).
B.− P. ext., dans le domaine industr.
1. Vieilli. Établissement se consacrant à la fabrication du fer à partir du minerai ou de la fonte. (Dict. xixeet xxes.). Forges et Chantiers de la Méditerranée.
2. Vieilli, au sing. ou au plur. Entreprise industrielle de fabrication d'acier. Forge à l'anglaise, à la catalane. Les matériaux bruts fournis par la terre pour emprunter aux usines et aux forges la puissance et la légèreté de leurs fontes (Huysmans, Art mod.,1883, p. 95).Sur les trois hauts fourneaux des forges de Marchiennes, deux seulement étaient allumés (Zola, Germinal,1885, p. 1137).Aujourd'hui ses vallées sont obscurcies par les fumées des forges et des usines (Morand, Londres,1933, p. 43):
5. Et près de là les grandes forges soufflent leur haleine ronflante, pareille à des mugissements de lion apocalyptique; les hautes cheminées jettent au vent leurs panaches de flammes, et l'on entend des bruits de métal qui roule, de métal qui sonne, de marteaux énormes qui retombent. Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Voy. Horla, 1887, p. 1327.
En partic.
Maître* de forges. Lors de la Révolution il était maître de forges à Rambervilliers (Barrès, Cahiers, t. 6, 1907-08, p. 75).Les aciéries de Longwy, constituées par quelques maîtres de forges de la région (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1966, p. 336).
Comité des Forges (de France). Balimont (...) nota des renseignements à communiquer dès le lendemain à la rédaction du bulletin quotidien du Comité des Forges (Abellio, Pacifiques,1946, p. 129).Les accusations lancées contre le Comité des Forges après la première guerre mondiale (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 174).
Rem. Emploi rare. a) Avec le sens de « action de forger ». Ce n'est point le navire qui naît de la forge des clous et du sciage des planches (Saint-Exup., Citad., 1944, p. 825). b) Avec le sens de « façon de forger ». Quant aux canons, c'est de forge espagnole (Hugo, Travaill. mer, 1866, p. 171).
Prononc. et Orth. : [fɔ ʀ ʒ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 « atelier où l'on travaille les métaux » (Eneas, éd. J.J. Salverda de Grave, 4399). 2. 1770 « usine où l'on transforme la fonte en acier » (Raynal, Hist. phil., livre 17, p. 203). Du lat. fabrica « atelier, forge ». Fréq. abs. littér. : 627. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 598, b) 1 587; xxes. : a) 947, b) 735.