| FONTAINE, subst. fém. A.− Eau vive qui vient d'une source et se répand à la surface du sol; lieu où surgit cette eau. Bassin, bords, source d'une fontaine; fontaine jaillissante, intermittente, pétrifiante; aller, puiser (de l'eau) à la fontaine. La fontaine de l'Adoue. C'est un grand trou carré dans une paroi verticale de blocs calcaires. Un mince filet d'eau s'en échappe avec un bruit mélancolique (Claudel, Annonce,1912, II, 3, p. 48): 1. ... un ruisseau sorti d'une fontaine toujours pleine, dans une vasque naturelle, (...) sans que l'on voit le filet d'eau qui l'alimente, et couverte d'ombre l'été, de feuilles pâles l'hiver.
Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 7. − Spéc., ANTIQ. Fontaine de Jouvence. Fontaine fabuleuse dont les eaux avaient la propriété de rajeunir. ♦ Au fig. L'air de la mer rafraîchira peut-être ma pauvre cervelle endommagée. J'ai tant besoin d'une fontaine de Jouvence! (Flaub., Corresp.,1875, p. 194): 2. M. de ..., que des chagrins amers empêchaient de reprendre sa santé, me disait : « Qu'on me montre le fleuve d'oubli, et je trouverai la fontaine de Jouvence. »
Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p. 88. − Loc. proverbiale. Il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. Nul ne peut assurer qu'il n'aura jamais recours à telle personne, ou telle chose : 3. ... vous avez juré de ne plus remettre les pieds chez Madame de Mirval (...); et voilà qu'un petit billet vous fait tout à coup changer de résolution. Je ne vous blâme pas; mais vous voyez bien, vous qui faites des proverbes, qu'il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau.
Leclercq, Prov. dram.,Répét. prov., 1835, p. 395. − P. anal. ou p. exagér. Fontaine de lait; fontaine de larmes. J'ai quatre-vingt-neuf grands tonneaux de vin dans mes caves, tu feras établir quatre-vingt-neuf fontaines de vin dans mon parc (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 371).Il [Larrey] descendait et voyait à son cheval un grand trou au poitrail, d'où jaillissait une fontaine de sang (Goncourt, Journal,1892, p. 263).Pleurer comme une fontaine. − Au fig. Ce qui est à l'origine d'une chose. Cet amour, dont la religieuse ferveur s'était communiquée à Christophe, lui était une fontaine de paix (Rolland, J.-Chr.,Nouv. journée 1912, p. 1549): 4. Au milieu de la journée, quand le ciel ouvre ses fontaines de lumière dans l'espace immense et sonore, tous les caps de la côte ont l'air d'une flottille en partance.
Camus, Été,1954, p. 66. B.− P. ext. 1. Construction, généralement munie d'un bassin, aménagée pour l'écoulement et la distribution de l'eau. Fontaine publique; fontaine d'eau potable. Au milieu de la cour (...) est une fontaine à réservoir, qui distribue l'eau de la rivière dans tout l'hôpital (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 1081).Le charme de ce coin si ombreux était une fontaine, un simple tuyau de plomb scellé dans un fût de colonne (Zola, DrPascal,1893, p. 34): 5. Désirée (...) poussa le bouton d'une fontaine et fit cracher au broc que tenait, dans chacune de ses mains, un égyptien de pierre, une fusée d'eau qui éclaboussa une dame de la tête aux pieds.
Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 27. ♦ Borne*-fontaine. − En partic. Monument ornemental comprenant un ou plusieurs bassins, des jets d'eau et souvent agrémenté d'éléments sculptés. Une fontaine ornée de statues; les fontaines de Rome; fontaines lumineuses. Je m'arrêtai devant la fontaine Médicis. Le monument, noirci par les fumées de Paris, baignait dans l'eau noire, qui ne le réfléchissait pas (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 331): 6. − J'ai visité ce matin la nouvelle fontaine construite sur le boulevard du Temple, et alimentée par les eaux du canal de l'Ourcq : elle est composée de quatre bassins concentriques, disposés en amphithéâtre. Les trois bassins supérieurs sont coupés à angles droits par quatre massifs de pierre, supportant chacun deux lions de bronze qui jettent de l'eau par la gueule.
Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 19. − PHYS. Appareil où l'on utilise la pression et la force élastique de l'air pour faire jaillir un liquide. Fontaine de compression (Ac.1932).Fontaine de Héron (France, Pt Pierre,1918, p. 153). 2. Récipient muni d'un couvercle, d'un robinet et associé à un bassin, dans lequel on garde de l'eau pour les usages domestiques. Fontaine murale; fontaine en faïence. La fontaine de cuivre qui reluisait à l'un des angles de la cuisine (Soulié, Mém. diable,t. 2, 1837, p. 90).Paradis (...) désigne une petite fontaine en émail décoré de fleurs et pendue au mur. − Y a d'quoi se laver les mains (Barbusse, Feu,1916, p. 326). C.− P. anal. ,,Creux pratiqué dans un coin du pétrin pour y délayer la farine avec le levain`` (Ac. Gastr. 1962). − P. ext., ART CULIN. Creux pratiqué dans une masse de farine pour y incorporer quelque chose. Gâteau breton (...). Faire une fontaine. Mettre les jaunes d'œufs au centre (Les Desserts de nos provinces, Paris, Hachette, 1974, p. 55). REM. Fontal, ale, adj.Qui est la source, l'origine. La vie immense qui est cachée en lui [Dieu], cette vie fontale et originelle (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 3, 1921, p. 495). Prononc. et Orth. : [fɔ
̃tεn]. Enq. : /fõten/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 « eau vive » (Eneas, 3149 ds T.-L.); b) 1174-76 fig. « principe, origine » (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, Saint Thomas, éd. E. Walberg, 855); 2. 1281 « récipient pour usages domestiques » (C. Dehaisnes, Hist. de l'art ds les Flandres, t. 1, p. 76 : une fontaine d'argent dorée); 3. a) ca 1290 « fontanelle » (G. de Bibbesworth, Traité, éd. A. Owen, 87); b) 1872 « partie supérieure de la tête du cachalot » (Lar. 19e); 4. 1396-97 « construction aménagée pour l'écoulement de l'eau » (Compt. CC 30, fo13 vo, A. mun. Mézières ds Gdf. Compl.); 5. 1811 pâtiss. (Mozin-Biber). Du b. lat. fontana « source, fontaine », fém. subst. de l'adj. fontanus « de source », dér. de fons (fonts*). Fréq. abs. littér. : 2 303. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 747, b) 3 183; xxes. : a) 3 463, b) 2 807. DÉR. Fontainier, fontenier, subst. masc.a) Vx. Celui qui fabrique, vend ou répare les fontaines (supra B 2). Arsène. − Madame! ... un malheur... le robinet de la fontaine s'a cassé... C'est celui de l'eau filtrée... et je guette le fontainier quand il passera avec sa petite trompette (Labiche, Station Champb.,1862, I, 1, p. 234).b) Celui qui est chargé de l'installation, de l'entretien des fontaines publiques et, p. ext., des pompes, machines hydrauliques, conduites d'eau. Les artificiers jouent avec les mirages évanouissants du feu, comme les fonteniers jouent avec les chimères inconsistantes de l'eau (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 125).Intéressé par cette question grandiose [le fameux canal des deux mers], Riquet rêva, consulta des fontainiers, réfléchit, observa, se livra à des expériences sur les conduites d'eau (P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p. 204).− [fɔ
̃tεnje] ou, p. harmonis. vocalique, [fɔ
̃tenje]. Ac. 1798-1878 écrit fontenier [fɔ
̃t(ə)nje], mais Ac. 1835 et 1878 indiquent, en outre, la var. fontainier qui est la seule forme donnée ds Ac. 1932. De nombreux dict. renvoient de fontainier à fontenier (cf. Fér. Crit. t. 2 1787, Gattel 1841, Nod., 1844, Littré et DG) mais non les dict. les plus récents comme Pt Rob. ou Lar. Lang. fr. La forme fontenier est le résultat de l'affaiblissement de [ε] (ai) en [ə] (e) suivant le modèle meine/mener. Lorsque la graph. ai et la prononc. [ε] sont maintenues, c'est sous l'infl. de la forme accentuée fontaine (cf. Buben 1935, § 38). − 1reattest. 1292 (Rôle de la Taille, éd. H. Géraud, p. 87b : Phelippe, le fontenier); de fontaine, suff. -ier*. − Fréq. abs. littér. Fontainier : 5. Fontenier : 2. BBG. − Archit. 1972, p. 181. − Couture (B.). Les Réseaux d'eau. Meta. 1970, t. 15, p. 175; Terminol. du sanitaire et des techn. de l'eau. Banque Mots. 1973, no6, p. 178. − Hering (W.). Über den Zapfhahn und seine Namen in Frankreich. Z. rom. Philol. 1937, t. 57, pp. 387-420. − Ménard (P.). Je meurs de soif auprès de la fontaine. Romania. 1966, t. 87, pp. 394-400. |