| FOI, subst. fém. A.− [L'idée dominante est celle d'engagement] Vieilli ou dans des loc. 1. Assurance donnée de tenir un engagement. Violer, trahir sa foi; être fidèle à la foi donnée. Être prisonnier sur sa foi (Ac.). ♦ FÉOD. Foi et hommage. ,,Acte symbolique par lequel le vassal promettait fidélité à son suzerain`` (Lep. 1948). Faire, jurer foi et hommage. Notre grand-mère achète, avec tous ses droits féodaux, la seigneurie de Goncourt; prête, pour cette seigneurie, foi et hommage à Louis XVI (Goncourt, Journal,1861, p. 907).Homme de foi. ,,Le vassal qui doit, qui a rendu foi et hommage au seigneur dont il relève`` (Ac.). − Foi conjugale. Promesse de fidélité que le mari et la femme se font mutuellement au moment du mariage. J'ai trahi la foi conjugale, que j'avais jurée à don José, mon mari (Mérimée, Jacquerie,1828, p. 363): 1. De son côté, Montriveau, tout heureux d'obtenir la plus vague des promesses, et d'écarter à jamais les objections qu'une épouse puise dans la foi conjugale pour se refuser à l'amour, s'applaudissait d'avoir conquis encore un peu plus de terrain.
Balzac, Langeais,1834, p. 265. − Jurer sa foi, sur sa foi, par sa foi. Affirmer sous serment. Menteur! il m'a juré sa foi, et il y avait des témoins (Aymé, Vogue,1944, p. 69).Ma foi, par ma foi, sur ma foi, foi de (gentilhomme, honnête homme, etc.). Je le jure, j'en donne ma parole. Tiens, vois-tu, maintenant, foi d'homme, je suis fâché de t'avoir battue (Sue, Myst. Paris, t. 1, 1842, p. 64).Cléopâtre fut moins aimée, oui, sur ma foi! (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 1, Fêtes gal., 1869, p. 93). ♦ Loc. interjective, fam. Ma foi. [Pour appuyer, assurer une affirmation, une négation; parfois avec une idée de concession, voire de doute] Ma foi oui! ma foi non! ma foi! je n'en sais rien. Et ma, foi! je suis allé au bal (Halévy, Abbé Const.,1882, p. 22): 2. Le brave homme passait son temps (...) à soigner, élaguer une magnifique collection de rosiers (...) et ma foi! vous conviendrez bien que pour un pauvre petit cœur affamé d'idéal il n'y avait pas là une pâture suffisante.
A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 46. 2. a) Assurance, garantie résultant d'un engagement. Promettre qqc. sous la foi du serment. Ces Gaulois (...) sont des barbares cruels (...). Au mépris de la foi jurée, ils offensent la majesté de Rome et de la Paix (France, Clio,1900, p. 96).Les liens qui consacraient cette union devaient être d'autant plus inviolables qu'ainsi l'exigeait la foi jurée des traités (Recueils textes hist., 1906, p. 99).La foi jurée, le mariage qu'il y a entre elle et moi, je l'ai respecté (Claudel, Annonce,1948, IV, 2, p. 209): 3. Quand vous vous présenterez devant la Cour suprême, ce dont vous aurez besoin, ce n'est pas d'une vérité que personne ne croira, c'est d'une bonne déclaration sous la foi du serment, d'une déclaration qu'aucun tribunal ne puisse contester.
Camus, Requiem,1956, p. 850. − Loc. verb. Faire foi. Porter témoignage. Cette lettre fait foi qu'il est arrivé; ces papiers ne peuvent faire foi contre lui (Ac.) : 4. Quand les balles m'arrivent en face, monsieur le comte (montrant sa blessure à la joue), voilà qui fait foi que je ne détourne pas la tête pour les éviter...
Dumas père, Henri III,1829, II, 4, p. 154. − Loc. prép. ♦ Sur la foi de. En se fiant, en croyant à. Je rentre chez moi, toujours poursuivi par l'idée de Roset; je me refais beau en pensant à Reine, et je repars pour Maygremine, sur la foi d'une éclaircie (Arène, Figues,1870, p. 132).Il vint donc ce Maurice, que j'admirais en aveugle sur la foi de l'amitié que lui portait mon frère (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 164): 5. Si le peintre ne laissait rien de lui-même, et qu'on fût obligé de le juger, comme l'acteur, sur la foi des gens de son temps, combien les réputations seraient différentes de ce que la postérité les fait.
Delacroix, Journal,1847, p. 173. ♦ En foi de quoi (formule utilisée au bas de certains actes administratifs). En se fondant sur ce qui vient d'être lu. En foi de quoi j'ai signé le présent certificat (DG). b) Spéc. Fidélité aux exigences de l'honnêteté. S'en remettre à la foi de qqn (Ac.). − En partic.
α) Bonne foi. Qualité d'une personne qui a la conviction de se comporter loyalement. Protester de sa bonne foi, s'en remettre à la bonne foi de qqn. Il a mis une parfaite bonne foi dans toute cette affaire; tout homme de bonne foi conviendra que... (Ac.) : 6. Avec l'enfantine bonne foi du savant, le pasteur avait fait des plis aux pages où Jean Wier rapportait des preuves authentiques qui prouvaient la possibilité des événements arrivés la veille...
Balzac, Séraphita,1835, p. 304. De bonne foi; être, agir de bonne foi. S'il y a au contraire conspiration et péril, je pourrai faire ouvrir les yeux aux hommes de bonne foi (Chateaubr., Mél. pol.,1816-24, p. 178):7. Par une singulière coïncidence, cette dame passait sa vie à avoir la migraine, et comme on prononçait son nom Mal-Tête, je croyais de bonne foi que c'était un sobriquet qu'on lui avait donné à cause de sa maladie et de ses plaintes continuelles.
Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 322. En bonne foi, en toute bonne foi. Quand il a été porté à l'Élysée, − si quelqu'un était venu lui dire : « Vous voulez mener la France à la guerre », il aurait bondi d'indignation, en toute bonne foi (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 135).♦ DR. ,,État d'esprit consistant à croire par erreur que l'on agit conformément au droit et dont la loi tient compte pour protéger l'intéressé contre les conséquences de l'irrégularité de l'acte`` (Cap. 1936). Possesseur de bonne foi. Le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance, est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé (Code civil,1804, art. 1240, p. 223).Je vous conseille donc de transiger avec monsieur Gobseck, qui peut exciper de sa bonne foi (Balzac, Gobseck,1830, p. 418).
β) Mauvaise foi. Absence de sincérité, de franchise, de loyauté dans les intentions, dans la manière d'agir. Être de mauvaise foi. Une histoire altérée par l'ignorance ou la mauvaise foi; c'est mauvaise foi de votre part (Ac.). Et ma mère se plaignait, non sans mauvaise foi : − Grands dieux! Minet-Chéri, tu ne vas pas me traîner au Supplice d'une femme? (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 131): 8. Ce n'est pas tout de mentir. On doit mentir efficacement. On doit mentir aussi élégamment. Hélas, que d'obligations imposées aux pauvres mortels! Il faut être dans la mauvaise foi comme un poisson dans l'eau.
Montherl., Reine morte,1942, II, 1ertabl., 1, p. 167. ♦ DR. ,,Connaissance par une personne du mal fondé de sa prétention, du caractère délictueux ou quasi délictueux de son acte ou des vices de son titre`` (Cap. 1936). Possesseur de mauvaise foi, plaideur de mauvaise foi. La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver (Code civil,1804, art. 2268, p. 414). B.− [L'idée dominante est celle d'assentiment] 1. a) Confiance assurée en quelqu'un ou en quelque chose. Mettre toute sa foi en/dans qqc. : 9. ... il était merveilleux, ce petit homme brun à moustache cirée de sous-lieutenant, quand il parlait de réveiller par le sifflet de ses machines à vapeur les taureaux ailés du palais de Sargon. Napoléonien encore par sa foi en son étoile, par un optimisme communicatif et par la profonde possession de cette idée qu'on ne perd définitivement une affaire que quand on la croit perdue.
France, Vie fleur,1922, p. 515. ♦ Loc. verb. Avoir foi en/dans qqn, qqc.; avoir foi dans le témoignage de qqn; avoir foi dans le progrès, en son étoile, en l'avenir, dans sa chance. Les soldats avaient foi en leur général; avoir foi dans son médecin (DG) : 10. ... Pour que mes victimes
Eussent foi dans ma loyauté,
J'abritais mes pensers intimes
Derrière ma loquacité.
Rollinat, Névroses,1883, p. 286. Rem. On relève dans la docum. la constr. vieillie avoir foi à qqc. : J'avais foi aux paroles de mon père comme à un oracle, et les incertitudes qui sont malheureusement dans mon caractère cessaient toujours dès qu'il avait parlé (Staël, Corinne, t. 2, 1807, p. 253). − TECHNOL. Ligne de foi. Ligne qui sert de repère visuel dans un instrument. La ligne de visée [dans le canon de 75] est formée par un collimateur, dont les lignes de foi, l'une horizontale, l'autre verticale, sont tracées en croix sur (...) fond noir (Paloque, Artill.,1909, p. 168). b) En partic. Confiance. Un homme, un témoignage digne de foi; accorder une foi pleine et entière à qqn, à qqc. On apprend de source digne de foi que... (Le Monde,19 janv. 1952, p. 2, col. 1). ♦ Ajouter foi, prêter foi à qqc. Y croire. Il ne faut pas un grand effort d'imagination pour ajouter foi à la légende qui raconte que ce crucifix miraculeux saigne tous les vendredis (Gautier, Tra los montes,1843, p. 51).Faut-il, après cela, ajouter foi aux insinuations et aux accusations de Jean-Jacques (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 194). 2. Adhésion ferme et entière de l'esprit à quelque chose; en partic., croyance assurée à la vérité de quelque chose. Foi politique, philosophique, religieuse; ardeur d'une foi démocratique, patriotique. Quand la foi positive aura prévalu, le temps viendra de composer un nouveau catéchisme (Comte, Catéch. posit.,1852, p. 286).Je m'engage à te rendre la foi absolue dans la révolution et à la lui donner, à lui aussi (Bourget, Actes suivent,1926, p. 149).L'antisémite a choisi la haine parce que la haine est une foi (Sartre, Réflex. quest. juive,1946, p. 23): 11. ... il n'est pas de provincial quelque peu leste qui, de nos jours, ne se fasse un genre de n'avoir aucune foi politique et de ne pas se laisser prendre à la probité des gouvernants.
Renan, Avenir sc.,1890, p. 436. ♦ (Avoir) foi en/dans; avoir foi en l'immortalité, dans l'au-delà : 12. La foi dans la résurrection peut seule recomposer dans la transfiguration de la lumière (Paul) ou de la matière (Augustin) l'unité existentielle de l'homme, son composé d'âme et de corps.
J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 259. − Spécialement :
α) Croyance aux dogmes de la religion. Foi fervente, robuste; acte de foi; avoir, perdre la foi; il n'y a que la foi qui sauve; la foi est un don de Dieu; la foi, avec l'espérance et la charité, est une des trois vertus théologales. La doctrine luthérienne de la foi justifiante et de la certitude du salut implique la négation des sacrements (Théol. cath.t. 14, 1, 1938, p. 560).Ce pauvre Lazare était pourtant un solide compagnon. Il avait la foi qui déplace les montagnes (Aymé, Vogue,1944, p. 153): 13. ... il était homme de peu de foi; mais il avait à certaines heures des retours attendris vers la religion et des poussées mystiques.
France, Génie lat.,1909, p. 287. 14. ... la foi n'est pas seulement un acte de l'intelligence, une conviction, mais un acte de la sensibilité et de la volonté, un sentiment de confiance, un désir de soumission.
Martin du G., J. Barois,1913, p. 540. ♦ Foi du charbonnier. Foi d'un homme simple, qui exclut tout raisonnement. P. anal. C'est impossible de penser ce qu'on ne pense pas, de vouloir ce qu'on ne veut pas; pour faire un bon militant, il faut la foi du charbonnier, je ne l'ai pas (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 224).
β) P. méton. L'objet de cette croyance. Prédication, propagation de la foi; article de foi; les ennemis de la foi; péchés contre la foi; abjurer sa foi, renoncer à la foi, renier la foi de ses pères; mourir pour la foi. La foi chrétienne n'est pas évidemment croyable (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 842).La tradition est la règle suprême de la foi! mais qu'est-ce que la tradition? et où pouvons-nous la consulter? (Boegner dsFoi et vie,1936, p. 108).La foi chrétienne a toujours impliqué un certain élément, spécifique et essentiel, d'obscurité (Marrou, Connaiss. hist.,1954, p. 144): 15. Comment ne pas mourir de honte quand on pense que c'est à nous qu'est confié le dépôt de la foi chrétienne et que c'est à nous de le transmettre?
Green, Journal,1949, p. 315. ♦ Profession de foi. ,,Exposition des dogmes ou principes que l'on tient pour orthodoxes`` (Littré); déclaration publique de sa foi. Je vous ai décrit (...) les rites d'une profession de foi à Solesmes (P. Lalo, Mus.,1899, p. 476): 16. L'unité de Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles est encore énoncée dans la profession de foi que Pie IV rédigea à la demande du concile de Trente.
Théol. cath.t. 4, 1, 1920, p. 1298. P. anal. Il avait écrit une profession de foi républicaine d'un style superbe (Zola, E. Rougon,1876, p. 75).On pourrait croire qu'il s'agit ici d'une simple profession de foi philosophique (Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 198).− Expr. N'avoir ni foi ni loi. Être sans religion et sans morale. Eh! bien, mon bon monsieur Rivet, lui dit-elle [Bette] (...) vous aviez raison, les Polonais (...) tous gens sans foi ni loi (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 104).Croire une chose comme un article de foi. La croire fermement. Ce n'est pas un article de foi. C'est une chose qui ne mérite pas ou qui ne paraît pas mériter de créance (d'apr. Ac.). REM. 1. Foi-mentie, subst. fém.Rupture du serment de fidélité liant le vassal à son suzerain; p. ext. infidélité aux engagements. Trois fois on demandoit le nom du dégradé, trois fois le héraut d'armes répondoit qu'il ignoroit ce nom et n'avoit devant lui qu'une foi-mentie (Chateaubr., Ét. disc. hist.,t. 3, 1831, p. 408). 2. Foimentir, verbe intrans.Manquer à sa parole, à ses engagements. C'est (...) la traditionnelle recommandation de spolier et de foimentir, anciennement notifiée aux six mille Hébreux de l'Exode qui s'en allèrent d'Égypte chargés de trésors empruntés pour ne pas les rendre, aidés en cela par le Seigneur même qui les protégea dans leur fuite (Bloy, Salut par Juifs,1892, p. 184). Prononc. et Orth. : [fwa]. Ds Ac. 1740-1932. Homon. foie, fois. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 feit « fait de croire en Dieu » (Alexis, éd. Chr. Storey, 2 : Quer feit i ert e justice ed amur); 1539 [éd.] « le dogme lui-même; la religion » la vraye Foy Chrestienne (Calvin, Institution chrétienne, éd. J. D. Benoit, livre 3, chap. 2, § 6, note b); 1632 article de foi (Corneille, La Veuve, acte I, sc. 2, 132); p. anal. 1817 « toute adhésion de l'esprit ferme à une chose révérée comme un culte » (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, p. 245); 2. a) ca 1100 « assurance donnée d'être fidèle à une parole, à une promesse... » (Roland, éd. J. Bédier, 403); 1181-86 « fidélité aux principes, à la parole donnée; loyauté » bone fois (Gace Brulé, Chansons, éd. H. P. Dyggve, XI, 5); 1283 male foi (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 613); b) ca 1265 « véracité (d'une parole, de qqc.) » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, livre I, chap. 4, p. 21); 3. 1180-91 « confiance qu'inspire la parole d'autrui » ici « lien de confiance réciproque » (Chr. de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 8853); 1551 [éd.] « entière confiance que l'on met en quelqu'un, quelque chose » adjouter foy (Calvin, op. cit., livre I, chap. VIII, § 3). Du lat. class. fides « foi, confiance; ce qui produit la confiance, bonne foi, loyauté; promesse, parole donnée »; lat. chrét. « confiance en Dieu ». Fréq. abs. littér. : 12 362. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 19 923, b) 15 805; xxes. : a) 18 482, b) 15 987. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 130. − Gelineau (J.). Él. de réflexions sur Foi et langage. Foi Lang. 1977, no2, pp. 84-89. − Quem. DDL t. 2, 6. |