| FOIE, subst. masc. A.− ANAT. Viscère brun rouge, volumineux, de l'homme et des principaux vertébrés, situé dans l'hypocondre droit et une partie de la région épigastrique, sécrétant la bile et exerçant de multiples autres fonctions. Foie paresseux, douleur au/du foie, fonction glycogénique du foie, avoir mal au foie. Les malades dont le foie est plus ou moins attaqué sont disposés à l'impatience, à la colère (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 217).Le foie sécrète de la bile, détruit les poisons et les microbes, emmagasine du glycogène, règle le métabolisme du sucre dans l'organisme entier, produit de l'héparine (Carrel, L'Homme,1935, p. 121): 1. En dehors du sucre qu'il met en réserve sous forme de glycogène pour le distribuer par la suite, le foie fixe également les matières protéiques, comme l'ont respectivement montré et confirmé Claude Bernard et Léon Binet. Gilbert et Carnot ont établi qu'il fait de même pour les matières grasses (...). Son activité chimique est considérable et lui a valu le qualificatif de « laboratoire central ».
Bariéty, Coury, Hist. méd.,1963, pp. 690-691. SYNT. Cancer, cirrhose, crise, douve du foie; calculs, canaux, hile, ligaments, lobes, sillons du foie. − En partic. ♦ Par réf. aux croyances et coutumes. [Le foie considéré jadis comme siège des vertus guerrières, de l'animosité, de l'amour, etc.] Des palabres sanglantes où l'on arrachait le foie des morts pour manger leur courage, et se l'incorporer (Maran, Batouala,1921, p. 78).P. ext. Organe vital (au même titre que le cœur, les poumons). M. Clavier s'affaissa dans son fauteuil. S'il eût reçu un coup de lance dans le foie, il n'eût pas été plus décoloré (Gozlan, Notaire,1836, p. 64).Moribonds crachant leurs foies, comme dit le peuple (A. Vitu dsLe Figaro,5 nov. 1874ds Zola, Théâtre, t. 2, Paris, Bernouard, 1927, p. 696). ♦ [P. réf. au mythe de Prométhée condamné à avoir le foie dévoré perpétuellement par un vautour] Au fig. J'ai été clouée un instant à ton flanc comme Prométhée mais je n'ai pas attendu qu'un vautour vînt m'y ronger le foie (Sand, Lélia,1839, p. 405).Ce vautour qu'une crise vous met dans le foie (Goncourt, Journal,1894, p. 540).Pop. Se manger, se ronger le(s) foie(s). Se faire du souci. J'ai préféré me renfermer dans ma mansarde, et me ronger le foie solitairement. La mélancolie a des instincts de vampire (Amiel, Journal,1866, p. 150).Ils ont mauvaise tête, et le vôtre, ma pauvre dame, s'est trop rongé les foies (Chardonne, Varais,1929, p. 218). − Pop., loc. fig. Avoir les foies (blancs). Avoir peur, manquer d'audace, d'énergie. Ça te va bien de parler d'attaque, toi qui t'es toujours planqué, foireux! (...). − (...) s'il fallait que j'fasse l'attaque, j'aurais pas plus les foies que toi (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 84).Ej'veux qu' not' vétérinaire il ait les foies blancs, et l'sang tout caillé par la peur! (Martin du G., Gonfle,1928, II, 5 p. 1209).P. méton. Foie blanc. Poltron, individu prêt à toutes les trahisons. Tu ne fais tout de même pas le malin [− maintenant que te voilà blessé −], dis, foie blanc (D'Esparbès, Bris. fers,1908, p. 281).Donner les foies (à qqn). Faire peur. − Le quartier n'est pas de tout repos non plus. (...) − Ah! vous me donnez les foies! (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 250).(Vouloir) bouffer, manger les foies (à qqn). Éprouver, manifester une grande colère. Outré de colère, il porta plainte contre le Simion. (...). Après cela, les deux hommes se seraient mangé les foies (Pourrat, Gaspard,1922, p. 68).Batiss' li aurait bouffé les foies (...) de colère, à cette foutue gueuse de garce de société de merde (M. Stéphane, Ceux du Trimard,1928, p. 156). B.− [Le foie animal dans ses diverses utilisations] 1. GASTRON. Foie des animaux de boucherie, des volailles, du gibier, parfois des poissons, utilisé comme aliment ou ingrédient alimentaire. Une tranche de foie d'agneau/de bœuf/de mouton/de veau; manger du foie. Marguerite croit bien faire en ajoutant un filet de vinaigre au foie de porc sauté. Je n'aime pas le foie de porc et cette façon de l'accommoder me le rend indigeste (Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 22).Mouiller de vin blanc le beurre où cuiront vos laitances de carpe et vos foies de raie (Bernanos, Joie,1929, p. 551): 2. Le foie est un bon aliment, facilement assimilable, quand il provient d'animaux jeunes; mais il exige une cuisson suffisante, pour détruire les germes infectieux, d'origine intestinale, dont il est souvent envahi.
Macaigne, Précis hyg.,1911, p. 218. SYNT. Crème, mousse, parfait, pâté, terrine de foie. − En partic. Foie gras. Foie des oies, des canards engraissés par gavage. Foie gras truffé. César maintenant décoiffait la terrine de foie gras avec des précautions délicates (...) chacun mangea avec une lenteur respectueuse la charcuterie enfermée dans le pot de terre jaune (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Héritage, 1884, p. 477).Leur chair [des mulards] est fine; par gavage, on obtient des foies gras qui soutiennent la comparaison avec ceux des oies (Wolkowitch, Élev.,1966, p. 75): 3. On m'a appris que l'on achevait de les gorger [les oies] et on m'a servi le premier foie gras de la saison. Fumant, rebondi comme un cœur aux ventricules énormes, légèrement roussi et croustillant, baigné dans un jus onctueux exsudé de la chair même, il reposait sur un lit de raisins saupoudré de chapelure. Je l'ai savouré; je me suis réjoui dans mon cœur de ce régal...
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 41. − P. métaph., fam. Avoir les jambes en pâté de foie. Avoir peur, se sentir faible (attesté ds Rob. et Car. Argot 1977). 2. PHARM. Huile de foie de morue. Remède fortifiant, riche en vitamines A et B, extrait du foie de la morue. Je prends de l'huile de foie de morue pour me tonifier un peu (Flaub., Corresp.,1870, p. 226): 4. On m'a fait prendre de l'huile de foie de morue : ça c'est le comble du luxe : une drogue pour te donner faim pendant que les autres dans la rue, se seraient vendus pour un bifteck...
Sartre, Mains sales,1948, 3etabl., 3, p. 98. C.− [P. anal. de couleur] (Couleur de) foie, etc. Couleur rappelant celle du foie. La masse se colore successivement en brun de foie, en rouge (Manuel fabricant de couleurs,t. 1, 1884, p. 344).Le soleil couleur de foie (Claudel, Ville,1893, I, p. 338).Cette couleur que les collectionneurs de monochromes chinois nomment « foie de mulet » (Morand, Bouddha,1927, p. 39). REM. 1. Foie(-)de(-)bœuf,(Foie de bœuf, Foie-de-bœuf) subst. masc.,bot. Champignon polypore, au large chapeau en console et à surface visqueuse, couleur rouge sang foncé, croissant sur les chênes et les châtaigniers, comestible. (Quasi-)synon. langue-de-bœuf.S'acharner (...) sur les vénérables « foies de bœuf », sur ces précieuses petites oronges (H. Bazin, Bur. mariages,1951, p. 186). 2. Foie-de-veau, subst. masc.géol. Calcaire jaunâtre marneux qui compose l'assise supérieure de l'étage hettangien de Bourgogne et qui se situe dans la partie inférieure du système liasique (d'apr. Lar. 19eSuppl.-Lar. 20e, Guérin 1892, Quillet 1965). La zone supérieure ou calcaire foie-de-veau devient aussi ferrugineuse à Mazenay (Lapparent, Abr. géol.,1896, p. 253). Prononc. et Orth. : [fwa]. Passy 1914 admet également [fwɑ] (cf. aussi Fér. 1768 et Fér. Crit. t. 2 1787) qui le qualifient de ,,monos. long`` et mettent en garde contre l'orth. foye ,,qui ferait prononcer [fwɑ:j] l'y faisant fonction de deux i``. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [viiies. ficato (Gloses de Reichenau, éd. A. Labhardt, Glossarium biblicum codicis Augiensis CCXLVIII, 1948, no1377, p. 31, col. 1); viiie-ixes. figido (Gloses de Cassel, ibid., p. 40, 1. 52)] 2emoitié xiies. [date ms.] firie (Roland, éd. J. Bédier, 1278); xiies. [date ms. cas suj. feis (Couronnement Louis, éd. A. Langlois, 543); xiiies. [date ms. Guiot] foie (Chr. de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 4237). Du b. lat. ficátum « foie gras » d'où plus gén. « foie » formé sur ficus « figue » comme calque du gr. σ
υ
κ
ω
τ
ο
́
ν « foie gras (d'animal nourri de figues) » dér. de σ
υ
κ
ω
̃ « nourrir de figues », de σ
υ
̃
κ
ο
ν « figue ». Le modèle gr. prob. accentué et prononcé de différentes manières par les latins est sans doute pour beaucoup dans les altérations subies par ficátum qui est ainsi à l'orig. de formes variées dans les lang. rom. (v. notamment G. Paris, Ficatum en roman ds Mél. linguistiques publ. par M. Roques, pp. 532-553 et BBG ds FEW t. 3, p. 492a). Pour le fr., on retiendra le changement d'accentuation en fícatum, d'où fícitum expliquant la forme figido des Gloses de Cassel, puis, par métathèse, fidicum qui est à l'orig. des formes dial. de type fie (FEW t. 3, p. 490) et plus particulièrement de la forme firie de la Chanson de Roland avec altération de d en r (cf. G. Paris, op. cit., p. 273); parallèlement, une altération de fícatum en fécatum, d'où fécitum, puis, avec métathèse, fedicum, est à l'orig. de feie, foie. Fréq. abs. littér. : 978. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 694, b) 1 619; xxes. : a) 1 088, b) 1 191. Bbg. Arickx (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, no3, p. 130. − Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 593. − Neto (S. da Silva). As designações para figado nas linguas romanicas. Rom. Philol. 1958, t. 23, pp. 339-346. − Quem. DDL t. 8, 9, 12. − Rohlfs (G.). Die lexikalische Differenzierung der romanischen Sprachen. München, 1974, p. 19. |