| FLUIDE, adj. et subst. masc. I.− Adjectif A.− [En parlant d'un liquide ou d'un gaz] Qui s'écoule librement par suite du peu d'adhérence entre elles des molécules qui le composent. L'air et l'eau sont des corps, des substances fluides (Ac.).Il s'arrêtait, la bouche ouverte. Une larme de salive fluide brillait à sa lèvre inférieure (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 164): 1. On expliquait ainsi la température assez élevée de la surface terrestre, les phénomènes volcaniques avec laves fluides, les roches cristallo-schisteuses, qu'on rencontre partout, la température toujours montante des couches de plus en plus profondes...
Vernadsky, Géochim.,1924, p. 116. − P. anal. Circulation fluide. Circulation, trafic, qui ne sont pas freinés par les encombrements, les embouteillages. Cet étalement des retours a rendu assez « fluide » le flot de la circulation sur les grands axes (M. 19.5.64) (Gilb.1971). B.− P. métaph. ou au fig. 1. Dont l'écoulement rappelle celui d'un liquide. Elle secoue sa fluide chevelure sur sa robe blanche (Colette, Ingénue libert.,1909, p. 286).Les accords fluides s'étageaient; notre destin se renouait avec eux (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 47). 2. Qui coule avec facilité et harmonie. Un style fluide. Le style de M. Thiers, est ce dont on se préoccupe le moins en le lisant; il vient de source, il est surtout net, facile et fluide, transparent jusqu'à laisser fuir la couleur (Sainte-Beuve, Portr. contemp.,t. 4, 1846-69, p. 98). − [En parlant d'une pers.] Dont le propos est facile mais sans consistance : 2. [À Juste Olivier :] (...) Patin, qui professe avec distinction la poésie latine à la Faculté des Lettres, est un charmant et fluide improvisateur, mais il en porte trop les habitudes dans ce qu'il écrit.
Sainte-Beuve, Corresp.,t. 5, 1843, p. 287. 3. Qui échappe à des classements rationnels. Cette pensée fluide [de Bergson] me semblait liée intimement à l'expression et aux mots (Tharaud, Péguy,1926, p. 265). 4. Domaine milit.Instable, changeant. Une situation fluide. Le chef d'escadrons s'assit sur son lit (...) − La situation est certainement fluide. Nous ne savons pas au juste ce qui se passe. Dupont a évacué Cordoue... (Morand, Flagell. Séville,1951, p. 160). 5. Qui manque de rigueur. Les mœurs des habitants [de Karastra] étaient fluides, tolérantes comme l'eau (Morand, Bouddha,1927, p. 21). II.− Substantif A.− Tout corps liquide ou gazeux. Mécanique des fluides : 3. ... la densité du fluide étant proportionnelle à sa pression, la répulsion qui s'exerce entre les particules est proportionnelle à la distance respective des centres des particules.
Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 1, 1961, p. 300. ♦ PHYS. NUCL. Fluide de refroidissement. Fluide que l'on fait circuler dans un réacteur nucléaire pour en évacuer la chaleur (Nucl. 1964). ♦ Fluide nerveux. Impulsions nerveuses se déplaçant à travers le corps à la manière d'un courant électrique : 4. De même que le fluide nerveux, par ses mouvemens, est l'agent qui porte au foyer des sensations les impressions des objets extérieurs qui affectent nos sens, de même aussi ce fluide subtil est encore l'agent qui transporte du foyer des sensations dans l'organe de l'intelligence, le produit de chaque sensation exécutée.
Lamarck, Philos. zool.,t. 2, 1809, p. 375. B.− PARAPSYCHOL. Fluide (magnétique, astral, etc.). Force subtile pouvant émaner de certains êtres ou de certaines choses. Avoir du fluide. Séduisant comme le serpent, sa parole, ses regards [de Balthazar] épanchaient un fluide magnétique (Balzac, Rech. absolu,1834, p. 271): 5. Elle [la bonne Alberthe] m'a parlé de gros manuscrits dont les tables [tournantes] sont les auteurs, et qui feront sans doute la fortune de ces gens assez doués de fluide pour donner à la matière tout cet esprit.
Delacroix, Journal,1863, p. 118. − Au fig. Influence mystérieuse, ascendant. Encore une année d'écoulée : le rêve ne finit point! La nation est sous le fluide de l'Empereur! (Proudhon, Révol. soc.,1852, p. 136). REM. 1. Fluidiste, subst. masc.Adepte d'une théorie qui affirme l'existence et le pouvoir d'un magnétisme ou fluide émanant de certains êtres ou de certaines choses. Fluidistes et imaginationistes s'affrontèrent et, depuis la Commission Royale de 1782, déjà en majorité convaincue du rôle essentiel de la suggestion, une lignée sans failles, mais aux multiples embranchements conduit jusqu'à Braid, inventeur du terme d'hypnotisme, jusqu'à Babinski, jusqu'à Charcot, jusqu'à Bernheim, jusqu'à Pierre Janet, et jusqu'à Freud (Amadou, Parapsychol.,1954, p. 89). 2. Fluidiforme, subst. masc.Ce qui est à l'état fluide. Nous étions tous Lions et gens du meilleur ton (...). Il y avait Ferdinand Fitz-Fossillus Feldspar. Il nous renseigna sur (...) les aériformes, les fluidiformes et les solidiformes (Baudel., Nouv. hist. extr.,trad. d'E. Poe, 1857, p. 271). 3. Fluidomètre, subst. masc.Appareil de détection et de mesure du « fluide » (cf. fluidiste). Enfin, pour terminer cette décevante revue des fluidomètres, ne méconnaissons pas la valeur du dernier argument du Dr Pascal (...). Si les appareils de détection et de mesure du « fluide » avaient l'importance et la sûreté que certains leur prêtent, pourquoi la réalité des émanations fluidiques n'aurait-elle pas été admise, comme celle de tant d'autres radiations? (Amadou, Parapsychol.,1954p. 69). Prononc. et Orth. : [flɥid], [flyi-]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1356 adj. subst. « liquide » (J. de Mandeville ds Delb. Rec. d'apr. DG : la pierre de l'eclair (...) tombe avec le fluide ou le resplendissant); 2. 1549 « qui coule facilement » fig. en beau et fluide langaige (Du Bellay, La Deffence et illustration de la langue Francoyse, éd. H. Chamard, II, 5, p. 129); 1611 en parlant de l'eau (Cotgr.). Empr. au lat. class. fluidus « qui coule ». Fréq. abs. littér. : 1 670. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 601, b) 1 278; xxes. : a) 1 109, b) 969. DÉR. Fluidement, adv.Avec fluidité; à la manière d'un fluide. Douze mois qui ont glissé trop fluidement pour que leur durée pèse sur mon souvenir (Arnoux, Gentilsh. ceinture,1928, p. 72).[Correspond à fluide II B] Les marins et les militaires appliquent donc les lois du mouvement dans le but de toujours obtenir un même résultat, une émission de force par le plexus solaire et par les mains, deux organes que je nommerais volontiers les seconds cerveaux de l'homme, tant ils sont intellectuellement sensibles et fluidement agissants (Balzac, Théor. démarche,1833, p. 636).− [flɥidmɑ
̃], [flyi-]; ds Littré : flu-i-de-man. − 1reattest. 1548 « d'une manière coulante, facile » (Sébillet, Art poét., II, 15 ds Hug.); de fluide, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Gohin 1903, p. 358. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 199. |