| FLOT1, subst. masc. A.− Masse liquide agitée de mouvements divers. 1. Lame d'eau de mer soulevée par l'action du vent et dont la surface présente un mouvement d'ondulation plus ou moins accentué. Les flots de la mer, de l'océan. Flots agités qui se brisent sur les rochers caverneux (Bern. de St-P., Harm. nature,1814, p. 197).Des Antilles étaient venus les bois rares, des oiseaux diaprés et des coquilles où le bruit des flots sur ces plages heureuses chantait (Gide, Voy. Urien,1893, p. 16): 1. Si tu traversais l'océan, (...) tu verrais du moins la vague venir sur la vague, et même quand tu serais saisi par l'épouvante de l'abîme, tu apercevrais encore quelque chose. Tu verrais les dauphins qui fendent les flots verts et silencieux...
Nerval, Sec. Faust,1840, p. 205. ♦ P. anal. Flots d'un lac, d'un fleuve. La rivière paraissait ici rouler ses flots au fond d'un abîme naturel aux bords rapides (Gracq, Argol,1938, p. 99). − Au plur., littér. et poét. La mer. Le bruit, la fureur des flots. Dans les vues maritimes, le roulant azur des flots est renfermé sous l'azur fixe du firmament (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 551): 2. ... étonnée, et loin des matelots,
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.
Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine.
Son beau corps a roulé sous la vague marine.
Chénier, Bucoliques,1794, p. 168. SYNT. Flot écumant, amer, grondant, mouvant; flots agités, azurés, bleus, clairs, mouvants, mugissants, noirs, orageux; l'écume, le murmure, la surface des flots; le flot berce, coule, emporte, monte, murmure. 2. Au sing., MAR. La marée montante. Étale* de flot (anton. étale de jusant). Synon. flux.Le flot entre avec beaucoup d'impétuosité dans la Seine (Ac.1835-1932).Ils sortirent avec le jusant, rentrèrent avec le flot (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 176).Courant de flot (Chevrillon, Bret. hier,II, 1925, p. 5). SYNT. Quart de flot, demi flot, trois quarts de flot; ancre de flot. 3. MÉD. Signe du flot. ,,Perception, par la main posée à plat sur un des flancs du malade de l'onde de choc provoquée par la percussion de l'autre flanc, traduisant l'existence d'un épanchement liquidien intrapéritonéal libre`` (Méd. Flamm. 1975). Flot transthoracique (Dévé dsNouv. Traité Méd.,fasc. 5, 1, 1924, p. 321). B.− P. anal. [Pour indiquer une grande quantité] Flot(s) + adj.Un flot de, des flots de (+ un subst. désignant un élément concret ou non). 1. [L'accent est mis sur le mouvement d'ondulation] Masse mouvante, de matière souple qui ondule à la manière des flots. Flots de rubans, de dentelles (cf. Musset, Mouche,1854, p. 301).Leurs longs cheveux, séparés par une raie médiane, leur tombaient en un flot bouclé et doré sur les épaules (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 154). 2. [L'accent est mis sur la masse de liquide en mouvement] Liquide produit et/ou versé en grande quantité. Verser des flots de vin. Un flot de larmes me monta jusqu'aux yeux (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 76).Un flot de liquides noirs sortit, comme un vomissement, de sa bouche (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1856, p. 188): 3. Elles firent entrer modestement dans leurs petites bouches une quantité étonnante de gâteaux au beurre et de confitures avec des flots de thé et de lait.
Gobineau, Pléiades,1874, p. 118. ♦ Flot rouge, écarlate, de pourpre. Flot de sang (cf. Leconte de Lisle, Poèmes trag.,1886, p. 110).De part en part, des poumons étaient traversés, les uns d'un trou si mince, qu'il ne saignait pas, les autres d'une fente béante d'où la vie coulait en un flot rouge (Zola, Débâcle,1892, p. 334).P. ext. Flot de sang. Rougeur. Un flot de sang envahit les joues de la jeune fille (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 159). ♦ Flot de bile (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 336).Au fig. Déverser des flots de bile. ,,Invectiver quelqu'un, se plaindre violemment de quelque chose`` (Lar. Lang. fr.). ♦ Flots d'encre (au fig.). Production littéraire très abondante. Ces femmes qui plongent leurs peines de cœur dans des flots d'encre, et versent sur le papier les trésors de pureté et de grâce que renferme leur imagination (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 207). − Ce qui, à la manière du liquide, se répand brusquement, se déverse, inonde. Un flot de fumée; soulever des flots de poussière. Ces flots d'or, d'azur, de lumière, Ces mondes nébuleux que l'œil ne compte pas (Lamart., Harm.,1830, p. 296): 4. D'ailleurs en cet instant le soleil parut, et un tel flot de lumière déborda par-dessus l'horizon qu'on eût dit que toutes les pointes de Paris, flèches, cheminées, pignons, prenaient feu à la fois.
Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 562. 3. [L'accent est mis sur la masse agitée de mouvements divers] Un flot humain, d'hommes, de voitures. Fendre les flots d'un nombreux auditoire (Ac.1835-1932).Sur le quai, on se bousculait, un flot de monde prenait d'assaut les secondes classes, à cause d'une fête qui avait lieu au Havre, le lendemain (Zola, Bête hum.,1890, p. 173). 4. Au fig. et dans des métaph. figées. Tout ce qui est prodigué avec abondance en se répandant à la manière des flots. Flot d'images déversé par la télévision; flot intarissable d'injures, de paroles; flot de joie. Flots de poésie (M. de Guérin, Poèmes poés.,1839, p. 129).Il est demeuré chez elle, dans la conversation, quelque chose de l'ingénuité expansive et du flot de paroles de la causerie des petites filles entre elles (Goncourt, Journal,1896, p. 973).La Missa Solemnis n'épuisait point, pour Beethoven, le flot d'émotions et de pensées, que soulevait en lui l'idée de la messe (Rolland, Beethoven,t. 2, 1937, p. 331): 5. Et plus triste encore, était ce tumulte recommençant, cette facilité d'indifférence et d'oubli, ce flot de vie qui montait inconscient, insouciant, joyeux, effaçant la douleur récente comme un léger sillon imprimé sur le sable.
Moselly, Terres lorr.,1907, p. 292. − Spéc. Mouvement violent et irrésistible. Le flot révolutionnaire. Être ballotté par le flot troublé de la vie (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 96).Alluvions apportées par le flot montant de la démocratie (Proust, Guermantes 1,1920, p. 15). Rem. Flot est utilisé dans ce sens par l'informat. Flot de données (Pil. 1969). Flot des travaux en entrée (Informat. 1972). 5. Loc. adv. À flots. À profusion, en abondance. Couler, jaillir, pénétrer, se répandre, tomber, verser à flots, var. à longs flots, à larges flots. La lumière s'épanche à flots sur leurs dômes [des hêtres], rejaillit sur les feuilles, ruisselle en nappes, d'étage en étage, jusque sur le gazon (Taine, Notes Paris,1867, p. 234).V. aussi bordereau ex. 1 et cœur ex. 53 : 6. ... mais les tonneaux crevés,
Forcés, déclos,
Laissent couler à flots
Les vins cuvés.
Péguy, Quatrains,1914, p. 532. − Au fig. La sève créatrice coule encore à flots trop chargés d'énergie dans les veines de ces enfants des siècles d'action (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 43). C.− À flot. [Dans qq. expr.] Être à flot. Avoir assez d'eau pour flotter et ne pas toucher le fond. Mettre ou remettre à flot un bateau. La marée baissant rapidement, il nous fallut beaucoup de travail et de temps avant de pouvoir nous remettre à flot (Crèvecœur, Voyage,t. 3, 1801, p. 263). ♦ Au fig. et fam. Être, se maintenir à flot. Avoir assez de moyens pour surmonter les difficultés financières, le volume du travail à fournir. Remettre à flot (une personne, une entreprise). Fournir l'aide nécessaire ou les fonds pour faire sortir d'une situation difficile. Je ne puis encore parler, mais j'ai l'absolue certitude de tout remettre à flot avant la fin de l'autre semaine (Zola, Argent,1891, p. 361): 7. Voyez-vous M. Lainé? Son heure approche, j'espère qu'il nous tirera de là, si on peut nous en tirer; un ministère de la partie raisonnable de la Chambre des Pairs, qu'on ne pourra accuser de démocratie, peut seul nous remettre à flot.
Lamart., Corresp.,1830, p. 39. − MAR. Bassin à flot (cf. bassin II C). Cf. Bourde, Trav. publ., 1929, p. 269. − TECHNOL. (flottage). Mettre du bois à flot. Le confier à un cours d'eau pour qu'il le descende en flottant. À flot perdu. En confiant les bûches une à une au courant. ♦ P. méton., vieilli. Train de bois qui flotte. Flot particulier, flot de communauté (Littré). Attesté en ce sens ds Littré, Nouv. Lar. ill. s.v. flottage et Lar. 20e. Prononc. et Orth. : [flo]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 « marée montante » (G. Gaimar, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 223); 2. 1176-81 « masse d'eau en mouvement » (Chr. de Troyes, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 851); 3. [1552 (Ronsard, Amours ds
Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 4. p. 77 : les flotz de ses deux tresses blondes)]; 1794 flot (de cheveux, etc.) [A. Chénier, Bucoliques, p. 29]; 4. 1662 « quantité considérable de liquide versé » (Corneille, Sertorius, III, 1). Au sens 1, d'abord attesté en norm. et en agn., prob. de l'a. nord. flód « flux », v. Romania t. 54, 1928, p. 400; FEW t. 15, 2, p. 147a, 149a; aux sens 2-4, d'un rad. frq. *flot- « flux, action de couler à flots », cf. le m. néerl. vlot « id. » (Verdam), vloten « couler à flots » (ibid.). L'a. fr. a également connu un terme fluet « fleuve; flot » (mil. du xiies. ds T.-L.), de l'a. b. frq. *fluod « fleuve; flot » (FEW t. 15, 2, p. 152a). Bbg. Gohin 1903, p. 336. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 95, 107, 188, 189. − Quem. DDL t. 2. |