| FIORITURE, subst. fém. Gén. au plur. A.− MUS. Trait d'agrément (non exempt de mièvrerie parfois) ajouté par l'exécutant à une phrase musicale pour donner plus de charme à son interprétation ou faire valoir sa virutosité. Sous les fioritures, les broderies, ou, comme on dit encore, les machicotages qui la défigurent [la cantilène grégorienne], on reconnaît le dessin primitif (Bénédictins, Paléogr. mus.,t. 2, 1889, p. 4).La supercherie, l'adjonction des fioritures, la fausseté des césures musicales, l'accompagnement délictueux, le ton de concert profane qu'on lui inflige à Saint-Sulpice (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 180).Les exécutants exerçaient leur talent en ornant ces reprises [des pièces de Suite] de toutes les fioritures et notes d'agrément suggérées par leur bon goût (...) ou leur désir de briller (D'Indy, Comp. mus.,t. 2, 1, 1897-1900, p. 114). − P. ext. ou anal. Ce sont des cascades de notes cuivrées, de trilles affolées, des fioritures extravagantes, des gammes sonores qui s'élancent sous le ciel, ainsi qu'un concert aérien; on dirait la fête des cloches (Du CampHollande,1859, p. 119).Quand je lis haut, je me gargarise avec ma voix, je fais des nuances et des fioritures (A. Daudet, Nabab,1877, p. 30). B.− ARTS PLAST., domaine de la décoration en gén.Détail ornemental aux formes extrêmement contournées, d'une complication parfois excessive. [David] a élagué les fioritures du rococo, il a dépouillé l'art des gentillesses décoratives, des ritournelles du pinceau (Hourticq, Hist. art,Fr., 1914, p. 315).Les artifices de facture, les jolies recherches, les fioritures de l'outil n'ont point de part à ces audaces fortes et sobres [au sujet des eaux fortes de Zorn] (Focillon, Maîtres estampe,1930, p. 178).Cf. aussi affété ex. 3 : L'apogée de la bourgeoisie, le Second Empire, verra apparaître un style qui est la négation de l'idéal affiché par elle avant de vaincre : sa surcharge, sa débauche de matières précieuses et de minutieuses fioritures ne sont plus là que pour témoigner de sa prospérité, maîtresse à son tour de disposer des marbres et des ors comme du capital humain que représentent les heures de travail.
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 368. − En partic., CALLIGRAPHIE. Détail ornemental ajouté à certaines lettres (notamment majuscules). Jetant sur le papier des majuscules fleuries, des boucles envolées, des fioritures étranges (Chardonne, Dest. sent., II, 1934, p. 53).Signature soulignée d'un paraphe simple et noble, dépourvu de fioritures et d'entrelacs féminins (Arnoux, Roi,1956, p. 28). ♦ P. anal. Oui, j'aime toutes les fumées (...) Les droites et les zigzagantes, Et celles qui font sur les cieux Des fioritures élégantes, Des paraphes prétentieux (Rostand, Musardises,1890, p. 231). − P. méton. Chose qui sert à orner par une certaine joliesse non dépourvue de frivolité et frisant parfois le mauvais goût. Qu'est-ce que c'est que cette fioriture derrière le joug? (...) Il désignait la poignée peinte en vermillon, que les grands laboureurs de la Nièvre ajoutent au joug de leurs bœufs, pour l'embellir... (R. Bazin, Blé,1907, p. 275).Une petite moulure de plâtre, une de ces vagues fioritures qui écumaient et déferlaient au pourtour du plafond (Duhamel, Confess. min.,1920, p. 202).Le pont des premières, méconnaissable, pavoisé de nappes, de tapis brodés, de fioritures que les marchands sont venus étaler pour la vente. (...). Ils ont dû replier leur pacotille (Gide, Journal,1938, p. 1296). C.− LITT., domaine de l'expr. verbale en gén.Manière d'écrire ou de parler, tournure de phrase caractérisée par une extrême recherche confinant à la préciosité et parfois condamnée pour sa superficialité, son affectation, son manque de clarté. Voilà des images et des fioritures assez inattendues sur les lèvres d'un portier. Étrange monde où les concierges parlent comme des poètes (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 261).C'est un charabia sans nom [un article de Boylesve] à force de vague, de fioriture et de mots prétentieux (Léautaud, Journal littér.,1922-24, p. 244).Nous sommes assez amis pour que je vous la [une question] pose tout de go, sans m'embarrasser de fioritures (Giono, Bonh. fou,1957, p. 326).Cf. aussi accommodeur ex. D.− Au fig. Adjonction d'éléments accessoires pour agrémenter ou dénaturer quelque chose, manœuvre habile, détour artificieux, etc. C'est une femme-homme d'affaires qui passe des marchés sans fioritures (Goncourt, Journal,1857, p. 312).Je voulais bien risquer ma vie (...) mais il fallait que ce fût tout simple, sans fioritures, sans ce que je craignais être du faux héroïsme (Vialar, Hte-mort,1951, p. 26). REM. 1. Fioriturer, verbe trans.Garnir de fioritures. Une grande pièce à usage de salon, moins surchargée de dorures que le hall mais assez fioriturée par des rinceaux à amours (Giono, Hussard,1951, p. 349). 2. Fiorituré, ée, part. passé de fioriturer et adj.Qui est agrémenté de fioritures. Le ton est le même dans les deux cas, grave et simple ici, là fiorituré, languide, énervé (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 4, Poètes maud., 1884, p. 86). 3. Fioritureur, adj. et subst. masc.(Personne) qui orne de fioritures (quelque chose). Les poètes sont trop fioritureurs (Balzac, Lettres Étr.,t. 1, 1850, p. 476).Le trouveur de jolis détails, le pareur, le fioritureur de ce qu'inventait de faisable son frère (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p. 148). Prononc. et Orth. : [fjɔ
ʀity:ʀ]. Ds Ac. dep. 1835; ds Ac. 1835-78 au pluriel. Étymol. et Hist. 1823 fioritures (Stendhal, Rossini, p. 171; Id., ibid., p. 305, emploie aussi le plur. ital. fioriture). Empr. à l'ital. fioritura, attesté ds le domaine musical dep. le xviiies. d'apr. DEI, proprement « floraison », dér. de fiorire (fleurir*). Fréq. abs. littér. : 45. Bbg. Hope 1971, p. 445. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 268. − Kohlm. 1901, p. 44. − Quem. DDL t. 14 (s.v. fioriturer). − Weil (A.). En Marge d'un nouv. dict. R. Philol. fr. 1932, t. 45, p. 20. |