| FINIR, verbe. I.− Emploi trans. A.− Trans. dir. 1. Mener à terme (un travail), (en) conduire l'objet à son achèvement. Il parla de travaux à finir (Zola, Curée,1872, p. 386).J'ai presque fini Prétextes [de Gide] (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p. 194).Il fera semblant de finir un calcul (Cocteau, Par. terr.,1938, I, 4, p. 204). SYNT. Finir une addition, un arrangement, une besogne, un chapitre, une conversation, la correction de qqc., de la couture, ses études, une guerre, une introduction, une lecture, une lettre, un livre, son ouvrage, un poème, un repas, une tâche, sa toilette, un travail, un volume. ♦ Donner, apporter une conclusion à quelque chose. [Le suj. désigne une pers.] Peu à peu les deux femmes trouvèrent plus d'aisance et finirent les phrases commencées (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 175).[Le suj. désigne une chose] Constituer la conclusion de quelque chose. La phrase qui finissait l'andante (Proust, Prisonn.,1922, p. 259). − En partic. B.-A. Mettre la dernière main à l'objet d'un travail artistique ou artisanal, parfaire. (Quasi-) synon. fignoler.Elle [la tête de la Vierge assise de Vinci] est peinte, comme le reste du tableau, avec un flou, une morbidezza que l'artiste lui eût peut-être enlevés en la finissant davantage (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 215).Hardy et lady Grove m'engageaient à « finir » mon ébauche du premier jour (Blanche, Modèles,1928, p. 87).Emploi pronom. à valeur passive. Il [Charlet] concevait et exécutait en même temps. Il faisait rarement un croquis à part avant de commencer sur sa pierre et chaque détail se finissait à mesure que sa pierre se couvrait (Delacroix, Journal,1857, p. 135). 2. Atteindre le terme d'un laps de temps donné, achever ce qui en constitue le contenu. Finir ses jours, son temps, sa vie; finir sa carrière, son service militaire. Romagné demanda la permission de finir sa journée (About, Nez notaire,1862, p. 115).Comme moi, tu dois finir ici ta misérable destinée (Maurois, Ariel,1923, p. 270). 3. Achever de consommer quelque chose. Finir sa compote, son lait, son omelette, sa soupe. Non, laissez donc, je veux finir mon cigare (Zola, E. Rougon,1876, p. 353).Jacques avait fini son café au lait (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 98).Il finit son verre, donna au visiteur le temps de finir le sien (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 57). 4. Utiliser jusqu'au bout. Finir des chaussures. L'apprentie finissait les fers sur ses torchons et sur ses bas, quand ils n'étaient plus assez chauds pour les pièces amidonnées (Zola, Assommoir,1877, p. 512): 1. Se croyait-elle vraiment si jolie cette pauvre Mlle Hedwige, pour tenir à des bêtises de ce genre [une jaquette couverte de soutaches]? C'était Madame, il est vrai, qui la fagotait ainsi. Tout le monde savait, à l'office, que la jeune fille acceptait sans murmures les vêtements qu'on lui donnait « à finir ».
Green, Malfaiteur,1955, p. 97. 5. Vx. Faire cesser. Pour apaiser les dieux et pour finir mes maux, D'un vin mûri deux ans versez vos coupes pleines (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1852, p. 158). 6. Pop. [Le compl. désigne une pers.] Achever, tuer. Je me demandais s'il allait pas la tuer?... la finir sur place? (Céline, Mort à crédit,1936, p. 216). B.− Trans. indir. 1. Finir de + inf.Terminer une action entreprise, la conduire à sa fin. Je dois finir de creuser cette fosse (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 151).Il finit posément de balayer, avant d'aller décrocher le récepteur (Sartre, Nausée,1938, p. 97): 2. Gaspard achevait de vider ses cuves. Il descendait dans la cave, montait du charbon, se donnait du mal. Annie finissait de rincer et de tordre.
Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 213. 2. En finir de + inf. a) [À la forme positive, au passé] Il en avait fini de raconter sa jeunesse, le temps du bonheur (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 236). b) [À la forme négative] Usuel. Je n'en finirais pas de le louer (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1225): 3. ... c'était le même silence et ils me regardaient, le temps passait, ils n'en finissaient plus de me regarder, et, moi, je ne pouvais soutenir leurs regards, je haletais de plus en plus fort...
Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1582. 3. En finir avec a) [Le compl. désigne une chose] Mettre définitivement fin à quelque chose. Je n'en finirais pas avec l'histoire des oiseaux que j'ai eus pour amis et pour compagnons (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 21).La musique en avait fini avec les hymnes nationaux (Giraudoux, Suzanne,1921, p. 200). − En finir avec la vie ou, par brachylogie, en finir. Mettre fin à ses jours. Élisabeth a-t-elle pris la trop forte dose de laudanum pour dormir ou pour en finir? (Du Bos, Journal,1926, p. 41). b) [Le compl. désigne une pers.] − Conclure une affaire ou un litige qui vous met en rapport avec quelqu'un. Attends que j'en aie fini avec Madame ma moitié! (Jarry, Ubu,1895, V, 2, p. 88).Je suppose qu'elle s'occupe d'en finir avec cette femme (Camus, Chev. Olmedo,1957, 1rejournée, 6, p. 732). − Rompre définitivement les relations qu'on entretenait avec quelqu'un. Je me suis alors promis (...) d'acquérir une certitude, et d'en finir alors avec Gaston, ou de consentir à mon malheur (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 374). C.− Emploi abs. 1. Finir.Mener à terme. Mais il est impossible que j'aie fini avant deux ans au plus tôt (Flaub., Corresp.,1858, p. 275).Mettre un terme à quelque chose. On n'aurait pas fini s'il fallait les ramasser tous (Tharaud, Dingley,1906, p. 96).« Finissez ou je sonne », s'écria Albertine voyant que je me jetais sur elle pour l'embrasser (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 933). − Pour finir. En manière de conclusion. Pour finir, on apporte un cabaret avec du vin de Malaga, de Xérès et de l'eau-de-vie (Gautier, Tra los montes,1843, p. 24).Pour finir, il se redressait encore à demi et, pendant un court moment, regardait devant lui (Camus, Peste,1947, p. 1406). 2. En finir.Mettre définitivement fin à une chose, à une situation qui menace de s'éterniser. Il y a dans les disputes un moment où il faut en finir (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 70).Il fallait d'ailleurs se décider et en finir d'une manière ou d'une autre (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 114).Il s'agit de répondre vite et correctement à leurs questions, pour en finir une bonne fois (Camus, Peste,1947, p. 1242). II.− Emploi intrans. A.− [Le suj. désigne une action, un état, une chose] 1. Cesser, se terminer. a) [Dans le temps] Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine (Apoll., Alcools,1913, p. 81).La guerre finira bien un jour (Montherl., Fils personne,1943, IV, 1, p. 336): 4. Plus tard! Plus tard! Et d'abord il fallait que cette nuit cessât, supposé qu'elle dût jamais finir.
Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 977. ♦ Emploi pronom. à valeur passive. L'amour ne peut être fini, s'il se réduit à se finir aussi fréquemment qu'il se puisse (Valéry, Variété I,1924, p. 79). − [Avec compl. explicitant ce qui met un terme à l'action ou ce sur quoi elle s'achève] L'année finit aujourd'hui sur une grande épreuve pour nous tous (Hugo, Corresp.,1851, p. 38).Toute prière à un dieu, quel qu'il fût, devait commencer et finir par une prière au foyer (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 27).Et cela finit par un mariage? (France, Dieux ont soif,1912, p. 134). ♦ Emploi pronom. à valeur passive. Il ne lui restait ensuite qu'un immense étonnement qui se finissait en tristesse (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 123). b) [Dans l'espace] Au point où finissait la terre et où l'eau commençait (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 541).Ces bois, ces prés finissent à 2200 ou 2300 mètres. Ils s'arrêtent au ras des neiges (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 178).La promenade finissait au café (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 186). − [Avec compl. explicitant la forme sous laquelle s'achève qqc.] Le tunnel finissait en intérieur d'entonnoir (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 554).Un ridicule chapeau d'étoffe sombre qui, traversant le diadème, finissait en très haute pointe inclinée comme une corne en avant du front (Gide, Thésée,1946, p. 1422). c) [Dans l'abstrait] Leur « culture » commence et finit au marxisme (Gide, Feuillets,1937, p. 1293).La décision de demander à l'expérience elle-même son propre sens, en un mot la phénoménologie, ne finit-elle pas par la négation de l'être et la négation du sens? (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 338). 2. Avoir une issue (bonne ou mauvaise). Finir heureusement, tragiquement. Pour le chrétien, en effet, l'existence est une histoire qui peut finir bien ou mal (Massis, Jugements,1923, p. 272).Ça finit toujours vinaigre... Un jour ou l'aut', on s' fait mett' la main au collet (Martin du G., Gonfle,1928, III, 1, p. 1221).Ce jeu a fini très mal une fois, et finira de même mille fois et plus (Alain, Propos,1929, p. 839). 3. N'en pas (plus) finir. N'avoir pas de fin, s'éterniser. C'était une longue lettre qui n'en finissait pas (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 173).V. assoiffer ex. 1. ♦ À n'en plus finir. Elle l'avait accueilli avec des remerciements à n'en plus finir (Pourrat, Gaspard,1931, p. 136).Pour avoir ensuite des emmerdements à n'en plus finir (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 124). B.− [Le suj. désigne une pers.] 1. Parvenir à un rang, un état. Vous commencez mieux que ne finissent d'autres éditeurs (Béguin, Âme romant.,1939, p. 107). − [Avec attribut ou compl.] La fille a fini madame Pelletan, baronne de Clin-Clin (Barrès, Cahiers,t. 6, 1907-08, p. 94).J'étais fait pour devenir explorateur. Je finirai dans la peau d'un explorateur (Duhamel, Terre promise,1934, p. 175).Tout révolutionnaire finit en oppresseur ou en hérétique (Camus, Homme rév.,1951, p. 306). 2. Achever sa vie de telle ou telle façon (d'une façon gén. mauvaise). Finir sur la paille, en prison. Cet homme-là n'a pas de cœur!... Il finira mal! (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 41).Quelqu'un lui a dit quand il était petit « Tu finiras sur l'échafaud » (Prévert, Paroles,1946, p. 80). 3. Être sur sa fin, mourir. Il n'est pas donné à tout le monde de finir tragiquement (Gracq, Syrtes,1951, p. 258): 5. J'attendais toujours à t'écrire, mon brave Ernest, pour te donner des nouvelles définitives de ce pauvre Alfred. Tout est fini maintenant! Il est mort il y a aujourd'hui 8 jours, à cette heure-ci (minuit). Je l'ai enterré jeudi dernier. Il a horriblement souffert et s'est vu finir.
Flaub., Corresp.,1848, p. 84. C.− Finir par + inf.En arriver à, en venir à. 1. [Le suj. désigne une pers.] Alors la haine monta lentement en eux, ils finirent par se jeter des regards de colère, pleins de menaces sourdes (Zola, T. Raquin,1867, p. 188).L'homme qui cède aux tentations de l'innommable finit par ne plus vouloir Dieu (Green, Journal,1950, p. 352). 2. [Le suj. désigne une chose] Les villages deviennent plus rares; ils finissent par se disséminer en petits hameaux détachés (Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 388).Le terme « prolétaire » finit par devenir synonyme d'opprimé (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 75). 3. [En constr. impers.] Il finira bien par se passer quelque chose (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 166). REM. Finissement, subst. masc.,rare. Fin, achèvement. Dans les conditions d'hygiène physique et morale de nos grandes villes, neuf fois sur dix l'homme moyen est un finissement (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 224). Prononc. et Orth. : [fini:ʀ], (il) finit [fini]. Ds Ac. dep. 1718. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 trans. fenir « mener à bonne fin, achever » (Roland, éd. J. Bédier, 169); spéc. av. 1660 finir « mener quelque chose à son point de perfection » (Scar. ds Rich. 1680); 1688 part. passé adj. « achevé dans son genre » (Miege d'apr. FEW t. 3, p. 557a); 2. 1130-40 intrans. fenir « prendre fin, arriver à son terme dans le temps (ou l'espace) » (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1265); spéc. 1669 « avoir une certaine issue » (Racine, Britannicus, éd. P. Mesnard, I, 1); [xviiies. d'apr. FEW t. 3, p. 556b] 1805 finir par + inf. « arriver à faire quelque chose, réussir » (Buff., Suppl. à l'Hist. nat.,
Œuvr., t. XI, p. 131 ds Littré); 1671 finir en « se terminer en prenant une certaine forme » (Pomey) 3. fin xiiies. fenir « mettre fin à, faire cesser quelque chose » (Audefroi Le Bastard, Chanson, XIII, var. ms. B.N. 12615, fo57 vo, éd. A. Cullmann, p. 102); 1573 finir de + inf. « cesser de » (Dupuys); spéc. av. 1696 finir « cesser de dire (ou faire) » (Sév., 486 ds Littré); 1798 en finir « mettre fin à quelque chose de fâcheux » (Ac.); 4. 1370-82 part. passé adj. fini « limité » (Oresme, Livre du Ciel et du Monde, éd. A. D. Menut, 17c, p. 98), ne subsiste que dans des emplois partic., notamment en philos., 1647 adj. (Desc., IIIeMédit. ds Rob.); av. 1662 subst. (Pascal, Pensées, section III, éd. L. Brunschvicg, p. 144). Finir attesté dès le xiiies. [date du ms.] (Vie de St Giles, éd. G. Paris et A. Bos, 3781) au sens de « terminer », est une réfection d'apr. fin1*, de la forme dissimilée fenir (moins usuelle que finer, v. finance), du lat. finire « limiter », « achever, mettre fin » [d'où finiri « mettre un terme à la parole »,] passif « se terminer; mourir » et intrans. « prendre fin, mourir », b. lat. « avoir un terme ». Fréq. abs. littér. : 13 295. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 617, b) 22 402; xxes. : a) 23 995, b) 19 459. Bbg. Dub. Dér. 1962, p. 35. − Duch. Beauté 1960, p. 139. − Quem. DDL t. 4. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 423-424. |