| FINANCE, subst. fém. A.− Le plus souvent au sing., vx. Argent comptant. Chaque Maître un peu riche, promit sa finance en s'enrôlant sous la bannière du jeune Lamblerville (Balzac,
Œuvres div.,t. 2, 1834, p. 667).Les finances commençaient à lui manquer (Ac.1835, 1878) : 1. Le roi était fort prodigue et dépensier. Où son père eût donné cent écus, il en donnait mille. La finance ne servait en rien au bien de la chose publique, et s'en allait toute dans les bourses particulières.
Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 1, 1821-24, p. 401. − Loc. Par finance (vx), moyennant finance(s) (mod.). En échange d'argent. Les gentilshommes, les robins, les commis des femmes et les gazetiers (...) pénétraient dans le théâtre, soit par faveur, soit par finance (Nerval, Illuminés,1852, p. 101).Moyennant finances, on peut faire venir sa nourriture et sa boisson (...) du dehors (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 4, Mes prisons, 1893, p. 384): 2. M. Grenouville a consenti à l'épouser, à la condition qu'elle renoncerait à nous, et nous avons consenti...
− Moyennant finance? ... dit la perspicace Josépha.
− Oui, madame, dix mille francs, et une rente à mon père, qui ne peut plus travailler...
Balzac, Cous. Bette,1846, p. 347. − En partic. Somme à payer. ♦ [Sous l'Ancien Régime] Somme à payer au roi pour acquérir une charge, un titre de noblesse. Les créations d'offices où le titulaire est obligé de fournir une finance, ou un cautionnement (...) sont des espèces d'emprunts perpétuels (Say, Écon. pol.,1832, p. 542): 3. ... Louis XIV annula tous les titres de noblesse acquis depuis quatre-vingt-douze ans (...); on ne pouvait les conserver qu'en fournissant une nouvelle finance...
Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 183. ♦ Région. (Suisse romande). Somme à payer pour obtenir un service, pour adhérer à un groupe de personnes. Finance d'inscription à des cours. Loyer mensuel fr. 500. − plus finance chauffage et eau chaude fr. 35. − (24 Heures [Lausanne], 31 mai 1976).Rappelons que la finance d'entrée est fonction du nombre de personnes occupées dans l'entreprise (Ordre professionnel [organe de patronat], 11 nov. 1976). B.− Au plur. Sommes d'argent. 1. Sommes inscrites au budget d'un organisme public, en particulier de l'État (v. aide ex. 15). Finances communales, locales, publiques; administration, commission, ministre des finances; loi de finances. Faites-moi de bonne politique et je vous ferai de bonnes finances, disait le baron Louis (Proust, Temps retr.,1922, p. 782).Le budget dressé par le gouvernement pour l'année 1945 porte une lumière cruelle sur nos finances, telles qu'elles sont après plus de cinq ans de guerre (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 117): 4. ... [sous Henri IV] les finances ne permettaient plus de récompenser des sonnets, comme sous Henri III, par dix mille écus de rente...
Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 150. − P. méton. ♦ Vx, parfois au sing. ,,L'art d'asseoir, de régir et de percevoir les impositions. Il sait bien les finances. Il n'entend rien aux finances`` (Ac. 1835, 1878). La science économique n'existait pas encore (...); la finance n'était que l'art de piller les peuples sans les pousser à la révolte (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 132). ♦ Administration, ministère qui gère les sommes inscrites au budget de l'État. Contrôleur, inspecteur des finances. Les Affaires étrangères sont en délicatesse avec l'Intérieur (...); les Travaux publics se plaignent de la lésinerie des Finances (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 124).Président du Conseil, Clemenceau. Briand à la Justice. Caillaux aux Finances (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. 158): 5. ... cela [des cigares de contrebande] ne regarde point l'intérieur, cela regarde les finances : adressez-vous à M. Humann, section des contributions indirectes, corridor A, no26.
Dumas père, Comte Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 569. 2. Fam. Sommes d'argent dont dispose un particulier. Embarras de finances. Ma mère s'étonnait du désordre de mes finances et de l'importance de mes demandes de crédits (France, Vie fleur,1922, p. 402).Mes parents aux prospères finances accumulaient des bons de Panama (Queneau, Si tu t'imagines,1952, p. 13): 6. ... Ah vous voulez épouser ma sœur, me dit-il, je le conçois! Elle est extrêmement riche et vous avez à peu près dissipé toute votre fortune... La dot de Valentine rétablirait vos finances!...
Kock, Ficheclaque,1867, p. 122. Rem. On rencontre ds la docum. qq. emplois au sing. L'envie de voir Venise et ma quarantaine (...) m'ont bien fait regretter de ne pas avoir été chez vous. Mais la saison ne le permettait pas, ni la finance (Balzac, Lettres Étr., t. 1, 1850, p. 383). Le charitable est le seul bon boursier, Le seul qui sache un peu gouverner sa finance (Péguy, Ève, 1913, p. 764). C.− P. méton. 1. Le plus souvent au sing. (Grandes) affaires d'argent (v. argentier ex. 5). Le monde de la finance. Le peuple, métamorphosé en collecteur et en banquier, s'était refugié dans la finance, et gouvernait la société par l'argent (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 255).Ces hommes inquiets, à l'esprit subtil, également doués pour les finances et la philosophie (Barrès, Gréco,1911, p. 95): 7. On contait que l'Américain avait amassé des mille et des mille, non seulement par son négoce, mais par la finance. Qu'il était en secret bailleur de fonds d'un particulier du Velay qui faisait la banque à Saint-Domingue.
Pourrat, Gaspard,1922, p. 16. − [Sans l'art., en fonction de déterminant] Style de finance, terme de finance (Ac.). Il est plus difficile de transformer un homme de finances en baron, que de faire d'un gentilhomme un grand d'Espagne (Dumas, père, Demoiselles de St-Cyr,1843, III, 4, p. 147).Les spéculateurs, les aventuriers de finance (Jaurès, Guêpier marocain,1914, p. 60). ♦ Spéc., vx. ,,Écriture de finance, écriture en lettres rondes. Chiffre de finance, le chiffre romain`` (Ac. 1835, 1878). 2. Au sing. L'ensemble des personnes qui font de grandes affaires d'argent. La haute finance, entrer dans la finance. Ces trois classes principales de la société dans la capitale, la noblesse, la finance et la petite bourgeoisie (Mussetds Le Temps,1831, p. 124): 8. Tous les gouvernements d'Europe (...) sont les instruments de la finance internationale... et, si (...) l'Europe a évité la guerre générale, c'est simplement parce que les financiers préfèrent prolonger cette paix armée, dans laquelles les États s'endettent toujours davantage... mais le jour où la haute banque aura intérêt à ce que la guerre éclate!...
Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 250. REM. Phynance, subst. fém.,var. plaisante. De tous côtés on ne voit que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances (Jarry, Ubu Roi,1895, III, 7, p. 64).Saint Antoine et tous les saints, protégez-moi, je vous donnerai de la phynance et je brûlerai des cierges pour vous (Jarry, Ubu Roi,1895III, 7, p. 65).Le Conseil vote, sans renvoi à la Commission des Phynances, un crédit de deux cents francs (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1918, p. 472). Prononc. et Orth. : [finɑ
̃:s]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1280 « versement » (Adenet Le Roi, Cléomades, éd. A. Henry, 18620); 1377 « argent » (Gace de la Buigne, 3166 ds T.-L.); 1400-17 « ressources dont dispose quelqu'un » (N. de Baye, Journal, éd. Tuetey, 1, 33); 2. 1314 plur. fineances « revenus de l'État » (Lett. de L. le Hut., A.N. JJ, fo41 rods Gdf. Compl.); 1460-83 tresorier des finances (J. de Roye, Chron. scandaleuse, éd. B. Mondrot, I, 18); 3. xves. « maniement des revenus de l'État, des affaires d'argent » (H. Baude, Vers, éd. J. Quicherat, 32). Dér. à l'aide du suff. -ance* de l'a. fr. finer « payer » (1238 Lett. de Thomas et de Jeanne de Flandre, Reiffenberg, Mon. du Hain., I, 341 ds Gdf.) lat. médiév. finare « exiger de l'argent » 1212 et « donner de l'argent » 1234 ds Du Cange, s.v. p. 502aet 501c; v. aussi Nierm.; déjà attesté au sens de « mener à bout » (ca 1100 Roland, éd. J. Bédier, 705−1613 Voultier, Grand dict. françois, latin et grec d'apr. FEW t. 3, p. 558a), forme altérée de finir* « amener à fin » d'où spéc. « payer » sous l'infl. de l'a. fr. fin « argent » (fin xiies. Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea, Appendix I, 1581, ms A − 1360-70 Baudouin de Sebourc, XII, 102 ds T.-L.) cf. FEW t. 3, pp. 559-560. Noter le lat. médiév. financia « redevance » (xives. ds Nierm. et du Cange, s.v. p. 501b). Fréq. abs. littér. : 1 102. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 671, b) 936; xxes. : a) 1 293, b) 1 127. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 417. − Lew. 1960, pp. 67-68. |